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France

Villepin dans la tourmente sociale

Le Premier ministre français, le 28 septembre dernier. Avec les premières difficultés sociales, Dominique de Villepin est désormais pris dans le «tourbillon» de Matignon.  (Photo: AFP)
Le Premier ministre français, le 28 septembre dernier. Avec les premières difficultés sociales, Dominique de Villepin est désormais pris dans le «tourbillon» de Matignon.
(Photo: AFP)
Le Premier ministre va devoir négocier, le 4 octobre, son premier virage social. La grande journée de mobilisation et de manifestation à laquelle ont appelé l’ensemble des syndicats constitue, en effet, un moment important pour l’avenir du gouvernement de Dominique de Villepin. Après quelques mois durant lesquels ce dernier a réussi, peu à peu, à améliorer son image en faisant oublier les échecs répétés de son prédécesseur -Jean-Pierre Raffarin-, il lui faut réussir à passer les écueils des revendications des salariés et montrer sa capacité à prendre en compte leurs attentes sur l’emploi et le pouvoir d’achat. Car le mécontentement est là, et les formations politiques de gauche, qui se sont associées à l’appel à la grève, entendent bien essayer d’en tirer parti.

Le durcissement du conflit à la SNCM (Société nationale de transport maritime Corse-Méditerranée) a ouvert le feu de la contestation sociale. La journée de mobilisation du 4 octobre va le raviver. Décidément Dominique de Villepin doit jouer serré ces temps-ci s’il veut que sa cote de popularité ne retombe pas dans les sondages aussi vite qu’elle était montée. Le Premier ministre a bien senti le risque de voir le vent tourner dans l’opinion dès la semaine dernière, lorsque les crispations ont atteint leur degré ultime à la SNCM.

Ce conflit, au cœur duquel se trouve le refus des salariés d’accepter la privatisation de leur société, l’a obligé à prendre le taureau par les cornes. Tout d’abord en envoyant le GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) reprendre possession du navire détourné par les leaders du Syndicat des travailleurs corses (STC), au risque de ternir son image. En annonçant ensuite qu’il reprenait le dossier en main «personnellement» et en diligentant ses ministres pour proposer aux syndicats un nouveau plan dans lequel l’Etat reste actionnaire minoritaire.

Le premier objectif de calmer le jeu a, sans doute, été atteint. La décision de lever le blocage des ports corses jusqu’au 4 octobre constitue de ce point de vue un signe. Reste que la seconde étape, trouver une solution négociée, est loin d’être gagnée. Les syndicats, CGT et STC, qui ont accepté la négociation, restent sur la défensive et sont  prêts à durcir de nouveau le mouvement, si les propositions du gouvernement ne leur offre pas les garanties qu’ils attendent. Notamment concernant le maintien des emplois à la SNCM qui avait été mis en cause par le plan du repreneur, le fonds d’investissement Butler Capital Partners. Pour sortir de la crise, Dominique de Villepin devra trouver sur quel compromis les différentes parties peuvent s’accorder.

Les Français approuvent la journée d’action

Dans ce contexte mouvementé, la journée de mobilisation du 4 octobre prend un relief particulier. Elle vient rappeler qu’au-delà des conflits sociaux particuliers à la SNCM ou à Hewlett-Packard, il existe un mécontentement général et profond chez les Français. Un sondage réalisé par l’institut CSA pour le quotidien communiste L’Humanité montre d’ailleurs que le capital sympathie de l’initiative syndicale en faveur de la mobilisation sociale est important, puisque 74% des personnes interrogées indiquent qu’elles sont favorables à cette journée de manifestations. Il est vrai que les deux principales revendications formulées concernent l’emploi et le pouvoir d’achat, deux questions liées qui motivent la peur de l’avenir ressentie par un grand nombre de Français.

Dominique de Villepin n’a certainement pas oublié que ce sont les craintes sur ces sujets qui ont fédéré, en France, le front du refus à la Constitution européenne. Il a vraisemblablement aussi en mémoire le fait que les dernières grandes manifestations, qui avaient eu lieu le 10 mars 2005 et avaient rassemblé dans les rues un million de personnes, avaient constitué un signe avant-coureur de l’échec du référendum du 29 mai, lui-même annonciateur de la fin du gouvernement Raffarin III. Pour autant, il n’est pas question de se laisser mettre une pression excessive. Sans banaliser l’impact du rendez-vous social du 4 octobre qu’il qualifie d’«important», le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé a néanmoins tenu à affirmer la sérénité de l’équipe de Dominique de Villepin face à ce mouvement. Il a déclaré que le gouvernement allait «continuer de mener, avec le dialogue social qui s’impose, les grandes réformes qui sont bonnes pour la France». A priori donc, pas question de remettre en cause certaines mesures très critiquées comme, par exemple, le contrat de nouvelle embauche que l’employeur peut rompre sans justification pendant deux ans. Une réforme qui, selon les syndicats, accentue la menace de précarité sur les salariés.

La gauche unie derrière les syndicats

Il n’en demeure pas moins que le niveau de la mobilisation détermine tout de même en partie la capacité d’un gouvernement à rester ferme sur ses principes. Dominique de Villepin évaluera donc avec beaucoup d’attention le nombre grévistes dans l’Education nationale, les transports publics ou les entreprises privées mais aussi les manifestants qui se rendront aux défilés. A en croire Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, la journée du 4 octobre devrait être plus encore «puissante» que ne le fut celle du 10 mars. Il est vrai que tous les syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU) se sont accordés pour appeler ensemble les salariés à défiler.

Et cerise sur le gâteau, les formations politiques de gauche et d’extrême gauche (Parti socialiste, Parti communiste, Verts, Ligue communiste révolutionnaire) leur ont apporté leur soutien en publiant un communiqué commun dans lequel elles invitent les salariés à manifester pour inciter le gouvernement à rompre «avec la logique réactionnaire et ultra-libérale». Cette alliance entre les partis de gauche, certes ponctuelle, n’en est pas moins très significative. Après les fortes dissensions sur l’adoption de la Constitution européenne, la gauche a réussi à dépasser les clivages pour s’unir derrière les syndicats et contre le gouvernement. Un effort que d’aucun jugeront important dans la perspective des échéances électorales à venir.


par Valérie  Gas

Article publié le 03/10/2005 Dernière mise à jour le 03/10/2005 à 17:40 TU