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Chili

Elections : peut-être une présidente

Michelle Bachelet, candidate atypique à l'élection présidentielle au Chili.(Photo : AFP)
Michelle Bachelet, candidate atypique à l'élection présidentielle au Chili.
(Photo : AFP)
La socialiste Michelle Bachelet est arrivée en tête du premier tour de la présidentielle au Chili dimanche, avec près de 46% des voix, mais elle devra affronter le candidat de droite Sebastian Pinera lors d'un second tour en janvier.

De notre correspondante à Santiago

Elle s’appelle Michelle Bachelet et pourrait bien devenir la première femme présidente du Chili, et l’une des rares en Amérique latine. Blonde, un peu ronde, charismatique, progressiste, agnostique et socialiste, la «docteure», comme la nomme avec affection les Chiliens du fait de sa profession, est sortie de l’ombre en 2000, lorsque le président Lagos la nomme ministre de la Santé. Si elle ne parvient pas à en finir avec les longues queues devant les centres de santé publics, qui reçoivent les patients de classes moyennes et pauvres, cette bûcheuse souriante de 54 ans gagne toutefois en popularité.

Mais sa cote fait un bon deux ans plus tard, lorsqu’elle devient la première femme ministre de la Défense du Chili. Tout un symbole : Michelle Bachelet est fille d’un général des forces de l’air mort à la suite de tortures dans les prisons de Pinochet. Elle-même a été victime de tortures, avec sa mère, à la Villa Grimaldi, un des plus grands centres de torture sous la dictature (1973-1990). «Elle incarne ainsi l’histoire du Chili, mais aussi la capacité à tourner la page douloureuse du passé», souligne Marta Lagos, directrice du centre de sondages Mori. «Michelle Bachelet n’a pas grimpé dans les sondages de popularité du gouvernement du fait de ses discours ou de ses actions politiques. Elle plait pour ce qu’elle est. Sa vie, son histoire parlent d’elles-mêmes».

Militante socialiste dès son entrée à l’université, elle lutte contre la dictature depuis son exil en RDA (1975-1979), puis au Chili. Débute la transition démocratique, elle continue de militer sur le terrain, sans ambition de faire partie des cadres du parti. Un parti-pris de proximité, de politique citoyenne, loin de la mauvaise réputation de cadres déconnectés de la réalité des Chiliens qui fait son succès. Sa campagne course de fond, puisqu’elle l’a commencée il y a plus d’un an, n’a d’ailleurs été pratiquement qu’embrassades et poignées de main, assez distante des médias. Car si la candidate de la coalition de centre-gauche au pouvoir depuis 15 ans renvoie une image de simplicité, elle n’est en revanche pas un personnage de scène. Piètre figure télévisuelle. Elle n’a pas le sens de la formule, préférant dans sa communication les nuances et les explications détaillées. «Et c’est étonnamment un atout», souligne Marta Lagos. «Les Chiliens ne veulent plus de douces promesses vides. Ils veulent qu’on leur parle franchement, avec honnêteté de programmes applicables».

Une candidate atypique

L’atypique candidate incarne aussi la Chilienne de classe moyenne. Séparée, elle est chef de famille, mère de trois enfants de deux pères différents, comme de nombreuses femmes au Chili, malgré les principes l’église catholique très conservatrice. «Les gens votent pour quelqu’un qui leur ressemble, car il pourra les comprendre», remarque Tomas Mosciatti, directeur de la radio Bio-Bio.

Ce sont ainsi les sondages qui ont fait d’elle la meilleure chance de la «Concertacion» de remporter la présidentielle de dimanche. Jamais Michelle Bachelet n’avait imaginé en arriver là. Electron libre dans les premiers temps, elle est aujourd’hui entièrement soutenue par sa coalition et le président Lagos, particulièrement populaire en sa fin de mandat. Le défi qui l’attend : continuer l’œuvre d’une coalition au pouvoir depuis 15 ans déjà et satisfaire les aspirations au changement de Chiliens qui réclament plus d’égalité sociale. Un pari bien contradictoire.

Une contradiction dans laquelle se sont engouffrés les deux principaux opposants de Michelle Bachelet : le chef d’entreprise Sebastian Pinera, du parti de la droite conservatrice «Rénovation Nacionale», qui cumulerait 22 % des voix et l’ancien maire de Santiago à la gestion désastreuse, Joaquin Lavin de l’Union Démocrate Indépendante (parti marqué par son adhésion à Pinochet), qui fluctuerait aux alentours de 19 %. Tous deux ont rapidement brandi un programme social, orienté vers les pauvres et les exclus... Ils ont également consolidé leur électorat en valorisant leur principale thème de campagne : «la répression de la délinquance». Si l’un des deux remportent les élections – un scénario qui reste plausible en cas de second tour-, ce serait la première fois que la droite reprendrait la direction du pays depuis la fin de la dictature. Loin derrière, le candidat de la gauche extraparlementaire, Tomas Hirsch, pourrait constituer un poil à gratter, en récupérant des voix de la candidate avec  7 %. Les jeux ne sont pas encore joués.


par Claire  Martin

Article publié le 11/12/2005 Dernière mise à jour le 11/12/2005 à 10:58 TU