Ukraine
Iouchtchenko limoge le gouvernement Timochenko
(Photo: AFP)
De notre correspondante à Moscou
Ces derniers jours, les accusations de corruption dans l’entourage du président se sont multipliées. Le leader, arrivé au pouvoir l’hiver dernier suite à une révolution populaire, tente de faire front dans la perspective des prochaines élections législatives.
Depuis quelques semaines déjà, l’ambiance au sein des membres du gouvernement et de hauts responsables politiques n’était plus tenable… Nikolaï Tomenko, jusque-là vice-Premier ministre aux affaires humanitaires, l’affirme désormais volontiers : il ne supportait plus, dit-il, le « système de corruption » en place au sein des conseillers du président. Pour lui, il y avait même deux gouvernements en Ukraine : d’un côté, celui de Ioulia Timochenko, libérale très populaire dans son pays. De l’autre, celui de Petro Porochenko, actuel chef du Conseil de sécurité nationale, ancien oligarque appuyé par des membres des forces de sécurité. La nomination de ce dernier avait justement pour but de limiter l’influence de la sulfureuse Premier ministre…
En démettant le gouvernement, Victor Iouchtchenko a été forcé de le reconnaître : « j’ai dû intervenir constamment [ces derniers mois, ndlr] pour aplanir les conflits entre le gouvernement et le Conseil de sécurité, le Conseil de sécurité et le secrétaire d’État, le gouvernement et le Parlement… » Il poursuit : « la confiance était tombée au point zéro ». Bref, n’y avait plus « d’esprit d’équipe ».
Pour les observateurs, le vers était dans le fruit depuis plusieurs mois déjà. Mais tout s’est accéléré ces dernières semaines, à propos de la remise en cause de la privatisation d’une importante usine de métallurgie, dans l’est du pays. Petro Porochenko a alors été accusé de défendre ses intérêts personnels, tandis que le Premier ministre s’est vu soupçonné d’ignorer certaines procédures légales pour remplir les coffres de l’État.
Alexandre Zintchenko, le chef de l’administration présidentielle, a sans aucun doute porté le coup de grâce ce week-end, en annonçant sa démission. En expliquant lundi les raisons de cette décision, ce proche de Victor Iouchtchenko a mis le feu aux poudres. Il a accusé directement Petro Porochenko ainsi que le chef du cabinet présidentiel, Alexandre Tetriakov, d’utiliser leurs fonctions à des fins personnelles. Par exemple, en prenant sous leur aile certains hommes d’affaires. Ou en faisant de la rétention d’information. Alexandre Zintchenko avertissait même le leader de la Révolution orange, lui promettant une « nouvelle révolution » s’il ne mettait pas fin aux fonctions des deux hommes…
Selon le politologue Volodymyr Malinkovitch, cité par l’AFP, les tensions au sein de cette élite politique vont encore « se poursuivre et se renforcer ». Et pour preuve, autre démission parmi ces limogeages en cascade : celle du chef des services secrets ukrainiens, appui de taille de Ioulia Timochenko. « Je pense que la décision de limoger le gouvernement met en danger la sécurité nationale de l’Ukraine et vous demande d’accepter ma démission », a lancé au chef de l’État Olexandre Tourtchinov.
Les réformes à venir remises en cause ?Par ce geste, Victor Iouchtchenko - qui, cet été, a dû faire face à un scandale sans précédent lorsqu’un membre de son équipe de campagne a révélé que son fils est détenteur de tous les droits de la « marque » de la Révolution orange (petit commerce qui brasserait des millions de dollars) – va-t-il restaurer la confiance ?
Alors que les réformes stagnent et l’économie faiblit, cette crise risque en tout cas de mettre en danger certains projets à venir. Comme l’intégration de l’Ukraine à l’OMC. Les parlementaires, qui ont repris le travail mardi, doivent voter dans les semaines qui viennent une série de texte préparant cette adhésion. S’il veut conserver les majorité lors des élections législatives de mars 2006, Victor Iouchtchenko a besoin de réussir.
En attendant, Iouri Ekhanourov, actuel gouverneur de la région de Dnipropetrovsk dans l’est du pays, a été nommé Premier ministre par intérim. Il est chargé de former un nouveau cabinet. Economiste favorable aux réformes, ce proche de Victor Iouchtchenko, 57 ans, a promis de mener un « travail efficace ».
La tâche s’avère difficile.
par Virginie Pironon
Article publié le 08/09/2005 Dernière mise à jour le 10/09/2005 à 12:37 TU