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Politique française

Chirac attaque Bruxelles... qui répond

Jacques Chirac n’a pas apprécié que la France se voie opposer une fin de non-recevoir après avoir sollicité l’intervention de Bruxelles dans le dossier Hewlett-Packard.(Photo: AFP)
Jacques Chirac n’a pas apprécié que la France se voie opposer une fin de non-recevoir après avoir sollicité l’intervention de Bruxelles dans le dossier Hewlett-Packard.
(Photo: AFP)
Jacques Chirac a mené une attaque en règle contre la Commission européenne. A l’occasion de sa première conférence de presse depuis son hospitalisation, organisée avec Silvio Berlusconi à l’issue du sommet franco-italien, le chef de l’Etat français a mis en cause sans détour le manque d’intérêt porté par l’exécutif européen aux problèmes sociaux rencontrés dans les pays membres de l’Union. Entre Paris et Bruxelles, le baromètre n’est pas au beau fixe.

Quand il monte au créneau pour défendre les intérêts français, Jacques Chirac n’aime pas qu’on l’éconduise. Certes, les Français ont dit «non» au référendum sur la Constitution européenne mais ce n’est pas une raison pour que Bruxelles n’écoute ses requêtes que d’une oreille distraite. Le chef de l’Etat n’a donc pas apprécié que la France se voie opposer une fin de non-recevoir après avoir sollicité l’intervention de la Commission dans le dossier Hewlett-Packard, le 21 septembre denier.

Paris avait, en effet, demandé l’aide de Bruxelles pour dissuader cette société en pleine santé -elle vient d’ailleurs d’annoncer le rapatriement de 14,5 milliards de dollars de bénéfices aux Etats-Unis-, de mettre en œuvre un plan de restructuration de ses effectifs devant aboutir au licenciement de près de 6 000 personnes en Europe, dont environ 1 200 en France. Et ce, aux seules fins de réaliser des profits plus importants. Cette démarche s’était soldée par un échec puisque le président de la Commission, le Portugais José Manuel Durão Barroso, avait répondu qu’il n’était tout simplement pas «de la compétence de la Commission d’empêcher Hewlett-Packard de licencier des salariés».

Bruxelles bouc émissaire ?

La vengeance est un plat qui se mange froid et elle est donc intervenue le 4 octobre par la voix du chef de l’Etat, auquel sa récente hospitalisation ne semble pas avoir fait perdre sa combativité. Alors que dans les rues de France, des milliers de manifestants revendiquaient pour l’emploi et les salaires, Jacques Chirac n’a pas voulu être en reste sur le très sensible dossier social qui empoisonne, depuis quelques semaines, la vie du gouvernement de son nouveau Premier ministre, Dominique de Villepin. Il a donc lancé l’offensive en attaquant l’indifférence de l’exécutif européen face aux préoccupations des salariés : «Une grande entreprise internationale implantée en Europe [Hewlett-Packard], ayant ici une part non négligeable de ses marchés, gagnant beaucoup d’argent, faisant des bénéfices considérables, prenant des décisions à fortes conséquences sociales, sans que l’Union européenne, c’est-à-dire en réalité la Commission, ne s’estime impliquée, concernée ?» Aux yeux du président français, une telle situation «n’est pas normale». Elle est même préjudiciable car elle participe à creuser un fossé entre les institutions européennes et les citoyens qui «ont le sentiment –en France mais ailleurs aussi- que la Commission ne défend pas avec suffisamment de détermination et d’énergie leurs intérêts économiques et par voie de conséquences les problèmes sociaux».

A Bruxelles, on n’a pas vraiment apprécié cette offensive chiraquienne particulièrement virulente. Et on n’a pas tardé à répondre au président français en lui indiquant qu’il n’était peut-être pas très fair play d’essayer de faire porter toute la responsabilité du mécontentement des Français à la Commission. La porte-parole de cette institution, Françoise Le Bail, a ainsi déclaré : «On trouve un peu simple que la Commission joue le rôle de bouc émissaire». Une fois posé le cadre de la riposte, s’en est suivie une petite leçon de bonne conduite européenne : «Dans la situation actuelle, la Commission souhaite que l’Union européenne puisse présenter un front uni et que les leaders nationaux puissent démontrer davantage d’engagement européen».

Moins directe que l'attaque du président Chirac, la réponse de la Commission n’en est pas moins cinglante. Reste qu’en politique c’est souvent la première pique qui marque les esprits. Et de ce point de vue, Jacques Chirac a eu un coup d’avance. Il n’est pas évident pour autant qu’en relançant le débat sur l’efficacité des institutions européennes, le président réussisse à atténuer la colère sociale des Français.


par Valérie  Gas

Article publié le 05/10/2005 Dernière mise à jour le 05/10/2005 à 17:30 TU