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Liban

L’Onu appelle Damas à coopérer dans l’enquête sur le meurtre de Hariri

L'attentat qui a tué le Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Les soupçons des enquêteurs se portent sur les milieux proches de la Syrie et du président libanais.(Photo : AFP)
L'attentat qui a tué le Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Les soupçons des enquêteurs se portent sur les milieux proches de la Syrie et du président libanais.
(Photo : AFP)
Montrée du doigt par l’Onu pour son refus de coopérer avec la Commission internationale d'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, la Syrie est de nouveau sous pression internationale.

De notre correspondant à Beyrouth

Quelques heures à peine après avoir été sommé par le Conseil de sécurité de coopérer avec la Commission internationale d'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, Damas a jeté du lest. L'ambassadeur de Syrie à New York, Fayçal Mokdad, a affirmé que son pays était prêt à coopérer pleinement avec la Commission, dirigée par le magistrat allemand Detlev Mehlis. Plus tard, celui-ci devait rencontrer deux diplomates syriens au siège de l’organisation internationale à Genève pour discuter des modalités de cette coopération. Après la réunion, les deux diplomates ont quitté les lieux sans faire de déclaration et Mehlis a refusé commenter les entretiens. Selon des sources bien informées, une autre rencontre pourrait avoir lieu pour tenter de définir un cadre pour la coopération future entre les deux parties.  

Invoquant des considérations de «souveraineté nationale», Damas a affirmé à plusieurs reprises que la Constitution syrienne empêche que des responsables soient interrogés par une partie étrangère ou jugés à l'étranger. De même qu’elle interdit à une commission d'enquête étrangère d'opérer sur le territoire national. Ce geste de bonne volonté syrien fait suite à la déclaration du président du Conseil de sécurité, l'ambassadeur du Japon Kenzo Oshima qui, sans citer nommément Damas, a appelé «tous ceux qui peuvent posséder des informations pertinentes sur ce crime, en particulier ceux qui n'ont pas encore répondu de manière adéquate, à coopérer pleinement» avec la Commission Mehlis.

«Ce manque de coopération est inacceptable»

Plus explicite, le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires politiques, Ibrahim Gambari, avait indiqué dans un rapport au Conseil que la Syrie n'avait pas encore répondu aux demandes de coopération de la Commission, alors que «la Jordanie et Israël ont réagi positivement» aux demandes d'aide formulées par le magistrat allemand. L'ambassadeur américain, John Bolton, a, quant à lui, été très virulent. «Il n'y a aucun doute, selon le rapport que nous avons entendu, que le manque de coopération de la Syrie avec la commission Mehlis a retardé ses travaux considérablement. Ce manque de coopération est inacceptable», a déclaré le diplomate. Au Liban, Saad Hariri, fils et héritier politique de Rafic Hariri, a exhorté «toutes les parties, au Liban et à l’étranger, à coopérer avec les enquêteurs internationaux pour que toute la vérité soit faite» sur l’assassinat de son père, tué le 14 février dernier dans l’explosion d’une camionnette bourrée d’une tonne de TNT.

Après avoir entendu quelque 240 témoins au Liban, Detlev Melhis s’était adressé aux autorités syriennes, vers la mi-juillet, pour entendre trois officiers supérieurs des services de renseignements militaires qui étaient en poste au Liban à l’époque de l’assassinat de Hariri. Il s’agit de l’ancien chef des services de renseignement au Liban le général Rustom Ghazalé et de ses adjoints, les colonels Jameh Jameh et Mohammad Khallouf. Refusant que les officiers soient interrogés directement par des enquêteurs, la Syrie avait proposé de répondre par écrit à des questions envoyées également par écrit. Proposition rejetée par Mehlis. A trois semaines de la fin de son mandat initial, la commission d’enquête n’avait toujours pas pu entendre les officiers syriens. C’est pour cette raison qu’une éventuelle prorogation de quatre à six semaines a été évoquée par les membres du Conseil de sécurité.

Un modèle avec le volant à droite

Mais bien que la Syrie n’ait pas coopéré à l’enquête, Detlev Mehlis et son équipe de 150 experts de diverses nationalités (avec une majorité d’Allemands) ont sérieusement progressé dans leurs investigations. Avec l’aide des autorités libanaises dont la coopération a été saluée par le ministère français des Affaires étrangères, la commission d’enquête a pu déterminer avec plus ou moins de précision la méthode et les moyens utilisés pour assassiner Rafic Hariri. Selon Mehlis, l’ancien Premier ministre a été tué dans l’explosion d’une camionnette piégée de type Mitsubishi blanche modèle 1995 ou 1996. Les débris retrouvés sur les lieux de l’attentat ont montré que le véhicule était un modèle avec le volant à droite, ce qui limite considérablement le champ de recherche. Ce vendredi, des plongeurs ont encore retrouvé au fond de la baie du St-Georges, non loin du lieu de l’explosion, plusieurs débris provenant du véhicule. Plus important encore, les experts ont retrouvé 27 lambeaux de chair appartenant à un même individu près du point le plus proche de la déflagration. Des tests d’ADN ont montré que ces restes n’appartiennent à aucune des 20 autres victimes identifiées de l’attentat. Les enquêteurs en ont conclu que ces restes sont ceux d’un présumé kamikaze qui n’est pas le Palestinien Ahmed Abou Adas, lequel avait revendiqué l’assassinat dans une cassette-vidéo envoyée à la chaîne qatariote al-Jazira, le jour-même du crime.

Detlev Mehlis est par ailleurs convaincu que c’est bien le chef de la garde présidentielle, le général Moustapha Hamdane, qui a donné l’ordre de déblayer les dégâts provoqués par l’explosion. Par négligence ou par volonté de modifier la scène du crime pour éliminer des indices, il ne le sait pas encore. Mais le magistrat allemand n’a pas encore réussi à identifier ceux qui ont commandité et planifié l’attentat. Peut-être espère-t-il faire une percée à ce niveau après avoir interrogé les officiers syriens?


par Paul  Khalifeh

Article publié le 26/08/2005 Dernière mise à jour le 26/08/2005 à 19:04 TU