Cameroun
Des immigrés clandestins burkinabés font naufrage
(Photo : Alpha Barry)
De notre correspondant au Burkina Faso
Ils étaient au total 161 ressortissants d’Afrique de l’ouest dont 87 Burkinabés. Des réseaux d’intermédiaires leur avaient promis le bonheur après quelques jours de voyage. Mais ils n’atteindront jamais leur destination : le Gabon.
C’est au Nigeria que le calvaire de ces candidats au départ commence. Après une longue attente, ils finiront néanmoins par embarquer à bord d’une vieille pirogue. Direction : les côtes gabonaises. Après deux heures de mer, l’embarcation est obligée de revenir à son point de départ pour subir des réparations. Au bout d’une semaine, un autre départ est programmé. Mais c’est un autre échec pour des raisons techniques. C’est à la troisième tentative que l’embarcation réussira à atteindre la haute mer et à pénétrer dans les eaux territoriales camerounaises. Mais une fois de plus, le voyage sera interrompu.
On est le 12 juillet 2005. La pirogue surchargée présente encore des défaillances techniques. Sous la pression des passagers, l’embarcation réussit à accoster dans le village de Lokoundje situé dans la préfecture de Kribi. Sans moyens, les naufragés ne réussiront plus jamais à continuer leur voyage vers le Gabon. Nombreux d’entre eux se sont réfugiés dans des mosquées à la recherche d’un toit et de la nourriture. Le calvaire durera plus d’un mois jusqu’au jour où une mission du gouvernement burkinabé débarque dans le village de Lokoundje pour les rapatrier. Sur le chemin du retour, la délégation ramène de Cotonou où elle était en transit un autre groupe de Burkinabés candidats à l’immigration clandestine qui partait pour la Guinée Equatoriale. Eux aussi n’avaient plus de moyens pour continuer leur voyage après avoir été roulés par des intermédiaires qui leur promettaient monts et merveilles dans ce nouveau pays pétrolier d’Afrique centrale.
Destinations de rêve pour les clandestins
En fait, depuis quelque temps, le Gabon et la Guinée Equatoriale sont devenus des destinations de rêves pour les clandestins d’Afrique de l’Ouest. Considérés comme des eldorados pétroliers, ces deux pays sont devenus la terre promise pour ceux qui n’arrivent pas (plus) à tenter l’aventure vers l’Europe. C’est particulièrement le cas pour les Burkinabés coupés de leurs deux principales destinations. D’abord, la Côte d’Ivoire où la situation de crise qui dure depuis septembre 2002 n’encourage plus les migrations saisonnières vers les plantations de cacao et de café. Ensuite l’Italie où travaillent des milliers de clandestins burkinabés dans les plantations de tomate. Depuis que la Libye, principal pays de transit a accru la surveillance de ses frontières, il est devenu difficile pour les Africains de rentrer clandestinement en Italie. D’où la recherche de nouveaux horizons. Mais quelque soit la destination, de véritables filières sont en place pour accompagner les candidats au départ.
En réalité, il s’agit de réseaux d’escrocs qui profitent de la naïveté des jeunes Africains. «On nous a amenés en Libye. On croyait que l’Europe était proche. Mais finalement nous avons été arrêtés et jetés en prison avant d’être expulsés vers Niamey. Là-bas, nos guides ont promis de continuer avec nous au Gabon mais moi je n’avais plus d’argent pour payer le voyage », raconte Madi, un jeune Burkinabé qui jure ne plus jamais tenter une quelconque aventure. Face à ce qu’il qualifie de braderie des jeunes Africains, le secrétaire permanent du Conseil des Burkinabés de l’étranger qui a conduit la mission de son pays au Cameroun, Mamadou Sangaré, conseille de «mener une véritable action de sensibilisation sur les enjeux de l’immigration clandestine en direction de la jeunesse. »par Alpha Barry
Article publié le 14/09/2005 Dernière mise à jour le 14/09/2005 à 12:50 TU