Israël
Hospitalisé, Sharon veut «aller de l’avant»
(Photo : AFP)
Les Israéliens ont découvert dimanche que celui qu’ils ont longtemps surnommé «Téflon», parce que les affaires glissaient sur lui sans l’affecter, était «humain, trop humain» et que les nombreuses pressions auxquelles il a été soumis ces derniers mois ont, semble-t-il, fini par l’atteindre. Ils ont surtout découvert qu’à bientôt 78 ans, Ariel Sharon, qui brigue un troisième mandat à la tête du gouvernement, n’était pas éternel. Le Premier ministre a en effet été hospitalisé d’urgence dimanche soir à la suite d’une légère attaque cérébrale. Sa journée de travail, durant laquelle il a notamment présidé un conseil de sécurité –Israël a mené ces derniers jours plusieurs raids aériens sur la bande de Gaza– avant de rencontrer l’ancien dirigeant travailliste Shimon Peres pour préparer la campagne électorale de leur nouveau parti Kadima, l’aurait particulièrement affaibli. Il aurait été pris d’un malaise alors qu’il se trouvait dans sa voiture. Selon plusieurs télévisions, le Premier ministre discutait au téléphone avec son fils Gilad à qui il aurait affirmé qu’il «ne sentait pas bien». Ce dernier lui aurait alors répondu : «Papa, va immédiatement à l’hôpital». Ariel Sharon aurait ensuite perdu connaissance «quelques minutes» dans la voiture qui le menait de Tel Aviv vers l’hôpital Hadassah Ein Kerem de Jérusalem où il a été admis au service de traumatologie.
Très vite, les médecins ont affirmé que les jours du Premier ministre n’étaient pas en danger. Ses proches ont également multiplié les déclarations rassurantes, soulignant qu’il était «parfaitement conscient». Ariel Sharon s’est lui-même, aux alentours de minuit, entretenu avec un journaliste du quotidien Haaretz. «Je vais bien. Apparemment j’aurais dû prendre quelques jours de vacances, a-t-il déclaré avant d’ajouter non sans humour : je suis plus que jamais déterminé à aller de l’avant», une référence au parti Kadima qu’il vient de créer et dont le nom signifie en hébreu «en avant». Lundi matin, le directeur de l’hôpital où il a été admis a annoncé que le Premier ministre pourra quitter son établissement dès le lendemain matin. «Il est actuellement en forme et se sent bien. Nous espérons qu’il pourra regagner son domicile dès demain matin», a déclaré Yaïr Birenboïm. «Nous voulons qu’il se repose encore une nuit à l’hôpital pour qu’il puisse fonctionner tout de suite comme un Premier ministre», a pour sa part déclaré Tamir Ben-Hur. Ce professeur de neurologie, qui suit Ariel Sharon depuis son hospitalisation dimanche soir, a également précisé que «le caillot de sang –à l’origine de la perte de connaissance de son patient– avait été enlevé et la circulation sanguine rétablie». Et d’insister : «il n’y aura pas de séquelles. Ariel Sharon sera invité à subir d’autres examens de suivi dans quelques semaines».
Quel avenir pour Kadima ?L’hospitalisation du Premier ministre a eu l’effet d’un séisme dans le paysage politique israélien déjà en proie ces dernières semaines à un profond bouleversement. La création par Ariel Sharon d’une nouvelle formation centriste, Kadima, à laquelle se sont joints plusieurs membres éminents du Likoud –le parti qu’il a contribué à fonder il y a trente ans– mais aussi des personnalités travaillistes parmi lesquelles l’ancien Premier ministre et prix Nobel de la paix Shimon Peres, a en effet radicalement changé la donne politique. Et à trois mois des élections législatives anticipées du 28 mars, Kadima était donné, avec un tiers des 120 sièges de la Knesset, largement en tête devant le parti travailliste (une vingtaine de députés) et loin devant le Likoud (douze élus). Le malaise dont a été victime dimanche soir Ariel Sharon est donc loin d’être anodin. Certains observateurs estiment même qu’il est de nature à entraver l’ascension du nouveau parti centriste. Le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot a ainsi rappelé dans son édition de lundi que «l’existence de Kadima dépendait d’un homme» : Ariel Sharon. «Et il est raisonnable, a poursuivi le journal, de penser que son attaque a nui à son parti en termes électoraux».
Conscient des problèmes que risque de poser l’hospitalisation du Premier ministre à trois mois des élections législatives, son entourage a multiplié les déclarations rassurantes, insistant notamment sur le fait qu’il était «en pleine possession de ses moyens». Le secrétaire du gouvernement, Israël Maïmon, a ainsi dès dimanche soir rejeté toute idée d’intérim. «Dans la mesure où l'organisme du Premier ministre fonctionne normalement, qu'il parle, et qu’il est en relation avec nous et avec les membres de sa famille, il n'y a pas de nécessité de nommer un Premier ministre par intérim», avait-t-il expliqué. La loi israélienne définit très précisément la marche à suivre en cas d’incapacité du chef du gouvernement de continuer d'exercer ses fonctions. L'intérim est ainsi assuré pendant cent jours par son vice-Premier ministre, en l’occurrence Ehud Olmert, et des élections sont organisées le 101ème jour au cas où le Premier ministre est dans l’incapacité de rependre ses fonctions. Lundi matin, le secrétaire du gouvernement, un proche d’Ariel Sharon, est revenu à la charge pour rassurer les Israéliens sur l’état de santé du Premier ministre. «Il se sent bien, son moral est élevé, il se déplace seul dans sa chambre, il n'est relié à aucune machine» a ainsi affirmé Israël Maïmon, en indiquant toutefois qu’Ariel Sharon avait connu au début «quelques problèmes d’élocution». «Je n'ai pu constater aucune séquelle extérieure de l'attaque cérébrale, a-t-il en outre ajouté, avant de préciser qu’il avait informé Ariel Sharon «de questions de sécurité».
Bien que rassurantes, ces déclarations ne vont pas contribuer à apaiser les tensions qui existent depuis des semaines sur la scène politique israélienne. Et cela d’autant plus que l’hospitalisation du Premier ministre risque de peser sur les primaires du Likoud qui se sont déroulées ce lundi. Deux hommes étaient donnés favoris. Benyamin Netanyahou, l’éternel et jeune rival d’Ariel Sharon, et Sylvan Shalom, un proche du Premier ministre, accusé de vouloir faire du Likoud une succursale de Kadima. Autant dire que le choix des 130 000 électeurs du grand parti historique de la droite qui doivent les départager n’est pas simple.
par Mounia Daoudi
Article publié le 19/12/2005 Dernière mise à jour le 19/12/2005 à 19:23 TU