France
Banlieues : des violences «organisées»
(Cartographie: Marc Verney/RFI)
La violence n’a pas faibli dans les cités de banlieue. Le bilan de la dernière nuit d’émeutes fait état d’environ 500 véhicules incendiés. Près du double de la journée précédente. Il y a en revanche eu moins d’affrontements directs entre les bandes et les policiers déployés sur le terrain. Les groupes sont, d’après les forces de l’ordre, particulièrement mobiles et organisés. Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, estime d’ailleurs que ces émeutes n’ont «rien de spontané» et sont le fait de personnes qui sont animées par la seule volonté de «casser».
Bus incendiés à Trappes. (Photo: AFP) |
Les affrontements directs avec les forces de l’ordre ont, en revanche, été moins nombreux durant la nuit de jeudi à vendredi. Les CRS déployés n’ont pas été aussi systématiquement pris pour cibles par les groupes de jeunes cagoulés. Et aucun tir à balle réelle n’a été enregistré. Par contre, des impacts de pistolets à grenailles ont été retrouvés sur des véhicules de la police à Neuilly-sur-Marne. Les émeutes se sont étendues pour la première fois jusqu’à la province. Des incidents ont eu lieu dans des zones urbaines sensibles en Côte d’Or (centre-est), en Seine-Maritime (ouest) et dans les Bouches-du-Rhône (sud-est). Plus de 77 incendies ont été répertoriés dans ces régions.
Interpellations et prison ferme
Les forces de l’ordre ont poursuivi les interpellations. Près de 150 personnes ont été arrêtées depuis le début des émeutes, 78 durant la dernière nuit. Quarante-deux d’entre elles ont déjà été déférées devant la justice. Et des peines de prison ferme ont été prononcées à Bobigny et à Meaux.
Ces incidents perturbent énormément la vie des habitants des cités. Les transports en commun notamment en subissent les conséquences. La ligne B du RER, qui relie Paris à la banlieue nord, ne fonctionne pas normalement. Des conducteurs ont, en effet, exercé leur «droit de retrait» en raison de l’agression dont l’un eux a été victime mercredi soir. Les témoignages d’exaspération se multiplient. Et les gens commencent à avoir peur d’être pris dans des rixes. Une femme handicapée a d’ailleurs été brûlée au deuxième et au troisième degré sur 20 % de son corps, à la suite de l’attaque d’un bus à Sevran, mercredi soir. Son état a nécessité une hospitalisation dans un établissement parisien spécialisé dans le traitement des grands brûlés.
Les violences ont pris une telle dimension que les policiers parlent maintenant d’une véritable «guérilla urbaine». Nicolas Sarkozy a même expliqué qu’à son sens, il n’était plus question de mouvements spontanés mais bel et bien d’actions «parfaitement organisées». Et d’ajouter : «Nous sommes en train de rechercher par qui et comment». Le Premier ministre Dominique de Villepin a lui-même déclaré sur ce point : «Je refuse que des bandes organisées fassent la loi dans les banlieues».
Les événements de la dernière semaine ont été particulièrement violents. Mais il ne faut pas oublier que les habitants des cités les plus sensibles sont confrontés au quotidien à toutes les formes de délinquance. Les incendies de voitures, par exemple, sont courants. On en a recensé 28 000 depuis janvier 2005 en France. La grande majorité a eu lieu dans ces quartiers défavorisés. Vols, agressions, trafics de drogues, affrontements entre bandes rivales n’ont rien d’exceptionnel. En juin dernier d’ailleurs, un enfant de 11 ans a été tué par une balle perdue lors d’un règlement de compte entre délinquants dans une ville de la banlieue parisienne. Un ensemble de facteurs (chômage, pauvreté, absence d’intégration, échec scolaire...) expliquent que certains de ces quartiers sont devenus des ghettos pour immigrés, dans lesquels les délinquants font la loi et où il est parfois impossible à la police mais aussi aux pompiers, aux médecins d’intervenir sans être agressés. Les derniers événements dans les banlieues se situent donc dans un contexte de remise en cause globale de la loi, de l’Etat et de ses représentants à l’intérieur de certaines cités.
«Perdre la bataille de l’intégration»
L’objectif est donc de réussir à désamorcer la crise et à ramener le calme immédiatement. Il est aussi de trouver les moyens de faire dorénavant respecter la loi républicaine dans des quartiers qui sont devenus au cours des dernières décennies des zones de non-droit. De ce point de vue, de nombreux élus des villes concernées par les émeutes ont émis des doutes sur l’efficacité d’un nouveau plan d’urgence pour les banlieues et demandent des actions en profondeur dans les domaines clefs de l’éducation, de la formation, de l’emploi et de la sécurité. Le socialiste Laurent Fabius a évoqué, pour sa part, la possibilité de mettre en place un «service civique» pour les jeunes destiné à jouer le rôle de «creuset républicain» et à leur apprendre qu’ils n’ont pas seulement des «droits» mais aussi des «devoirs». En tout cas l’enjeu est de taille. Et le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, l’a ainsi résumé : «Le grand danger que nous avons aujourd’hui dans nos quartiers, c’est de perdre la bataille de l’intégration et de voir s’y substituer une radicalisation des mouvements politiques basés sur la religion».
par Valérie Gas
Article publié le 04/11/2005 Dernière mise à jour le 04/11/2005 à 17:27 TU