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Irak

Le pèlerinage mortel ravive les tensions chiites-sunnites

Les irakiens recouvent le cercueil d'un de leurs proches.(Photo : AFP)
Les irakiens recouvent le cercueil d'un de leurs proches.
(Photo : AFP)
Une bousculade au milieu d’une foule de pèlerins chiites a tourné à la tragédie à Bagdad. Le bilan des victimes pourrait atteindre un millier de morts. Ce drame sans précédent alimente les tensions entre communautés chiites et sunnites déjà très divisées sur le projet de nouvelle Constitution. Après avoir décrété trois jours de deuil national, le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari a appelé à «l’unité nationale». Les réactions internationales affluent de toute part pour soutenir les Irakiens.

La mer de chaussures abandonnées sur le pont al-Aïmah témoigne de l’ampleur de la tragédie. «Cela a été l’enfer total. Ce sont les femmes qui avaient le plus de mal à courir car leurs mouvements étaient gênés par leur longue abaya noire et leur voile, ainsi que par les enfants qui s’accrochaient à elles», ont raconté des témoins aux premiers journalistes arrivés sur place. Il était un peu plus de 10h30 mercredi, lorsque la rumeur d’une attaque kamikaze a déclenché un gigantesque mouvement de panique sur un pont enjambant le Tigre.

Ils étaient, en effet, des milliers de pèlerins chiites à emprunter ce pont pour se rendre à une commémoration religieuse de l’un de leurs martyrs, l’imam Moussa al-Kazim dans le nord de la ville. Sous la pression de la foule, les barrières du pont auraient alors cédé, projetant dans le vide des centaines de personnes. La plupart ont été noyées, d’autres sont mortes étouffées ou piétinées. Mercredi soir, l’odeur de la mort flottait sur ce pont séparant les quartiers chiite d’Azamiyah et sunnite de Kadhimiyah.

Le dernier bilan arrêté jeudi en fin d’après-midi par les forces de sécurité fait état de 965 morts et au moins 815 blessés dont une majorité de femmes et d’enfants. Mais les autorités admettent qu’il faudra plusieurs jours avant d’avoir une idée précise du nombre des victimes. Les cinq principaux hôpitaux de la capitale ont été littéralement pris d’assaut par des milliers de gens éplorés à la recherche de proches, alors que les premières processions funéraires ont commencé à quitter Bagdad en direction du centre du pays. C’est à Najaf, ville sainte chiite au sud de Bagdad, que les victimes doivent être enterrées.

La cohésion du gouvernement à rude épreuve

Des tirs de mortier près du mausolée de l’imam al-Kazim -revendiqués par un groupe armé lié à al-Qaïda- ont encore alourdi le bilan de la journée la plus meurtrière de l’après-Saddam. Dans ce pays secoué jour après jour par les bombes, ce drame risque, une fois encore, de renforcer le clivage entre chiites et sunnites déjà très divisés sur le projet de nouvelle Constitution. La thèse d’un complot a ainsi été évoqué par plusieurs responsables chiites. Le conseiller à la Sécurité nationale, Mouaffak al-Roubaye a accusé «des fidèles de Saddam Hussein et d’Abou Moussab al-Zarqaoui -l’homme d’al-Qaïda en Irak- d’avoir lancé la rumeur». De même, le ministre de la l’Intérieur, Bayane Baqer Soulagh, un chiite, a également déclaré que «la panique avait été provoquée par un terroriste».

La cohésion du gouvernement a également mise à rude épreuve. Le ministre de la Santé, proche de la mouvance du chef radical chiite Moqtada Sadr, a accusé publiquement ses homologues de l'Intérieur et de la Défense de négligence et demandé leur démission après la bousculade mortelle. Le ministre de la Défense, le sunnite Saadoun al-Doulaimi a expliqué que le mouvement de panique «n’avait pas pour origine les tensions religieuses, seules les 7 personnes tuées lors des attaques armées l’avaient été par des terroristes».

Après avoir décrété trois jours de deuil national, le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari est intervenu à la télévision publique Iraquia pour appeler à «l’unité nationale». Il a également ordonné une enquête pour trouver les «carences qui ont multiplié le nombre des victimes». Le grand ayatollah Ali Sistani, le plus prestigieux chef religieux chiites en Irak a également «exhorté les Irakiens à l’unité et à barrer la route à ceux qui cherchent à provoquer la discorde».

Des messages de soutien ont afflué de tout part pour soutenir les Irakiens. Le Premier ministre Dominique de Villepin a assuré le pays de «la solidarité des Français». Les Etats-Unis ont «regretté profondément les pertes tragiques en vies humaines», alors que le ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, qualifiait la tragédie de «la plus choquante qui soit». Le secrétaire générale de l’Onu, Kofi Annan, a également exprimé sa «grande tristesse», alors que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa a appelé à «la multiplication des efforts arabes pour soutenir le peuple irakien».


par Myriam  Berber

Article publié le 01/09/2005 Dernière mise à jour le 01/09/2005 à 16:45 TU

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Addala Benraad

Journaliste

«Selon des témoins quelqu'un aurait crié qu'il y avait des kamikazes avec des ceintures d'explosifs dans la foule.»

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