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Immigration

«Opération communication» du gouvernement marocain

Nabil Benadallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain.(Photo : CAPE)
Nabil Benadallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain.
(Photo : CAPE)
Après la réunion au Luxembourg des ministres de l’Intérieur européens sur l’épineuse question de l’immigration des Africains subsahariens, le Maroc qui a focalisé tous les regards ces dernières semaines sur sa gestion du phénomène, réagit et n’entend pas assumer seul les responsabilités des pays européens qui repoussent à leurs frontières leurs difficultés à apporter des réponses saines aux questions que posent l’immigration des subsahariens.

Au Centre d’accueil de la presse étrangère à Paris (Cape) ce 13 octobre, et sur l’invitation du  Club de la presse arabe à Paris, Nabil Benabdallah, ministre marocain de la Communication et porte-parole du gouvernement a fait le point de la situation vue du côté marocain. Tout en déplorant les cas extrêmes qui ont pu entraîner des morts d’hommes, Nabil Benabdallah a commencé par exprimer son respect aux hommes et femmes qui quittent leur pays pour «aller chercher du travail hors de leur pays pour un avenir meilleur». La détresse de ces migrants «préoccupe le gouvernement marocain qui cherche, malgré ce que certaines ONG colportent, à apporter une solution humaine au désespoir de ces hommes». 

Toute l’intervention du ministre marocain a été un exercice de style entre le mea culpa et la responsabilité d’autrui. «Il y a probablement eu des erreurs commises par les forces de l’ordre. Mais dans l’urgence et face au désespoir des gens, comment contrôler et répondre aux assauts des candidats à l’immigration ? L’excès de violence (des forces de l’ordre) a été provoqué par les migrants qui voulaient à tout prix passer la frontière», affirme Nabil Benabdallah qui explique que de milliers de migrants subsahariens vivent depuis plusieurs années dans les villes marocaines sans «problèmes majeurs». Le ministre marocain s’étonne également que ce problème de la présence des migrants africains devienne «subitement une préoccupation internationale». Il reproche aux ONG, surtout espagnoles d’exploiter à des fins de politique intérieure espagnole ce drame humain.

Il récuse toute responsabilité du Maroc dans le phénomène en insistant sur le fait que seulement 5% du flux migratoire vers l’Europe passe par le Maroc. Selon lui, la politique marocaine a permis de «réduire ces dernières années de 40% l’immigration par le nord vers l’Europe et de plus 50% dans les parties sud royaume». Les seuls moyens du gouvernement marocain auraient contribué à cette évolution de la situation «alors que le problème est plutôt celui des pays européens qui n’assument pas toute la part de leurs responsabilités ». Il a catégoriquement rejeté l’idée de centres de transit sur le territoire marocain évoquée par les Européens à qui il demande plutôt davantage d’implication dans le développement des pays du sud. Ces derniers événements ont le mérite de «remettre le doigt sur le clivage Nord-Sud, la dette et la mondialisation qui sont à repenser à travers un véritable plan Marshall pour l’Afrique», a poursuivi Nabil Benabdallah.

Les responsabilités partagées

Tout en saluant l’esprit de coopération du Sénégal, du Mali, de la Gambie et de la Guinée de «reprendre» leurs ressortissants, il avoue la responsabilité très relative de ces pays aux prises avec la maladie, la pauvreté, les conflits et le sous-développement «qui ne trouveront pas une réponse immédiate dans les injonctions des pays riches». Il donne un coup de griffe au passage, aux ministres de l’Intérieur de l’Europe qui se sont réunis au Luxembourg le 12 octobre, en leur rappelant que «le tout sécuritaire ne peut être une réponse de fond à apporter aux questions qui poussent les hommes à tenter l’aventure pour une vie meilleure». En revanche, l’Algérie qui n’avait pas grâce aux yeux du dirigeant marocain a eu droit à quelques circonstances atténuantes. «Il est très difficile de surveiller des milliers de kilomètres carrés du désert saharien», a-t-il concédé en reprochant toutefois à l’Algérie son «laxisme» sur le millier de kilomètres de frontières entre leurs deux pays. «Plus 20 000 personnes seraient en attente de rapatriement de la ville d’Oujda au Maroc ou se prépareraient à rejoindre l’enclave espagnole de Melilla», estiment les experts de l’Union européenne.

Alors que le ministre porte-parole du gouvernement redorait le blason de son pays très critiqué dans sa gestion de la crise, des témoignages moins élogieux pour le gouvernement marocain remontent de plusieurs localités du désert du Sahara occidental où sont arrivés par bus des migrants subsahariens. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s’inquiètent du sort d’une trentaine de personnes quelque part dans le désert, au Sahara occidental. Un téléphone portable, qui aurait échappé à la vigilance des autorités marocaines, servirait d’unique lien avec ce groupe de personnes qui «coupe l’appareil de peur qu’il se décharge trop vite», pense-t-on au HCR. La Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) est mobilisée pour les recherches de ces hommes dans le désert, précise-t-on à Genève au siège du HCR. Par ailleurs, 689 Sénégalais et 296 Maliens auraient déjà rejoint leur pays par des avions affrétés par le Maroc. D’autres vols avec le concours de l’Organisation internationale des migrations (OMI) devraient transporter plus de 500 maliens et d’autres nationalités vers leur pays d’origine dans les jours à venir. A Agadir 800 autres subsahariens attendent d’être renvoyés vers leur pays.


par Didier  Samson

Article publié le 13/10/2005 Dernière mise à jour le 13/10/2005 à 18:08 TU

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Nabil Benabdallah

Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain

«Plus de 90% des immigrants arrivant au Maroc passent par l'Algérie.»

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