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Guinée-Bissau

Bras de fer entre Vieira et son ex-parti unique

Carte de la Guinée-Bissau.(Carte: RFI)
Carte de la Guinée-Bissau.
(Carte: RFI)

Mercredi, l’ancien parti unique du président Joao Bernardo Vieira, le Parti pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), a lancé un mot d’ordre de «lutte politique ininterrompue», à l’annonce du décret présidentiel nommant Aristide Gomes Premier ministre. Ce dernier remplace en effet au pied levé Carlos Gomes Junior, le président du PAIGC avec lequel le président Vieira ne s’entend plus du tout. La querelle s’est envenimée avec l’infidélité du PAIGC qui a soutenu, à la présidentielle de mai dernier, un concurrent contre Vieira, Malam Bacai Sanha. Joao, dit «Nino», Vieira n’a donc guère surpris en portant son choix sur l’ancien vice-président du PAIGC, Aristide Gomes, passé à son service pour la campagne électorale. Mais une nouvelle affaire de famille politico-militaire agite la minuscule et turbulente Guinée-Bissau.


Aristides Gomes a été nommé Premier ministre par décret présidentiel le 2 novembre.
(Photo: paigc.org)
Majoritaire au Parlement, le PAIGC est dépité. Il ne manquera sans doute pas de déposer une motion de censure pour mettre à son tour des bâtons dans les roues de son ancien héraut, «Nino» Vieira. Ce dernier lui fait en effet payer des choix électoraux en forme de désaveu. Vieux routier du marigot politico-militaire de Guinée-Bissau, «Nino» Vieira n’a pas apprécié de voir écornée son image de combattant de la liberté après avoir, dix-neuf ans durant, joué de l’aura du parti de l’indépendance arrachée au pouvoir colonial portugais par le père de la Nation, Amilcar Cabral. De retour au pouvoir par les urnes, après la parenthèse du coup d’Etat de 1999, Vieira entend visiblement tenir seul le gouvernail, comme par le passé. Et cela, même s’il doit le faire sans le PAIGC, ou même contre lui, ce qui lui a quand même valu d’être chassé en exil quinze ans plus tôt.

Dans ces conditions, la personnalité de sociologue du quinquagénaire Aristide Gomes n’a pas davantage d’importance que celle de son homonyme Carlos Gomes Junior. Ce qui compte, c’est le positionnement des deux hommes vis-à-vis du président Vieira et du PAIGC dont ils sont issus tous les trois. L’un des premiers actes de cette querelle de famille s’est joué en mai dernier, dans les préliminaires de la campagne pour la présidentielle. Le scrutin s’annonçait serré. Il s’est joué de manière triangulaire et en deux tours, entre les anciens présidents déchus «Nino» Vieira et Kumba Yala, face auxquels, dans le souci de rompre avec le passé, le PAIGC avait avancé son propre candidat, Malam Bacai Sanha. Pour passer au second tour, en juillet dernier, Vieira avait dû se présenter sans son étiquette historique et compter avec les partisans de Yala, très présents dans une hiérarchie militaire qui a pris l’habitude de jouer les arbitres politiques.

Le PAIGC appelle à la mobilisation générale

La Constitution négociée à l’issue de la dernière «transition» militaire prévoit que le Premier ministre est nommé par le président, sur proposition du parti majoritaire à l'Assemblée nationale, le PAIGC en l’occurrence. Ce dernier avait choisi de reconduire Gomes Junior, déjà en poste avant la présidentielle et qui rend à Vieira toute sa détestation. Mercredi, le PAIGC n’a pas été consulté sur la désignation d’Aristide Gomes. Pour sa part, bien avant la présidentielle, Gomes junior répétait à qui voulait l’entendre que la cohabitation serait impossible avec Vieira. Il n’a jamais cessé par la suite de contester la victoire électorale de ce dernier. Gomes Junior a finalement été limogé, samedi, et son cabinet dissout. Après une valse hésitation, il a finalement renoncé à imposer sa propre reconduction. De son côté, le président Vieira n’a pas laissé au PAIGC le temps de lui soumettre un nouveau nom. Il a choisi son ancien directeur de campagne, Aristide Gomes. A la différence de l’ancien locataire de la Primature, ce dernier avait en effet procédé au «bon» choix, en refusant de se plier à la discipline du parti, pour servir Vieira dans son entreprise de reconquête du pouvoir.

Aujourd’hui, Aristide Gomes promet de former «un gouvernement d'union nationale dans lequel seront représentées toutes les sensibilités politiques» mais qui réservera quand même «la priorité» à ses compagnons de route du Forum de convergence pour le développement. Cette coalition de dignitaires et de micro-partis a en effet soutenu la candidature de «Nino» Vieira à la présidentielle. Aristide Gomes admet toutefois qu’aucun parti «n'est capable à lui seul de gérer convenablement ce pays». Il se déclare «ouvert» au PAIGC. L’ancien parti unique se fissure de toutes parts mais reste une composante incontournable de la scène politico-militaire bissau-guinéenne. Pour sa part, il appelle «à une mobilisation générale pour une revendication populaire contre l'illégalité entretenue par le président».

«Nino» Vieira avait annoncé la tenue d’une Conférence de réconciliation nationale début 2006. L’objectif affiché serait d’éponger un passif bissau-guinéen creusé par 25 ans de turbulences militaires et de faillite économique. Pour sa part, le président Vieira paraît décidé à résoudre ses problèmes par le vide. De son côté, le PAIGC «avertit la communauté internationale du danger que représente l'attitude du président Vieira». Ce nouveau bras de fer de la famille PAIGC tombe en tout cas très mal pour la Guinée-Bissau. L’aide internationale ne reviendra pas, tant que la stabilité politique ne sera pas assurée.

  


par Monique  Mas

Article publié le 03/11/2005 Dernière mise à jour le 03/11/2005 à 15:57 TU