Religion
Livres de Parole : la Torah, la Bible et le Coran
(Photo : Bibliothèque nationale de France)
Rouleau de Torah ; Exode XV, 1-18 «Je chante pour Yahwé…» ; Saint-Pétersbourg, 1828. (Photo : Bnf, département des Manuscrits) |
«Il ne s’agit absolument pas d’une exposition sur les religions mais d’un outil qui peut servir à tous sur la transmission des textes», insiste d’entrée de jeu Annie Berthier, conservateur général au département des Manuscrits et commissaire de l’exposition face à l’immense tableau chronologique qui fait figure de préambule (de – 2 000 avant Jésus-Christ à + 1 200 après Jésus-Christ). La grande fresque livre des repères articulés sur trois niveaux superposés: le premier, intitulé Entre tradition et histoire; le second, intitulé Ecritures, indique des repères de rédactions, traductions et fixations canoniques des textes; le troisième niveau de lecture précise quelles ont été les principales étapes de l’Histoire et des civilisations pour l’émergence de ces textes fondateurs qui, au fil des siècles, furent lus et murmurés, récités ou contemplés et psalmodiés.
Trois religions centrées sur l’exigence éthique
Bible des Capucins ; Début de l’évangile de Matthieu. Arbre de Jessé ; Filiation davidique de Jésus. France, fin du XIIe siècle. (Photo : Bnf, département des Manuscrits) |
Dans les trois religions centrées sur l’exigence éthique, la spiritualité -l’esprit- s’oppose à la recherche effrénée du pouvoir, de la richesse, et des plaisirs charnels. «Le monothéisme se substitue progressivement aux divinités largement anthropomorphisées du polythéisme babylonien. On passe à la transcendance radicale d’un dieu unique qui échappe à toute représentation. La Loi est commune aux trois textes fondateurs, explique Annie Berthier, et les trois langues utilisées à l’origine pour répandre la bonne Parole sont l’hébreu, l’araméen et le grec». Le grec donnera à la Bible chrétienne son unité, et contribuera à engouffrer dans la culture du judaïsme des pans entiers de la philosophie hellénistique et du paganisme.
Qu’il s’appelle Yahvé dans la Torah, Dieu dans la Bible et Allah dans le Coran, on retrouve dans les trois religions «abrahamiques» l’idée d’un dieu unique, qui semble désigner une même entité. Les trois religions sont appelées «révélées» car Dieu y parle aux prophètes, lesquels rapportent sa parole. Ainsi, Jésus est reconnu par plusieurs disciples, tous d’origine juive, comme le Messie –mot hébreu qui désigne le Christ; son histoire sera transcrite dans les Evangiles qui constituent la grande partie de ce qu’on appelle dans la Bible, le Nouveau testament, qui donne naissance au christianisme. L’islam apparaîtra, quant à lui, vers 630 ap. J.-C., élaboré sur la base des mêmes textes sacrés: un nouveau prophète, Mahomet, est donné comme le dernier du dieu unique appelé Allah. Il reçoit de l’Ange Gabriel, messager de Dieu et être immortel, l’ordre de prêcher cette nouvelle religion, dont la révélation est inscrite dans le Coran.
«Dieu est le bruit de l’eau dans les oreilles de l’Assoiffé».
Coran doré ; Double page enluminée à décor en damier ; Sourate de Maryam ; Turquie, XIVe siècle. (Photo : Bnf, département des Manuscrits) |
Le parcours se termine par une invitation à la méditation sur une parole du poète persan Rumi: «Dieu est le bruit de l’eau dans les oreilles de l’Assoiffé». Assis au bord d’un puits de lumière qui évoque les murmures de l’eau, le visiteur est convié à écouter «des récits qui rêvent l’origine de l’Homme et le début de l’Histoire», déclare la commissaire. L’exposition se termine sur une question ouverte qui concerne les modalités de lecture du texte biblique: le Livre de Parole relève-t-il uniquement, comme n’importe quel autre livre, d’une lecture individuelle ? Peut-on sans le trahir, faire l’économie d’une lecture partagée et communautaire ?
par Dominique Raizon
Article publié le 21/11/2005 Dernière mise à jour le 21/11/2005 à 16:25 TU