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Politique française

Les socialistes les uns contre les autres

Lionel Jospin (fond, C), son épouse Sylviane Agacinski (fond, D) arrivent avec François Hollande (1er plan C), sa compagne Ségolène Royal (D) et le maire de La Rochelle Maxime Bonon (G) à l'espace Encan pour le repas de la deuxième journée de l'université d'été du PS, le 27 août 2005 à La Rochelle.(Photo: AFP)
Lionel Jospin (fond, C), son épouse Sylviane Agacinski (fond, D) arrivent avec François Hollande (1er plan C), sa compagne Ségolène Royal (D) et le maire de La Rochelle Maxime Bonon (G) à l'espace Encan pour le repas de la deuxième journée de l'université d'été du PS, le 27 août 2005 à La Rochelle.
(Photo: AFP)
C’est en appelant au rassemblement contre la droite et à la nécessité de faire des propositions aux Français que les leaders socialistes, réunis pour les universités d’été de leur Parti à La Rochelle, n’ont cessé de se critiquer les uns les autres. Les divergences profondes exprimées lors de la campagne pour le référendum sur la Constitution européenne ont laissé des traces, même si aujourd’hui une page est tournée et que chacun sait qu’il faudra sortir d’une manière ou d’une autre de l’impasse des incessantes dissensions. Reste que les batailles à venir pour la direction du PS lors du Congrès du Mans en novembre, puis pour la candidature à la présidentielle de 2007 sont dans tous les esprits et que ces universités d’été destinées à phosphorer entre camarades ne pouvaient, dans un tel contexte, éviter d’être aussi une tribune pour les ambitions personnelles.

«Combattre la droite, proposer à gauche». Le thème choisi pour alimenter les réflexions des socialistes lors des universités d’été de La Rochelle sonne à la fois comme un rappel à l’ordre et comme un encouragement. Il est vrai que ces derniers mois, on ne savait plus vraiment où se situaient les frontières politiques. La campagne pour le référendum sur la Constitution européenne a mis au jour des divergences profondes dans la plupart des mouvements politiques français. Parti socialiste en tête. Les partisans du «non», Fabius, Emmanuelli, Mélenchon, Montebourg ont ravagé l’autorité du Premier secrétaire François Hollande qui défendait le «oui» et mis à mal l’union des militants derrière la direction du PS. La campagne pour ou contre la Constitution est devenue une guerre interne où les chefs en place revendiquaient être les promoteurs d’une position démocratiquement exprimée par les militants et les trublions affirmaient représenter la véritable base socialiste désappointée de n’être pas écoutée.

Le «non» a gagné, la tension est en partie retombée, mais l’amertume demeure, les antagonismes persistent et les ambitions s’affirment. Même si chacun a fait mine à La Rochelle d’avoir entendu le message -l’ennemi c’est la droite-, les participants ont eu du mal à ne pas prêcher pour leur paroisse sans user leurs griffes sur les chemisettes de vacances et les lunettes de soleil de leurs adversaires mais néanmoins «amis». Dans l’exercice de la critique combative de l’autorité en place, les deux leaders du Nouveau Parti socialiste (NPS) Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, ont excellé. Ils ne cachent pas vouloir tout bousculer lors du Congrès du Mans. Ils ont d’ailleurs déjà préparé la motion que leur courant y présentera pour engager «la reconstruction» du PS autour «d’une majorité alternative», c’est-à-dire sans François Hollande et ses proches. A en croire Vincent Peillon, le Premier secrétaire, élu de Corrèze (terre de prédilection de Jacques Chirac), s’est perverti : «A trop fréquenter les Corréziens, on se chiraquise».

Fabius veut rassembler à gauche

Laurent Fabius a quant à lui adopté une autre stratégie. En rappelant à quel point il est attaché à l’ensemble des membres de la famille socialiste –«Tous les socialistes sont mes amis»-, il a essayé de démentir avoir de mauvaises intentions envers qui que ce soit. Même à l’encontre de François Hollande qu’il a d’ailleurs, comme on le fait entre bons amis (!), consciencieusement évité durant son passage à La Rochelle. Une politesse que le Premier secrétaire du PS lui a rendu avec la même application. S’il n’a pas voulu aller à l’affrontement direct, cela n’a pas empêché l’ancien Premier ministre d’asséner quelques-unes de ses vérités sur la mission du Parti face au gouvernement et la nécessité qu’il joue pleinement et sans concession son rôle d’opposant. Chantre de l’ancrage à gauche-gauche du PS, il a critiqué «la ligne sociale libérale» défendue par certains. Pour lui, «il faut se rassembler sur une ligne de gauche».

En accusant la direction actuelle du PS de ne pas se positionner assez clairement contre le gouvernement sur les grands thèmes sociaux «emploi, pouvoir d’achat, logement, éducation», les socialistes défenseurs du «non» à la Constitution continuent à promouvoir l’idée selon laquelle le référendum a montré l’éloignement entre la base et les dirigeants du Parti. Une bonne raison pour changer de direction lors du Congrès du Mans. Un message que François Hollande, qui les accuse d’avoir introduit la division dans les rangs socialistes et de jouer contre leur camp, préfère ne pas entendre. Pour le Premier secrétaire, il faut mettre un terme aux «chamailleries» et faire avancer les propositions. Il s’est donc engagé à offrir «une motion claire sur le projet» aux militants, dans l'espoir de les convaincre de lui apporter leur soutien en novembre. En tout cas, son équipe ne conclura pas d’alliances pour obtenir la majorité. Le Premier secrétaire a aussi exposé dans son discours de clôture sa position sur le moyen de rassembler les socialistes en rappelant que dans un parti «démocratique», et quelles que soient les divergences exprimées dans le débat, il ne connaît «pas d’autre principe que le vote des militants» auquel chacun doit se soumettre.

Attaqué par certains, François Hollande reste soutenu par un grand nombre d’éléphants. Le premier d’entre eux, candidat malheureux de la dernière présidentielle, demeure Lionel Jospin. Sorti de sa retraite prématurée pour soutenir le «oui» à la Constitution, il a fait un nouveau retour médiatique aux universités d’été «pour participer à un moment d’amitié». Mais aussi pour bien montrer de quel côté il est. Certains y voient déjà un signe d’une éventuelle volonté de se positionner pour la prochaine présidentielle. C’est peut-être aller un peu vite en besogne alors que l’ancien Premier ministre ne veut même pas parler du Congrès du Mans qui se tient dans trois mois. D’autres ont été moins discrets sur leurs intentions concernant cette échéance nationale. Sans parler de Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry, par exemple, ne cachent plus qu’ils se verraient bien entrer dans la bataille pour l’Elysée.


par Valérie  Gas

Article publié le 28/08/2005 Dernière mise à jour le 28/08/2005 à 12:55 TU