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Institut du monde arabe

L’âge d’or des sciences arabes s’expose

Ce <i>Manuel de géographie</i> d’Ibn Hawqal date du XVIe siècle.(Photo: Bibliothèque nationale de France)
Ce Manuel de géographie d’Ibn Hawqal date du XVIe siècle.
(Photo: Bibliothèque nationale de France)
L’exposition intitulée «l’Age d’or des sciences arabes» présente les savoirs et les pratiques de la civilisation arabo-musulmane à son apogée entre les VIIIe et XVe siècles. Sans procéder à un catalogue exhaustif des différentes disciplines, l’exposition met en valeur les contributions des arabes dans les domaines très divers des mathématiques, de l’astronomie, de la géographie et de la médecine. Leur rôle prépondérant a longtemps été occulté dans l’histoire des sciences occidentales. Le commissaire scientifique de l’exposition, Ahmed Djebbar, rétablit la vérité historique. Au gré d’un parcours aussi esthétique que pédagogique, le visiteur est invité à mesurer combien ces hommes de sciences sont devenus les bâtisseurs d’une nouvelle modernité.

Chirurgie des Ilkhani de Sharaf al-Dîn ibn 'Alî ibn al-Hajj Ilyas Sabunju Oghlu. Turquie, 1466.
(Photo: Bibliothèque nationale de France, Paris)
Riche de quelque 200 pièces prêtées par une quarantaine d’institutions, et agrémentée de modules audiovisuels qui complètent l’information, l’exposition est élaborée autour d’un parcours aussi simple que beau. Bagdad, Damas, Cordoue, Le Caire, Samarcande et Marrakech: une grande carte du monde arabo-musulman illustre, en préambule, l’étendue territoriale en situant les grandes capitales du pouvoir politique et les centres scientifiques les plus importants. Cet espace aborde les mathématiques, symbole de l’âge d’or d’une civilisation qui nous a légué le système de numération (avec le zéro), aujourd’hui utilisé dans le monde entier. Mais le tir est rectifié: si les mathématiciens arabes sont bien les fondateurs de l’algèbre et de la trigonométrie, le système de numération transmis par les arabes est en fait hérité de l’Inde.

«Le XIe siècle est pour l’islam ce qu’a été le XVIIIe siècle pour l’Europe, le siècle des Lumières», n’hésite pas à affirmer l’historien Malek Chebel. A cette époque, les contrées de l’Europe occidentale sont ravagées par des conflits féodaux et ne brillent pas vraiment, tandis que rayonne le raffinement des grandes cités musulmanes. L’empire arabo-musulman est alors prospère et le métissage intellectuel est inégalé; la civilisation s’empare de toutes les branches du savoir et des techniques, et les échanges commerciaux encouragent la diffusion des connaissances. Toutefois, si l’on situe ce point d’apogée des sciences arabes vers le XIe siècle, Ahmed Djebbar souligne qu’en fait l’islam règnera pendant plus de 600 ans sur un «espace géopolitique qui s’étend des confins de l’Asie centrale aux confins des Pyrénées» et de la péninsule ibérique. En six siècles, les scientifiques cumuleront assimilations et découvertes. 

Après la constitution du premier Etat musulman à Médine en 622, et l’appropriation des connaissances des prédécesseurs vaincus ou dominés (grecs, perses et indiens), l’arabe s’impose dès la fin du VIIe siècle à la fois comme langue de culture qui sert à transmettre le coran, et comme langue administrative. Les traités et les documents scientifiques sont traduits et diffusés. «La multiplication, la division et la racine carrée sont arabes à 70%», rappelle Ahmed Djebbar qui poursuit: «La plupart des découvertes ont des racines grecques ou égyptiennes»; mais, pendant six siècles, forts de cette assimilation, les Arabes progressent en sciences et font des découvertes cruciales.

Le Caire et Damas, principaux centres de recherche médicale 

Compilation de chimie illustrée, XVIIIe siècle.
(Photo: The British Library, Londres)
Articulée en trois volets: le Ciel et le monde, le Monde du vivant et l’homme dans son environnement, et les Sciences et les arts, l’exposition rend compte de la diversité du corpus scientifique sans lequel la science européenne n’aurait pu prendre son essor. Magnifiques astrolabes, globes célestes, cadrans solaires, instruments de chirurgie, manuscrits divers, ou bien encore reconstitution de système hydraulique et d’automates: à travers tous ces objets, l’exposition relate l’élaboration et la diffusion des savoirs; elle évoque également l’expérimentation, la pratique, et l’aboutissement des travaux de recherche.

Les domaines de la médecine et de l’optique physiologique sont la parfaite illustration des avancées considérables dues aux Arabes, et dont bénéficieront ensuite les sciences européennes. Aux XIIe et XIIIe siècles, Le Caire et Damas sont les principaux centres de recherche médicale et leurs hôpitaux ressemblent à nos centres hospitaliers actuels. L’auteur du Canon de la médecine, le célèbre médecin persan Ibn Sinâ (980-1037) connu en occident sous le nom d’Avicenne, restera pendant des siècles une référence inégalée. Des découvertes dans le domaine de l’optique physiologique permettent des opérations aussi délicates que celle de la cataracte.


par Dominique  Raizon

Article publié le 15/11/2005 Dernière mise à jour le 15/11/2005 à 18:09 TU