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Inde-Pakistan

Le séisme pourrait rouvrir la frontière entre les deux Cachemire

Carte du Cachemire(Carte : DK/RFI)
Carte du Cachemire
(Carte : DK/RFI)
Pour la première fois en plus d’un demi-siècle, l’Inde et le Pakistan se disent prêts à rouvrir partiellement la Ligne de contrôle, à savoir la frontière non reconnue qui sépare les parties indiennes et pakistanaises du Cachemire. La conséquence directe du séisme dévastateur du 8 octobre qui, en ignorant les frontières, a forcé les deux frères ennemis d’Asie du Sud à un rapprochement humanitaire. Même si le processus de paix est encore loin d’aboutir.

De notre correspondant à New Delhi

L’Inde a répondu favorablement, ce matin, à la proposition inattendue faite la veille par le président pakistanais, le général Pervez Musharraf, d’ouvrir la Ligne de contrôle (LoC) aux civils cachemiris. Un développement qui, s’il se concrétise, marquerait une percée historique dans le cadre du timide processus de paix entamé l’an dernier entre les deux voisins, même s’il tient davantage de l’humanitaire que de la volonté politique. Créant la surprise, Musharraf avait annoncé hier que son pays autoriserait « tous les Cachemiris à traverser la Ligne de contrôle » pour « participer aux efforts de reconstruction » et rendre visite à leurs proches installés au Cachemire pakistanais. Des milliers de familles sont en effet coupées en deux depuis plus d’un demi-siècle en raison du différend indo-pakistanais sur la question du Cachemire. Un premier pas historique avait été franchi en avril dernier avec l’ouverture, pour la première fois depuis 1948, d’une liaison en bus entre les deux Cachemire, mais la nouvelle proposition va beaucoup plus loin puisqu’il n’y aurait plus de limitation sur le nombre de personnes autorisées à franchir la ligne de cessez-le-feu héritée de la première guerre indo-pakistanaise, en 1949.

« Nous nous félicitons de l’offre qui a été faite », a répondu ce matin le ministère indien des Affaires étrangères, tout en soulignant qu’il avait appris la nouvelle « par les médias ». Cette offre « correspond aux souhaits de l’Inde de permettre de plus grands mouvements de population à travers la ligne de démarcation pour les efforts de reconstruction et les contacts de peuple à peuple », ajoute le communiqué officiel. Du jamais vu puisque, jusqu’ici, toute personne qui tentait de traverser cette frontière disputée, qui compte parmi les zones les plus militarisées au monde, risquait des années de prison, d’un côté comme de l’autre.

Mais le tremblement de terre du 8 octobre a forcé les deux frères ennemis à se serrer les coudes. Mettant de côté la rivalité qui caractérise d’ordinaire les relations bilatérales, l’Inde fut d’ailleurs l’un des premiers pays à proposer de l’aide à son voisin, beaucoup plus touché. Une aide accueillie avec quelques bémols puisque Islamabad n’a accepté que des cargaisons de matériels de première nécessité, refusant en revanche la proposition de l’armée indienne de participer aux opérations de secours, certains villages dévastés au Cachemire pakistanais étant plus accessibles depuis le Cachemire indien. Symbole de la méfiance qui continue de régner entre les deux pays, Islamabad a finalement accepté les hélicoptères proposées par New Delhi à la condition qu’ils soient livrés sans... les pilotes. Une condition que l’Inde a bien sûr rejetée, privant ainsi les secours d’un soutien aérien qui aurait pourtant été plus que bienvenue pour atteindre certains villages reculés qui attentaient désespérément de l’aide.

Pas de militaires

« En raison de la sensibilité (du sujet) ici, nous ne pouvons pas accepter que des militaires indiens (...) viennent de ce côté » de la LoC, a encore justifié Pervez Musharraf bien que sa propre armée, elle-même touchée par le séisme, ait le plus grand mal à rejoindre certaines des zones ravagées en raison des glissements de terrains. Pour le Pakistan, faire appel à son ennemi de toujours relève toutefois de l’impossibilité politique, d’autant qu’il s’agit de porter secours au Cachemire, au coeur du contentieux indo-pakistanais. Si elle avait été la plus touchée, l’Inde, d’ailleurs, aurait à coup sûr réagit de la même manière.

Pour autant, l’annonce d’une possible réouverture de la LoC constitue en soi un évènement historique. Elle a d’ailleurs été accueillie avec la plus grande joie par les cachemiris, euphoriques à l’idée de pouvoir enfin revoir leurs proches, mais aussi par les groupes armés séparatistes qui luttent contre la souveraineté indienne sur une partie de la province himalayenne. Reste maintenant à savoir à quelle échéance et surtout dans quelles circonstances la réouverture de LoC serait envisagée. S’agit-il d’une mesure ponctuelle réservée à l’après séisme ou d’une décision pérenne ? De quels papiers d’identité les candidats devront-ils se doter sachant qu’Islamabad refuse les passeports au motif que cela reviendrait à reconnaître la LoC comme une frontière internationale ? Comment assurer l’Inde qu’une telle initiative ne favorisera pas les infiltrations de combattants islamistes ? Autant de questions qui restent en suspens.

New Delhi dit d’ailleurs attendre « des nouvelles du Pakistan quant aux détails pratiques pour mettre en place cette décision ». En attendant, l’Inde a levé mardi les restrictions imposées depuis 1991 sur les communications avec le Cachemire pakistanais, afin que les cachemiris indiens puissent prendre des nouvelles de leurs proches, de l’autre côté de la LoC. Une mesure qui n’a toutefois été consentie que pour deux semaines, « à titre exceptionnel ».

par Pierre  Prakash

Article publié le 19/10/2005 Dernière mise à jour le 19/10/2005 à 15:40 TU