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Irak

Londres accuse Téhéran de soutenir la guérilla

En présence du chef de l'Etat irakien Jalal Talabani, Tony Blair a de nouveau accusé Téhéran de soutenir les insurgés sunnites en Irak.(photo : AFP)
En présence du chef de l'Etat irakien Jalal Talabani, Tony Blair a de nouveau accusé Téhéran de soutenir les insurgés sunnites en Irak.
(photo : AFP)
Les relations entre Londres et Téhéran n’ont jamais été très bonnes. Mais pour la première fois depuis la chute du régime de Saddam Hussein, le Royaume-Uni accuse ouvertement la République islamique de soutenir les insurgés sunnites en Irak en leur fournissant notamment des explosifs puissants utilisés dans des attaques contre les soldats britanniques. Des accusations rejetées par les autorités iraniennes pour qui Londres est seul responsable de l’instabilité qui règne en Irak.

Rien ne va pas plus entre Londres et Téhéran. Déjà très tendues sur le dossier du nucléaire iranien, les relations entre les deux capitales se sont encore dégradées mercredi. S’exprimant sous couvert de l’anonymat, un haut responsable britannique a dans un premier temps ouvertement accusé le régime iranien de soutenir la guérilla sunnite irakienne qui a ces dernières semaines multiplié ses opérations meurtrières. «Il y a des preuves que des Iraniens sont en contact avec des groupes sunnites Et je ne pense pas que ce soit par bienveillance», a affirmé non sans humour ce responsable. Selon lui, les Gardiens de la révolution iranienne auraient fourni une technologie en matière d’explosifs aux insurgés qui a été employée dans une série d’attaques mortelles perpétrées contre des soldats britanniques. Londres dispose de quelque 8 500 hommes sur le terrain, principalement dans le sud du pays. Depuis le début de la guerre en mars 2003, 95 militaires ont été tués dont huit sont morts l’été dernier dans l’explosion de bombes placées sur le bord de la route. Les bombes en question étaient toutes pourvues d’un système infrarouge qui permettait l’envoi de projectiles capables de pénétrer un véhicule blindé. «Nous pensons que cela provient du Hezbollah libanais, via l’Iran», a assuré ce responsable.  

Jeudi, le Premier ministre britannique a officiellement réitéré ces accusations, lançant un sévère avertissement à Téhéran. Recevant à Londres le chef de l’Etat irakien, le Kurde Jalal Talabani, Tony Blair a confirmé que le Royaume-Uni soupçonnait l’Iran, un pays chiite, de soutenir les insurgés sunnites en Irak. «Ce qui est clair, c'est qu'il y a de nouveaux engins explosifs utilisés  pas seulement contre les troupes britanniques mais ailleurs en Irak, et la nature particulière de ces engins nous conduit soit vers des éléments iraniens, soit vers le Hezbollah», a-t-il déclaré, avant d’insister : «ces engins  sont semblables à ceux  utilisés par le Hezbollah, qui est soutenu par l'Iran». Le Premier ministre a toutefois reconnu que ces accusations ne reposaient pour l’instant sur aucune preuve concrète. Il a en revanche évoqué implicitement l'hypothèse selon laquelle Téhéran soutenait la rébellion irakienne dans le but d'exercer des pressions sur Londres concernant le dossier nucléaire iranien. «S'il s'avère également que les Iraniens tentent de relier cela aux négociations sur les armes nucléaires, nous ne nous laisserons pas intimider», a prévenu Tony Blair.

Téhéran attaqué de toutes parts

Ce n’est pas la première fois que le régime iranien est accusé d’être derrière les violences qui secouent l’Irak. En août dernier déjà, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfled, avait affirmé que des armes venant «sans aucune ambiguïté» d’Iran avaient été trouvées par les soldats américains. Une cache abritant des bombes beaucoup plus puissantes que celles, artisanales, utilisées par les insurgées et spécialement conçues pour détruire les blindés avaient en effet été mises à jour. A l’époque déjà le New York Times, citant des responsables militaires américains, affirmait que la présence de ces nouvelles armes laissait supposer une coopération accrue entre chiites iraniens et sunnites irakiens.

Mais les accusations contre Téhéran n’émanent pas uniquement du camp occidental. Le chef de la diplomatie saoudienne a ainsi récemment affirmé, lors d’une visite à Washington en septembre, que les Irakiens eux même se plaignaient désormais des «ingérences» de Téhéran. Saoud al-Fayçal avaient notamment cité l’exemple de «l’entrée d’hommes, de capitaux et d’armes» en territoire irakien en provenance d’Iran ainsi que «l’immixtion des autorités de Téhéran dans la vie politique» de leur voisin. «Si ces  interventions étaient avérées, notamment s’agissant des provinces limitrophes de l’Iran, la situation serait d’une extrême gravité», avait-il ajouté. Pour la première fois, un responsable saoudien avait ce jour-là publiquement exprimé les craintes face à un renforcement de l’influence de la République islamique en Irak, et plus largement dans le Golfe. Saoud al-Fayçal avait d’ailleurs ouvertement mis en garde ses interlocuteurs américains contre les risques d’une désintégration de l’Irak et d’une guerre régionale. Ryad craint en effet qu’un éventuel conflit confessionnel entre sunnites et chiites irakiens n’ait des répercussion sur sa propre minorité sunnite, installée majoritairement dans les régions pétrolières du royaume.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 06/10/2005 Dernière mise à jour le 06/10/2005 à 16:57 TU