Immigration
Des solutions à l’horizon… 2010 !
(Photo : AFP)
Face à l’afflux des migrants de plus en plus nombreux à tenter de franchir les barrières, le réflexe sécuritaire paraît aux yeux des autorités espagnoles et marocaines l’arme absolue pour endiguer le phénomène. Quatorze africains sub-sahariens ont été tués dans les différentes opérations policières sans qu’on ne puisse clairement établir la responsabilité du Maroc ou de l’Espagne. La reconduite à la frontière des clandestins appréhendés a été la solution la plus simple retenue par le Maroc pour décourager les candidats à l’immigration.
Des autobus ont été affrétés pour reconduire les clandestins à l’endroit par lequel ils sont entrés en territoire marocain. C’est ainsi que plusieurs centaines de personnes auraient été «déposées» dans le désert sans autre forme de procès. Elles manquaient de tout et auraient au passage subi des violences. Des ONG ont donné des précisions sur différents endroits où les subsahariens ont été abandonnés à eux-mêmes. Des images télévisées ont fait le tour du monde obligeant les autorités marocaines à revoir leurs plans de reconduite à la frontière. L’ONG, les Amis des familles de victimes de l’immigration clandestine (AFVIC) a repéré dans le désert, à quelque 30 km de Smara, une petite localité dans le sud-ouest du Sahara occidental, un groupe de personnes marchant vers la frontière mauritanienne. «Nous leur avons demandé de s’arrêter et de rester sur place pendant que nous négocions avec les autorités leur retour en bus vers Guelmim», a déclaré Hisham Rashidi, le directeur de l’AFVIC.
«Erreur d’aiguillage»
Les différentes actions des ONG, dont Médecins sans frontières (MSF), ont poussé les autorités marocaines à parler «d’erreur d’aiguillage» et à renoncer aux convois par bus. Des avions ont été affrétés pour ramener les clandestins, surtout des Maliens et des Sénégalais, à Oujda (est du Maroc) d’où ils seront rapatriés vers leur pays respectif. Toutefois, le Maroc maintient sa volonté de reconduire les clandestins à la frontière de l’Algérie, qu’il accuse de «laxisme». Alors que la presse espagnole parle «des caravanes de la honte», les autorités marocaines accusent l’Europe de leur laisser faire «le sale boulot». Elles annoncent des chiffres de 15 000 migrants clandestins présents dans le royaume, notamment des Maliens, des Sénégalais et des Camerounais, 26 000 interpellations depuis le début de l’année dont 20 000 subsahariens.
La rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), basée à Dakar a demandé aux dirigeants africains de «sortir de leur silence pour condamner les atteintes aux droits humains dont les immigrants africains sont victimes en Europe et en Afrique du Nord». Mais la réaction est plutôt venue de l’Union africaine à Addis Abeba d’où le président de la Commission Alpha Oumar Konaré a réclamé la tenue prochaine, en collaboration avec les Nations unies, «des états généraux de l’émigration». Un dialogue entre l’Europe et l’Afrique sur le ce thème semble indispensable pour l’UA. L’Espagne et le Maroc, critiqués pour leur gestion de la crise, ont opté pour cette solution en décidant d’organiser une conférence ministérielle entre l’Europe et l’Afrique. La date reste à définir, mais plusieurs sources diplomatiques prévoient que cette conférence se tiendra avant la fin de cette année.
Le développement en partenariat pour combattre l’immigrationMiguel Angel Moratinos, le ministre espagnol des Affaires étrangères, s’est rendu le 11 octobre à Rabat et a exprimé sa reconnaissance envers le Maroc pour «sa coopération remarquable face à un problème qui concerne à la fois l’Afrique et l’Europe». «Ce ne sont pas des mesures sécuritaires, ce ne sont pas des prisons à Madrid et des murs en Afrique qui vont régler le problème», a déclaré Alpha Oumar Konaré à Bruxelles lors d’une conférence de presse commune avec José Manuel Barroso, président de la Commission de l’Union européenne et Louis Michel le commissaire européen au Développement. «Ces jeunes que nous voyons aujourd’hui affronter les fils barbelés et les murs, ne sont pas des voyous, ne sont pas des bandits. Il faut expliquer pourquoi ils sont en mouvement», a-t-il insisté avant d’évoquer le financement du développement et la solidarité nécessaire entre les pays du Nord et ceux du Sud.
M. Barroso a aussi abondé dans ce sens en engageant l’Union à s’attaquer «aux causes structurelles du sous-développement africain». La Commission européenne, dont certains départements ont travaillé dans l’urgence, a adopté, le 12 octobre, une nouvelle stratégie pour le développement de l’Afrique. D’ici à 2010 l’Europe devrait doubler son aide en insistant sur certains instruments indispensables pour mener une politique cohérente de développement. En dehors des sempiternelles recommandations sur la bonne gouvernance et la démocratie, l’UE a tout de même décidé de donner une priorité au partenariat en inversant ses approche et logique de financement des programmes de développement. L’UE soutient actuellement en Afrique des «projets» pilotés par des ONG qui constituent environ 80% de son aide au développement. Louis Michel, qui a conduit la réflexion de l’UE estime qu’il faut arriver très rapidement à un équilibre de 50-50 entre l’aide aux «projets» et l’aide budgétaire directe qui responsabilise les Etats bénéficiaires. L’obligation de résultats serait obligatoire dès l’instant que les Etats ont défini des secteurs prioritaires qui ont bénéficié de l’aide octroyée. Le développement en partenariat serait pour l’UE et l’UA une des solutions à apporter à l’immigration.
par Didier Samson
Article publié le 12/10/2005 Dernière mise à jour le 12/10/2005 à 12:48 TU