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Violences urbaines : comment gérer la crise

Nouvelle nuit de violence à Clichy-sous-Bois.Photo : AFP
Nouvelle nuit de violence à Clichy-sous-Bois.
Photo : AFP

Jacques Chirac a saisi l’occasion du conseil des ministres pour prendre position sur les émeutes provoquées par la mort de deux jeunes, le 27 octobre, à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Le chef de l’Etat français a prôné à la fois la fermeté et le dialogue. Il a aussi demandé au Premier ministre, Dominique de Villepin, de préparer rapidement un plan de prévention de la délinquance. Car désormais, au-delà de l’accident qui a coûté la vie à deux adolescents dont les circonstances doivent être déterminées par les enquêtes en cours, c’est le problème plus global des conditions de vie des populations défavorisées dans les banlieues et de la délinquance, qui est au cœur du débat politique français.


La mort de Ziad (17 ans) et Bouna (15 ans) a mis le feu aux poudres. Ces deux jeunes de Clichy-Sous-Bois étaient entrés dans un transformateur EDF où ils ont été électrocutés, le 27 octobre. L’hypothèse que les deux garçons aient essayé de cette manière d’échapper à la police, pourtant rapidement démentie par le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui a précisé qu’ils n’étaient pas poursuivis par les agents, a suffi à provoquer des réactions de la part de jeunes de la ville qui ont déclenché des émeutes. Depuis six jours, les violences se poursuivent. Elles ont même dépassé la Seine-Saint-Denis et se sont étendues à plusieurs autres départements de la région parisienne (Seine-et-Marne, Yvelines, Val d’Oise). Chaque nuit, des affrontements ont lieu avec les forces de l’ordre et des voitures ou des bâtiments sont incendiés.

Les renforts envoyés sur place par Nicolas Sarkozy n’ont pas permis pour le moment de canaliser la violence dans les cités. Et la manière dont le ministre de l’Intérieur a décidé de gérer la crise a même été directement mise en cause, à la fois par les habitants et par certains membres de la classe politique. Nicolas Sarkozy a, en effet, réaffirmé son désir d’appliquer le principe de «la tolérance zéro» face à la violence. Il a ainsi annoncé que les voitures de patrouille allaient être équipées de caméras dans ces quartiers sensibles et que les policiers seraient désormais chargés «non plus de faire de l’ordre public mais d’interpeller». C’est d’ailleurs ce qui a été fait et plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées. Certaines ont été jugées en comparution immédiate et condamnées à des peines de prison ferme ou avec sursis.

«Karcher», «racailles », «voyous» : des expressions controversées

Ces déclarations s’inscrivent dans la droite ligne des précédentes prises de position du ministre de l’Intérieur sur le problème de la violence dans les banlieues. A plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy a affirmé sa volonté de réprimer sévèrement tous ceux qui ne respectent pas la loi. Il a employé des termes particulièrement controversés en déclarant vouloir «passer les cités au Karcher» ou en parlant de «racailles» ou de «voyous» pour désigner les responsables des violences.

Du coup, certains n’ont pas manqué de dénoncer l’inefficacité de la méthode prônée par le ministre de l’Intérieur qui met en avant la répression mais n’obtient pas de résultats. François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, a ainsi déclaré dans une interview au quotidien Libération que c’est à Sarkozy qu’il fallait «appliquer la tolérance zéro». Laurent Fabius a, pour sa part, estimé que les propos du ministre de l’Intérieur avait créé «un climat terrible». Et Dominique Strauss-Kahn a constaté : «Le problème, c’est que le Sarkozysme ça ne marche pas».

Mais c’est des rangs même du gouvernement qu’est venue l’une des attaques les plus virulentes contre le ministre de l’Intérieur. Azouz Begag, le sociologue d’origine algérienne récemment nommé ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances, a dénoncé le fait  que Nicolas Sarkozy «se laisse déborder par une sémantique guerrière imprécise». Il a aussi insisté sur le manque de discernement du ministre de l’Intérieur concernant le discours à tenir face à des populations défavorisées : «Quand on parle à des pauvres, il faut toujours choisir ses mots». Et d’ajouter : «Il ne faut pas dire aux jeunes qu’on va leur rentrer dedans et qu’on va leur envoyer la police. Il faut y aller avec une volonté d’apaiser».

«Rétablir l’ordre sans délai»

L’entrée en scène de Dominique de Villepin n’a pas réellement permis de trancher entre les deux approches du problème exprimées au sein du gouvernement. Le Premier ministre a certes donné un signe de sa volonté de dialogue en accédant à la demande exprimée par les familles des deux jeunes d’être reçues à Matignon. Il les a invitées le 1er novembre mais a associé à cette entrevue le ministre de l’Intérieur, que les familles avaient pourtant refusé de rencontrer auparavant. Dominique de Villepin a aussi lancé un appel au calme et a assuré que «toute la lumière serait faite sur les circonstances de cet accident». Mais il a néanmoins insisté sur la nécessité «de rétablir l’ordre public sans délai». Il a, en outre, déclaré pouvoir «compter» sur Nicolas Sarkozy pour y parvenir lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale.

L’objectif prioritaire du gouvernement est donc clairement d’essayer de calmer les esprits et d’arrêter les violences. Mais cette crise, qui est forte sans être inédite, montre qu’il est aussi indispensable pour préserver l’avenir, de mettre en œuvre une politique visant à améliorer les conditions de vie dans les cités de banlieues les plus pauvres, où le chômage frappe de plein fouet des populations immigrées, pour l’essentiel d’origine maghrébine ou africaine, mal intégrées. Cette situation contribue à favoriser les explosions de violence et la délinquance. Et elle ne pourra pas s’améliorer sans l’adoption rapide de mesures de fond. C’est pour cette raison que le chef de l’Etat a demandé au Premier ministre de faire d’ici un mois «des propositions pour accélérer et renforcer l’efficacité» des dispositions prévues dans la loi de cohésion sociale et dans le plan de rénovation urbaine.  

par Valérie  Gas

Article publié le 02/11/2005 Dernière mise à jour le 02/11/2005 à 18:08 TU