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Sri-Lanka

L'Europe durcit le ton contre les Tigres

La déclaration de l'Union européenne tombe à quelques jours de la célébration du <i>Pungo Tamil</i> (le réveil tamoul).(Photo: Mouhssine Ennaimi/RFI)
La déclaration de l'Union européenne tombe à quelques jours de la célébration du Pungo Tamil (le réveil tamoul).
(Photo: Mouhssine Ennaimi/RFI)
Pour la première fois, l'Union européenne envisage de classer le LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul), l'aile militaire de la guérilla indépendantiste tamoule, sur la liste des organisations terroristes. Dans un récent communiqué l'Union déclare également les délégations du LTTE personnae non gratae en Europe et ce, jusqu'à nouvel ordre.

De notre envoyé spécial à Kilinochi et Jaffna

La présidence de l'Union «condamne le fait que les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) continuent de recourir à la violence et au terrorisme». L'UE ajoute que «la poursuite d'objectifs politiques par ces méthodes totalement inacceptables ne fait que ternir la réputation et la crédibilité du LTTE en tant que partenaire de négociation et compromet sérieusement le processus de paix». Ce communiqué semble être une nouvelle conséquence de l'assassinat du ministre des Affaires étrangères en août dernier. Bien que la guérilla séparatiste ait toujours nié son implication, le gouvernement accuse les Tigres d'être à l'origine de ce meurtre. Par ce communiqué, l'Europe signifie à la guérilla séparatiste que les délégations du LTTE ne sont plus les bienvenues dans les capitales européennes. Elle menace également de classer le mouvement sur la liste de organisations terroristes.

«Nous regrettons et nous sommes choqués par une telle décision unilatérale et injuste.» dit S.P. Thamilselvan, responsable de l'aile politique du LTTE. Au cours d'un entretien accordé à rfi.fr depuis Kilinochchi, il exprime ses regrets et sa déception. «Le LTTE est reconnu comme un interlocuteur de négociation. Or, pour arriver à la résolution du conflit il faut l'accord de tous les partenaires. En fermant la porte au LTTE, l'Europe, met en danger le processus de paix. Il s'agit d'un déni de la voix et des perspectives de la minorité tamoule dans le monde», ajoute-t-il.

Pour S.P. Tamilselvan, cette décision est le fruit des pressions du gouvernement sri-lankais sur la communauté internationale. Selon lui, «cette prise de position risque d'encourager les extrémistes nationalistes du sud de l'île dans leurs actions envers notre communauté». De son côté, le gouvernement se félicite d'une telle décision et souligne qu'«une telle déclaration est toujours applaudie par le Sud». Quant aux intermédiaires de paix norvégiens, leur rôle reste inchangé du fait que la Norvège ne fait pas partie des états membres de l'Union.

«Pungo Tamil»: hasard de calendrier

La déclaration de l'Union européenne tombe à quelques jours de la célébration du Pungo Tamil (le réveil tamoul). Destiné à l'opinion internationale, cette manifestation est organisée pour la cinquième année consécutive par l'université de Jaffna. Son objectif: montrer à la communauté internationale l'unité et les aspirations du peuple tamoul. Près de 100 000 personnes (300 000 selon les organisateurs) ont répondu à l'appel cette année. La ville est déserte. Tous les commerçants ont baissé le rideau et aucune organisation humanitaire n'est autorisée à se déplacer. Le terrain vague derrière l'université est envahi par la population venue de toute la région. Sous une chaleur accablante, les partisans sont galvanisés par les discours des élus et l'élite intellectuelle. «Le temps est venu de montrer notre unité et de prendre le chemin de notre indépendance», s'écrient la plupart des dirigeants.

Officiellement, cette manifestation est indépendante du LTTE mais il ne fait aucun doute que la guérilla indépendantiste est derrière cet événement. Le lever de drapeau des Tigres tamouls se fait dans une ambiance quasi religieuse et les couleurs (rouge et jaune) du mouvement sont omniprésentes. Au dessus de l'estrade prévue pour l'occasion, un gigantesque portrait du leader militaire Prabakharan domine la foule. Femmes, enfants et militants brandissent également le portrait du fondateur du LTTE. Sur scène, les chants et les danses nationalistes alternent avec les discours indépendantistes. «Depuis le cessez le feu signé en 2002, seules les armes se sont tues. Il n'y a aucune avancée politique avec le gouvernement. Nous voulons montrer à la communauté internationale que le peuple tamoule rencontre énormément de difficultés à cohabiter avec les Cinghalais. Si nous sommes incapables de partager le pouvoir alors nous réclamons nos droits à l'autodétermination des peuples», dit Gajendrakummar Ponnambalam parlementaire et membre du parti l'Alliance nationale tamoule. Les élus tamouls demandent également le retrait de l'armée sri-lankaise des zones occupées. Dans une hystérie collective, un soldat géant en carton-pâte est détruit par la foule.

«Déjà classé sur la liste des organisations terroristes aux États-Unis et en Grande-Bretagne, le LTTE est connu pour ses actions violentes et sa propagande efficace. Mais face à l'oppression et la discrimination cinghalaise, il n'est malheureusement que l'unique alternative pour défendre nos droits», confie sous couvert d'anonymat un étudiant de la faculté de médecine.


par Mouhssine  Ennaimi

Article publié le 05/10/2005 Dernière mise à jour le 05/10/2005 à 10:39 TU