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Brésil-Pérou

Le chantier de la route interocéanique est lancé

Le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva et son homologue péruvien Alejandro Toledo inaugurent le chantier de la route interocéanique à Puerto Maldonado, le 8 septembre 2005.(Photo: AFP)
Le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva et son homologue péruvien Alejandro Toledo inaugurent le chantier de la route interocéanique à Puerto Maldonado, le 8 septembre 2005.
(Photo: AFP)
Les travaux ont officiellement débuté, jeudi. Cette voie qui traversera l’Amazonie comme l’Altiplano, reliera d’ici 2009 la côte brésilienne atlantique aux ports péruviens de l’océan Pacifique. Une opportunité commerciale pour le Brésil, le Pérou mais aussi la Bolivie.

De notre correspondante à Lima

«Nous fêtons un nouveau chapitre dans l’histoire de la région amazonienne et de l’Amérique du Sud», s’est félicité Luis Inacio Lula da Silva, jeudi. Le chef d’Etat brésilien, accompagné des présidents péruvien, Alejandro Toledo, et bolivien, Eduardo Rodriguez, était à Puerto Maldonado, dans la partie amazonienne du Pérou, à 1 000 kilomètres de Lima, pour inaugurer le chantier de l’Interocéanique. Evoquée depuis plus de cinquante ans, cette route, goudronnée et large de six mètres, reliera d’ici 2009, les océans Pacifique et Atlantique. «C’est la réalisation d’un rêve que Péruviens, Boliviens et Brésiliens avons depuis des décennies et qui jusque là n’était jamais allé plus loin que les discours», s’est enthousiasmé Lula qui y voit le «début de l’intégration physique» des trois pays. L’Interocéanique permettra une jonction directe des côtes du Brésil aux ports péruviens en passant près de la Bolivie.

Côté brésilien, il existait déjà une route traversant le pays depuis Assis et Inapari, deux villes situées en Amazonie à la frontière entre le Brésil et le Pérou, jusqu’au port de Santos, sur la côte atlantique. Le nouveau chantier, lancé jeudi, permettra donc de relier ces mêmes villes à trois ports péruviens, sur la côte pacifique: Ilo, Matarani et Marcona. Pour ce faire, deux tronçons routiers vont être construits à partir d’Inapari. Le premier traversera la jungle avant d’affronter les hauteurs de l’Altiplano jusqu’à la ville de Macusani, à 4 000 mètres d’altitude. Le deuxième rejoindra Urcos, près de Cusco, la capitale de l’empire inca. En tout, ce sont près de 1 100 kilomètres de route, dont 324 ponts, qui seront construits au Pérou d’ici 2009. Coût de l’opération: 892 millions de dollars

Cette voie routière creusée au cœur de la forêt vierge aura en tout cas pour effet de désenclaver de nombreuses régions de l’Amazonie et des hauts plateaux péruviens ou boliviens, proches de l’Interocéanique. Pour le président de Bolivie, ce chantier permettra à son peuple d’avoir désormais accès aux deux océans. Le Brésil et le Pérou tireront surtout des avantages économiques de ce nouvel axe. La voie interocéanique devrait ainsi permettre au Brésil d’exporter vers l’Asie des minéraux, produits agricoles, viandes, café et autres, à partir des ports péruviens. Le Pérou devrait pour sa part exporter vers le Brésil du bois, des fruits et légumes, céréales ou lait. Le président de la chambre nationale Pérou-Brésil l’affirme: le commerce entre les deux pays pourrait être multiplié par trois en quatre ans.

Des choix contestés

Selon le président péruvien Alejandro Toledo, l’Interocéanique devrait contribuer à 1,5% du PIB national. Le chantier devrait en outre avoir des retombées positives pour quelque 5,6 millions de Péruviens, soit près de 20% de la population, tandis que 72 000 personnes travailleront sur le projet durant les quatre prochaines années. Malgré ces perspectives encourageantes, M. Toledo a dû faire face à de nombreuses critiques notamment relatives au coût de l’ouvrage, beaucoup plus élevé qu’initialement prévu. Face au manque à gagner des entreprises concessionnaires, l'État péruvien s'est ainsi engagé à leur verser 96 millions de dollars par an durant quinze ans.

Le choix même des compagnies chargées de construire la fameuse voie routière est lourdement contesté. Deux des entreprises en question, dont l’imposante brésilienne Norberto Odebrecht, seraient effectivement en procès avec l’État péruvien. Or, selon la loi, les compagnies impliquées dans des procès contre l’État ne peuvent recevoir des concessions pour des ouvrages publics. Des affaires qui pourraient remettre en cause la valeur du contrat donnant la concession du chantier à ces entreprises. Face aux critiques des experts et de la presse nationale, le président Toledo n’a pas différé l’inauguration du chantier. «La voie interocéanique est une décision politique; pour les questions techniques, demandez aux techniciens», s’est contenté d’affirmer le président péruvien. L’institution Pro Inversion qui se charge de faire la lumière sur le dossier devrait rendre ses conclusions dans quelques jours.

En attendant, les travaux ont bien débuté dans trois villes du Pérou, qui attendent beaucoup de ce nouvel axe. «Maintenant vient la tâche difficile de superviser le tout pour que les travaux avancent, a déclaré M. Toledo. Il est nécessaire d’avoir des résultats pour que le rêve des populations du sud du pays ne soit pas tronqué.» Le président péruvien a d’ores et déjà promis qu’il se rendrait toutes les trois semaines sur les lieux pour vérifier l’avancée du chantier.

par Chrystelle  Barbier

Article publié le 11/09/2005 Dernière mise à jour le 11/09/2005 à 11:18 TU