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Religion

Livres de Parole : la Torah, la Bible et le Coran

Affiche de l'exposition de «Livres de Parole : Torah, Bible, Coran»(Photo : Bibliothèque nationale de France)
Affiche de l'exposition de «Livres de Parole : Torah, Bible, Coran»
(Photo : Bibliothèque nationale de France)
La Bibliothèque nationale de France explore à Paris, jusqu’au 30 avril 2006, trois mille ans de notre histoire à travers les livres sacrés fondateurs du monothéisme. L’exposition est envisagée sous l’angle des relations que le judaïsme, le christianisme et l’islam ont communément entretenues avec le Livre comme dépôt précieux d’une parole vivante. Elle souligne également comment les trois traditions, bien que s’appuyant sur un socle commun, ont développé des relations originales avec les textes fondateurs.

Rouleau de Torah ; Exode XV, 1-18 «Je chante pour Yahwé…» ; Saint-Pétersbourg, 1828.
(Photo : Bnf, département des Manuscrits)
Des fragments manuscrits de la Mer Morte, des manuscrits hébreux célébrant la sortie d’Egypte, des bibles illustrées du Moyen-Age, des bibles polyglottes de la Renaissance, des chefs d’œuvres de Gutenberg, des corans calligraphiés à l’encre d’or, des objets rituels, des images de piété: une centaine de documents sont exposés pour illustrer l’aventure de ces Livres de parole inspirée. Transmis par des générations d’acteurs souvent anonymes -des scribes, des copistes, des enlumineurs, des commentateurs, des traducteurs ou des typographes-, ces livres ont voyagé et subi parfois très cruellement les usures du temps. L’exposition souligne bien qu’il s’agit là d’une aventure de mémoire et de transmission. La somptuosité des mises en page -monumentales, ou au contraire en tout petit format- atteste la ferveur des liturgies et la diversité des usage

«Il ne s’agit absolument pas d’une exposition sur les religions mais d’un outil qui peut servir à tous sur la transmission des textes», insiste d’entrée de jeu Annie Berthier, conservateur général au département des Manuscrits et commissaire de l’exposition face à l’immense tableau chronologique qui fait figure de préambule (de – 2 000 avant Jésus-Christ à + 1 200 après Jésus-Christ). La grande fresque livre des repères articulés sur trois niveaux superposés: le premier, intitulé Entre tradition et histoire; le second, intitulé Ecritures, indique des repères de rédactions, traductions et fixations canoniques des textes; le troisième niveau de lecture précise quelles ont été les principales étapes de l’Histoire et des  civilisations pour l’émergence de ces textes fondateurs qui, au fil des siècles, furent lus et murmurés, récités ou contemplés et psalmodiés.

Trois religions centrées sur l’exigence éthique

Bible des Capucins ; Début de l’évangile de Matthieu. Arbre de Jessé ; Filiation davidique de Jésus. France, fin du XIIe siècle.
(Photo : Bnf, département des Manuscrits)
Dans la longue histoire de l’homme religieux, le monothéisme fait figure d’invention récente qui a forgé notre modernité. L’exposition s’ouvre sur cette émergence du monothéisme, puis invite à la découverte des singularités de ces trois religions enchevêtrées pourtant dans des filiations communes, et partageant le même berceau. Le texte commun à ces trois religions est l’Ancien testament, un ouvrage écrit par le peuple hébreu, qui constitue la Torah, texte de référence de la religion juive, où figurent les Dix commandements marqués sur les Tables de la Loi -données par Dieu à Moïse.

Dans les trois religions centrées sur l’exigence éthique, la spiritualité -l’esprit- s’oppose à la recherche effrénée du pouvoir, de la richesse, et des plaisirs charnels. «Le monothéisme se substitue progressivement aux divinités largement anthropomorphisées du polythéisme babylonien. On passe à la transcendance radicale d’un dieu unique qui échappe à toute représentation. La Loi est commune aux trois textes fondateurs, explique Annie Berthier, et les trois langues utilisées à l’origine pour répandre la bonne Parole sont l’hébreu, l’araméen et le grec». Le grec donnera à la Bible chrétienne son unité, et contribuera à engouffrer dans la culture du judaïsme des pans entiers de la philosophie hellénistique et du paganisme.

Qu’il s’appelle Yahvé dans la Torah, Dieu dans la Bible et Allah dans le Coran, on retrouve dans les trois religions «abrahamiques» l’idée d’un dieu unique, qui semble désigner une même entité. Les trois religions sont appelées «révélées» car Dieu y parle aux prophètes, lesquels rapportent sa parole. Ainsi, Jésus est reconnu par plusieurs disciples, tous d’origine juive, comme le Messie –mot hébreu qui désigne le Christ; son histoire sera transcrite dans les Evangiles qui constituent la grande partie de ce qu’on appelle dans la Bible, le Nouveau testament, qui donne naissance au christianisme. L’islam apparaîtra, quant à lui, vers 630 ap. J.-C., élaboré sur la base des mêmes textes sacrés: un nouveau prophète, Mahomet, est donné comme le dernier du dieu unique appelé Allah. Il reçoit de l’Ange Gabriel, messager de Dieu et être immortel, l’ordre de prêcher cette nouvelle religion, dont la révélation est inscrite dans le Coran.

«Dieu est le bruit de l’eau dans les oreilles de l’Assoiffé».

Coran doré ; Double page enluminée à décor en damier ; Sourate de Maryam ; Turquie, XIVe siècle.
(Photo : Bnf, département des Manuscrits)
Circoncision, interdits alimentaires, sabbats: bien qu’ayant un socle commun, et reconnaissant en chaque être humain une créature de Dieu qui mérite le respect, chacune de ces religions s’est diversifiée dans ses rites. Selon qu’il ait été livré sous forme écrite «torah», ou orale «talmud», le texte a également été ouvert à des lectures et des interprétations infinies. De la même manière, le texte rédigé à plusieurs mains de la tradition chrétienne et celui, incantatoire, de la tradition arabe. «Au hasard de leurs migrations sur la carte du monde les manuscrits bibliques de la tradition hébraïque ne cessèrent de s’imprégner artistiquement des cultures qu’ils rencontrèrent, dans les arts comme dans la pensée, et de s’ouvrir à un sens consommé du dialogue», explique Annie Berthier.

Le parcours se termine par une invitation à la méditation sur une parole du poète persan Rumi: «Dieu est le bruit de l’eau dans les oreilles de l’Assoiffé». Assis au bord d’un puits de lumière qui évoque les murmures de l’eau, le visiteur est convié à écouter «des récits qui rêvent l’origine de l’Homme et le début de l’Histoire», déclare la commissaire. L’exposition se termine sur une question ouverte qui concerne les modalités de lecture du texte biblique: le Livre de Parole relève-t-il uniquement, comme n’importe quel autre livre, d’une lecture individuelle ? Peut-on sans le trahir, faire l’économie d’une lecture partagée et communautaire ?


par Dominique  Raizon

Article publié le 21/11/2005 Dernière mise à jour le 21/11/2005 à 16:25 TU