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Grippe aviaire

L’Indonésie livre bataille contre le virus

En Indonésie 70% de la population vit en contact direct avec des volatiles.(Photo: AFP)
En Indonésie 70% de la population vit en contact direct avec des volatiles.
(Photo: AFP)
C’est en Indonésie, avec sa population de 220 millions de personnes réparties sur 14 000 îles, que les derniers cas mortels de grippe aviaire sont apparus. La situation est d’autant plus inquiétante que le virus touche la métropole Djakarta et ses 18 millions d’habitants.

De notre correspondante à Djakarta

Cela fait plus de dix ans que Mohammed Markus vend des oiseaux exotiques dans sa petite boutique de la rue Barito, à Djakarta. Sa femme et son fils de huit ans habitent toujours au centre de Java, et lui vit dans les cinq mètres carrés de son petit magasin, au début de la longue file de boutiques qui forment l’un des deux marchés aux oiseaux de la capitale. Il y mange, il y dort, et il n’est jamais tombé malade à cause de ses oiseaux, assure-t-il. « Cela fait longtemps que, pendant la saison chaude, les oiseaux tombent malades et meurent. Mais on n’en a jamais fait tout un foin ; cette année, c’est le gouvernement qui fait gonfler la nouvelle pour qu’on oublie l’augmentation des prix du pétrole », grogne-t-il.

Pourtant, Mohammed a bien entendu parler de la grippe aviaire, de ces cinq cas prouvés de contamination humaine – trois ont été mortels. Si lui n’y croit pas, ce n’est pas le cas de la plupart des autres habitants de Djakarta : depuis trois semaines, depuis que le zoo Ragunan, en plein cœur de la capitale, a été fermé après que 19 cas de grippe aviaire ont été détectés parmi ses oiseaux, il a perdu 70% de ses revenus. Plus de clients : on se méfie du contact avec les oiseaux. « Les gens sont de plus en plus conscients des risques posés par la grippe aviaire. Même s’ils n’ont pas de contact direct avec des volailles, dès qu’ils ont de la toux, le nez qui coule ou de la fièvre, ils se rendent à l’hôpital », souligne Sari Setiogi, porte-parole de l’OMS à Djakarta. Depuis trois mois, l’hôpital Sulianto Saroso aurait accueilli environ 85 patients suspectés d’avoir contracté la maladie.

La vaccination : une solution moins radicale, moins efficace

Un bon point donc pour le gouvernement indonésien, dont la campagne d’information auprès du public est jugée « prometteuse » par l’OMS. Les stocks de Tamilfu, seul médicament efficace contre le virus chez l’homme, commencent à être constitués, grâce à l’aide de pays comme le Japon ou l’Australie. Mais c’est aussi là que le bât blesse : un pays comme l’Indonésie est largement dépendant de contributions extérieures pour faire face financièrement à un développement de l’épidémie. Exemple frappant dans le cadre de la lutte contre la grippe aviaire chez les poulets, présente depuis 2003 et qui touche maintenant 23 des 33 provinces de l’immense archipel. Au lieu de procéder à de grandes campagnes d’abatage des animaux malades – et donc de devoir indemniser les propriétaires – Djakarta préfère la vaccination. Une solution moins radicale, et moins efficace.

« On a du mal à lutter contre la maladie dans les campagnes, car les gens n’ont pas vraiment de contrôle sur les oiseaux domestiques. On risque toujours d’oublier quelques poulets qui vagabondaient en liberté lors des campagnes de vaccination », explique Syamsul Bahri, directeur du département de santé animale au sein du ministère de l’agriculture. D’autant qu’à ces contraintes s’ajoute un scandale de corruption : 60 millions d’euros auraient été détournés des fonds du ministère de l’agriculture, et certaines compagnies pharmaceutiques en charge de produire le vaccin auraient baissé la qualité de leurs produits pour augmenter leurs profits.

Ce ne sont pas les grandes entreprises de production de poulet qui sont les plus à risque, souligne-t-on à l’OMS, mais les petites unités, et surtout les élevages individuels. 70% de la population vit en contact direct avec des volatiles : pas seulement les superbes oiseaux bariolés du marché de Barito, mais surtout les poules, canards ou pigeons élevés dans les arrière-cours des habitations modestes.

« Les villageois n’ont souvent pas de quoi prendre soin de leur propre santé, rappelle Sari Setiogi. Alors ils ne peuvent certainement pas se permettre de vacciner leurs poulets ». Une seule solution, rappelée à longueur d’affiches pointant du doigt les dangers de la grippe aviaire : l’hygiène. Des représentants du gouvernement étaient déjà venus sur le marché aux oiseaux pour sensibiliser les marchands. Une leçon bien intégrée par Mohammed Taufik, qui attend en vain un client dans sa petite échoppe de la rue Barito. « Je nettoie mon magasin le matin et l’après-midi, je me lave les mains et la nourriture… Je le fais régulièrement, alors peut être que j’ai fait disparaître le virus, explique-t-il. Vu que c’est ce qui me fait vivre, je fais très attention ».

par Solenn  Honorine

Article publié le 17/10/2005 Dernière mise à jour le 17/10/2005 à 14:15 TU