Irak
Bagdad au cœur des violences
(Photo : AFP)
L’objectif des terroristes était de faire le maximum de victimes. En envoyant un kamikaze sur la place Ourouba dans le quartier chiite de Kazimiyah, à Bagdad, ils savaient que leur bombe exploserait au milieu des dizaines ou des centaines de personnes qui s’y rendent chaque matin dans l’espoir de se voir proposer un travail pour la journée. D’après les témoins de l’attentat, un homme est arrivé en voiture, a crié qu’il embauchait et a déclenché sa bombe lorsque les ouvriers ont afflué vers lui. La déflagration semble avoir été très forte. Elle a provoqué de nombreux dégâts et des incendies. Mais surtout elle a fait plus de 120 victimes. Cet attentat suicide est le plus meurtrier en Irak depuis celui de Hilla en février 2005 qui avait fait 118 morts.
D’autres attaques terroristes ont frappé différents quartiers de Bagdad durant la journée de mercredi. Le bilan est très lourd puisqu’au total près de 160 personnes ont perdu la vie et au moins 150 autres ont été blessées. Il s’agit pour la grande majorité de civils irakiens. Des attentats suicides ont été perpétrés à Choola et Adl, au nord-ouest de la ville. D’autres attaques ont notamment frappé une patrouille de la police à Adhamiyah (zone sunnite) et une fabrique de bonbonnes de gaz à Hurriyah (nord). Des soldats américains ont aussi été la cible des terroristes.
Dans la nuit, une autre attaque s’est déroulée dans la localité de Taji, à 15 km au nord de Bagdad. Cette fois-ci, ce n’est pas un kamikaze qui a fait exploser une bombe. Ce sont des hommes habillés en soldats qui ont débarqué dans la ville à l’aube sur des véhicules militaires et ont arrêté 17 membres d’une tribu chiite, les Bani Tamim. Ils les ont ensuite regroupés sur une place puis les ont alignés, avant de les exécuter et de s’en aller.
Des attaques coordonnées
La simultanéité des ces attentats et le fait qu’ils ont essentiellement pris pour cible les chiites laisse penser qu’il s’agit d’une action parfaitement organisée, vraisemblablement en rapport avec l’opération militaire lancée depuis quelques jours contre les rebelles sunnites à Tall Afar, près de la frontière avec la Syrie. L’armée irakienne et les soldats américains mènent, en effet, dans cette zone une intervention destinée à frapper la principale base des insurgés qui organisent le terrorisme en Irak. Environ 150 rebelles ont déjà été tués et 400 suspects arrêtés depuis le début des combats.
Le communiqué diffusé sur internet par la branche irakienne d’al-Qaïda semble confirmer cette hypothèse. L’organisation terroriste y déclare que «la campagne pour venger les sunnites de Tall Afar a débuté». Aucune référence précise n’est faite aux attentats qui viennent d’avoir lieu dans la capitale irakienne mais les auteurs du texte promettent de «donner des détails, si Dieu le veut, dès que des informations seront disponibles sur les opérations à Bagdad et dans d’autres villes».
Cette nouvelle explosion de violences est aussi à relier au processus politique en cours qui prévoit l’organisation, le 15 octobre prochain, d’un référendum sur la Constitution. Ce texte élaboré par un comité où les chiites sont majoritaires, est contesté par la communauté sunnite. Celle-ci lui reproche de porter en germe la partition de l’Irak en reconnaissant le fédéralisme. Les rebelles rejettent, quant à eux, l’ensemble du processus électoral et constitutionnel qui a été mis en œuvre sous la coupe des Américains. Dans ce contexte, le gouvernement irakien estime que les attaques des rebelles sunnites ont avant tout pour but d’essayer de provoquer une riposte des chiites et de déclencher des affrontements intercommunautaires qui conduiraient à un embrasement général du pays.
par Valérie Gas
Article publié le 14/09/2005 Dernière mise à jour le 15/09/2005 à 11:46 TU