Sri Lanka
Une présidentielle décisive pour la guerre civile
(Photo : Mouhssine Ennaimi / RFI)
De notre correspondant à Colombo
La campagne s'est déroulée dans un climat tendu et sous haute sécurité. D'une part, le pays est toujours en état d'urgence depuis l'assassinat du chef de la diplomatie en août dernier. D'autre part, les violences à consonance politique sont quasi-quotidiennes. La mission de surveillance du cessez-le-feu (SLMM) dénombre plus de 200 morts depuis le début de l'année. «Septembre a été le pire mois de l'année, nous avons enregistré près de 30 morts. Un tout petit peu moins en octobre. Il est devenu impossible de faire coopérer les deux parties. Même au niveau local», dit Helen Olafsdottir, porte-parole de la SLMM.
Récemment, le responsable des services secrets militaires a été abattu en plein Colombo, la capitale. La sécurité des candidats est la préoccupation principale des autorités. Un dispositif militaire et policier encadre chaque rassemblement politique et les adversaires font leurs discours derrière des vitres blindées. Par crainte d'un attentat, le Premier ministre candidat ne s'est pas rendu à son meeting de clôture lundi soir.
Un scrutin clé
De toute évidence, l'enjeu majeur du scrutin est la résolution du conflit inter-ethnique entre le gouvernement cinghalais et la guérilla séparatiste tamoule. Les accords de cessez-le-feu, signés par l'ancien Premier ministre Ranil Wickremesinghe, sont dans l'impasse depuis avril 2003. «Depuis les accords de cessez-le-feu, le pays n'est plus en guerre, mais on ne peut pas dire qu'il y ait la paix non plus. C'est une véritable guerre souterraine à laquelle se livre les LTTE (Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul) et le gouvernement», dit Anura Rubasingue, avocat.
Sur le conflit, tout oppose les deux adversaires. Rajapakse, le Premier ministre candidat est pour une ligne sévère à l'égard du LTTE. Les alliances signées avec le parti communiste et les moines bouddhistes nationalistes font de lui un candidat controversé. «Le Premier ministre dit qu'il est pour la paix mais il veut inviter à la table des négociations des extrémistes. Ca ne peut pas marcher!», dit Indika Perera, commerçant. Mais Mahinda Rajapakse se défend et dit qu'il souhaite proposer une «nouvelle initiative» en rencontrant directement le leader militaire de la guérilla : Velupillai Prabhakaran. Une proposition que rejette catégoriquement, du moins pour l'instant, le LTTE. De plus, le chef du gouvernement prône une unité nationale. Une démarche qui ne séduit guère la guérilla séparatiste, en faveur d'un partage de pouvoir.
Son rival, Ranil Wickremesinghe, propose quant à lui une approche qui s'inscrit dans la continuité. Il devrait reprendre les négociations et semble ouvert à un transfert de pouvoir via la création d'un Etat fédéral. Pourtant, la majorité cinghalaise pense que le leader de l'opposition fait trop de concessions et l'accuse de vouloir développer l'économie nationale à n'importe quel prix.
Confusion autour du vote tamoul
Ces deux visions font dire à la population qu'il y a un candidat pour la paix et un candidat pour la guerre. Cependant, la situation n'est pas si simple. Le scrutin s'annonce serré. Aucun candidat n'est assuré de la victoire et toutes les voix comptent. La clef pourrait résider dans le vote tamoul. La confusion règne sur ce dernier point. Le LTTE affiche ostensiblement son désintérêt pour la campagne. Une attitude qui, aux yeux de nombreux analystes, équivaut à un appel au boycott. Ce désistement risque de jouer en faveur du Premier ministre Rajapakse. Celui-là même qui prône une ligne sévère à l'égard de la rébellion séparatiste.
par Mouhssine Ennaimi
Article publié le 16/11/2005 Dernière mise à jour le 18/11/2005 à 12:19 TU