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Immigration clandestine

Le « pont aérien » italien vivement critiqué

Pour tenter d’enrayer le flot des arrivants,  l’Italie a mis en place un pont aérien à destination de Tripoli.  

		(Photo : AFP)
Pour tenter d’enrayer le flot des arrivants, l’Italie a mis en place un pont aérien à destination de Tripoli.
(Photo : AFP)
L’Italie tente de contenir l’afflux d’immigrés clandestins en provenance d’Afrique du Nord par le rapatriement rapide et massif des nouveaux arrivants. Les organisations humanitaires telles le Haut commissariat aux réfugiés critiquent le pont aérien mis en place depuis la fin de la semaine dernière.

Le gouvernement italien a renvoyé vers la Libye, depuis vendredi dernier, plus d’un millier d’immigrés clandestins parvenus jusqu’à l’île italienne de Lampedusa, la plus proche des côtes tunisiennes et libyennes. Pour tenter d’enrayer le flot des arrivants qui profitent de la météo actuellement favorable pour gagner par centaines ses rivages à bord d’embarcations de fortune, l’Italie a mis en place un pont aérien à destination de Tripoli. De vendredi à lundi une dizaine de vols d’expulsions collectives ont ainsi eu lieu.

Cette mesure radicale est mise en cause, au nom des droits de l’homme, par plusieurs organisations internationales et humanitaires dont Amnesty, Médecins sans frontières ou le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR). De plus, elle semble d’une efficacité limitée face au phénomène d’immigration clandestine massive. Dans la seule nuit de samedi à dimanche plus de 600 nouveaux candidats à l’immigration sont encore parvenus à Lampedusa, prenant aussitôt la place dans le centre d’accueil surpeuplé de l’île de ceux qui venaient de le quitter. Lampedusa, d’une superficie de 20 Km2 héberge 1 250 réfugiés dans un centre d’accueil prévu pour 200.

Les tentatives désespérées des clandestins de gagner l’Europe se soldent régulièrement par des drames. Un bateau surchargé transportant 75 personnes a chaviré durant le week-end au large des côtes tunisiennes, faisant 22 noyés et 42 disparus.

La manière forte

L’Italie justifie la manière forte pour laquelle elle a opté par la situation d’urgence à laquelle elle est confrontée. «Nous poursuivrons sur cette ligne. Les désespérés qui pensent encore pouvoir s’embarquer illégalement vers l’Italie doivent savoir qu’ils seront renvoyés vers leurs lieux de départ » a déclaré le ministre de l’Intérieur Giuseppe Pisanu. Mais les autorités italiennes essayent aussi de conclure des accords de coopération avec la Tunisie et la Libye, pays de départ des clandestins, afin de les arrêter avant qu’ils ne s’embarquent pour une dangereuse traversée en Méditerranée.

Le président tunisien Ben Ali s’est déclaré « profondément préoccupé » par cette situation alors que des accords lient son pays et l’Italie en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Mais, pour les pays de la rive sud de la Méditerranée, les aides sont encore insuffisantes. Les Tunisiens représentent un  tiers seulement des clandestins partant de ce pays, les autres proviennent d’autres pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. 

Le cas de la Libye est différent car les autorités libyennes affirment avoir les plus grandes difficultés à contrôler leurs milliers de km de frontières terrestres avec le Niger, le Tchad et l’Algérie, et une façade maritime de 2 000 km à peu de distance de l’île de Lampedusa.  Depuis plus d’un an l’Italie presse la Libye de faire quelque chose mais celle-ci lui oppose que pour acheter divers équipements lui permettant de contrôler les frontières une levée partielle de l’embargo européen sur les ventes d’armes à ce pays s’impose. Depuis 1986 l’Union européenne s’interdit de vendre vedettes, véhicules tout-terrain et matériel d’observation au régime du colonel Kadhafi. Cette restriction devrait être supprimée les 11 et 12 octobre prochain lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères à Luxembourg.

Centres de transit

En attendant, le Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés s’est élevé contre le pont aérien mis en place par l’Italie estimant que tous ceux qui demandent l’asile devraient bénéficier d’une procédure destinée à vérifier la réalité de leur besoin de protection. En expulsant collectivement et sans délais les arrivants, l’Italie contreviendrait à la convention sur les réfugiés de 1951, dont la Libye n’est d’ailleurs pas signataire.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a proposé la création de centres de transit en dehors des frontières de l’Union européenne pour accueillir les immigrants avant qu’ils ne risquent une entrée illégale. Les demandes d’asile pourraient y être traitées et les candidats à l’exil recevraient une information sur leurs possibilités d’intégration en Europe. L’Allemagne et l’Italie sont plutôt favorables à cette solution, mais la France s’y oppose. En effet la France a connu l’expérience peu convaincante du centre de Sangatte, dans le nord du pays, où, de 1999 à 2002, des milliers de candidats à l’immigration en Grande-Bretagne se sont entassés, point de convergence de l’immigration illégale et terrain de choix pour les organisations mafieuses. Or, 10% seulement des demandeurs d’asile en Europe sont reconnus comme réfugiés, les autres sont des immigrants économiques qui ne bénéficient pas des mêmes protections.



par Francine  Quentin

Article publié le 05/10/2004 Dernière mise à jour le 28/10/2005 à 09:20 TU