Japon
Koizumi en passe de réussir son pari
(Photo: AFP)
Le Premier ministre Junichiro Koizumi a tout fait pour que la privatisation de la poste soit l’enjeu de ce scrutin. Lui, qui veut justement que ces élections servent de référendum sur sa réforme postale. Et si ce rendez-vous électoral et cette privatisation sont aussi liés, c'est tout simplement parce que c'est l'échec de l'adoption de cette réforme qui a conduit à l'organisation de ces législatives anticipées. Début août, le Sénat a, en effet, rejeté cette proposition. Junichiro Koizumi avait averti qu'il considérerait tout rejet comme une motion de censure.
La privatisation de la poste a donc constitué le thème de campagne principal de Junichiro Koizumi qui voit en elle la pièce maîtresse de sa politique de réformes. La poste japonaise est la plus grande institution financière du monde: elle gère 2 640 milliards d'euros et le chef du gouvernement voudrait que cet argent soit utilisé pour des grands chantiers industriels dans le but de relancer l'économie nationale. Il souhaite aussi briser le «lobby postal», c'est-à-dire ces 262 000 fonctionnaires et leurs proches, tous très courtisés par la classe politique nipponne. Cette réforme est le leitmotiv de Koizumi depuis 2001, autrement dit depuis son arrivée à la tête du gouvernement.
Son objectif, en provoquant des élections anticipées, est très clair: faire le ménage au sein de son propre parti pour en devenir le vrai chef de file. C'est d'ailleurs dans ce but que le Premier ministre a déclenché cette crise politique. Koizumi n'avait, en effet, pas besoin de soumettre son projet aux sénateurs. Mais il lui fallait ces élections pour tenter de se débarrasser de la branche conservatrice de son parti, qui bloque ses réformes depuis maintenant quatre ans.
Un politicien atypique
Un homme politique qui prend le risque de détruire son propre camp pour imposer sa volonté et demande au peuple de trancher: c'est du jamais vu au Japon! En agissant ainsi, Koizumi cherche à prouver une fois de plus qu'il est décidemment un politicien «atypique», un marginal. Et un homme qui soigne son image en ce sens: à 63 ans, cet héritier d'une famille de politiciens, séducteur à la chevelure argentée, porte des complets clairs et des cravates multicolores... On est loin des codes vestimentaires nippons. Il existe donc un style Koizumi qui, en politique, revient à n'en faire qu'à sa tête: Koizumi a plusieurs fois bravé la hiérarchie et ne tient pas compte des avis de ses supérieurs pour attribuer des portefeuilles... Cette attitude lui vaut une solide popularité auprès de l'opinion publique, elle qui n'a guère confiance en la classe politique.
Koizumi ne prend donc guère de risque. Il se montre d’ailleurs très confiant et les sondages publiés vendredi indiquent que son parti, le PLD, le Parti libéral-démocrate va, sauf extraordinaire, très largement remporter le scrutin. Signe qui ne trompe pas: l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a clôturé vendredi à son plus haut niveau depuis plus de quatre ans. Cet indice a gagné environ 8% depuis que Junichiro Koizumi a dissout la chambre basse. Les marchés japonais parient donc sur une victoire du parti du Premier ministre.
Par ailleurs, le programme de ses adversaires politiques n'est pas à la hauteur, du moins dans les domaines économiques et sociaux où l'opposition centriste n'est pas parvenue à formuler de vraies propositions alternatives. L'opposition, en l'occurrence le Parti démocrate, le PDJ, n'est pas parvenue à se distinguer sauf, en matière de politique extérieure. Dans ce domaine, le PDJ s'est montré plus innovateur: rapatrier les soldats déployés en Irak, changer de ton vis-à-vis de la Chine et de la Corée, panser les plaies de la guerre et créer un nouveau mémorial pour remplacer Yasukuni. En fait, comme l’explique un professeur d'une université japonaise, les démocrates ont soulevé trop de questions et la population va favoriser la simplicité du programme défendu par Koizumi.
par Nathalie Tourret
Article publié le 10/09/2005 Dernière mise à jour le 10/09/2005 à 15:06 TU