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Israël

Kadima : Le club des «ex»

Shimon Peres soutient Sharon.(Photo : AFP)
Shimon Peres soutient Sharon.
(Photo : AFP)
Mercredi, Shimon Peres a mis fin au suspense concernant son positionnement politique. L’ancien leader du Parti travailliste a annoncé qu’il quittait sa formation pour se ranger parmi les soutiens d’Ariel Sharon, ex-dirigeant du parti de droite Likoud. Ce ralliement pourrait accentuer les chances de victoire d’Ariel Sharon, lors des élections législatives, en mars prochain.

Ils étaient nombreux, les journalistes, à assister, ce mercredi, à la conférence de presse de Shimon Peres. L’ancien vice-Premier ministre avait promis une grande déclaration. Et il a tenu parole. Figure historique du Parti travailliste, il a annoncé précisément qu’il quittait cette formation, et qu’il apportait son soutien à Kadima, la formation centriste nouvellement créée par Ariel Sharon.

C’est le dernier épisode d’une histoire d’«ex». Le nom de Shimon Peres a longtemps été associé au Parti travailliste. Et puis, en novembre dernier, l’homme de 82 ans se fait évincer de son poste de dirigeant par un syndicaliste de 53 ans, Amir Peretz. Pour autant, le battu refuse de tirer sa révérence politique. Et de se justifier : «J’ai appris de mon maître, David Ben Gourion (fondateur de l’Etat juif en 1948) de toujours préférer l’Etat au parti». Ses détracteurs lui reprochent en fait de tout faire pour conserver des postes ministériels. De toutes les façons, ses perspectives au sein de la formation de gauche sont limitées. Peretz, le nouveau chef, n’a pas grand-chose à proposer à Peres, l’ex-dirigeant.

Coïncidence des dates ? Quelques jours plus tard, un autre poids lourd de la vie politique israélienne décide d’entrer en dissidence d’avec son parti. C’est Ariel Sharon. Il claque la porte du Likoud, le parti de droite qu’il avait lui-même créé il y a trente ans. L’«ex» du Likoud crée une nouvelle formation, Kadima, sans réel programme, sans logistique solide, mais avec une légitimité reposant sur les épaules de son fondateur. Cette aventure lancée par Ariel Sharon à 82 ans a visiblement séduit son vieil adversaire et néanmoins ami Shimon Peres. Les deux «ex» se sont officiellement rejoints ce mercredi, puisque Shimon Peres, après mûres réflexions, a décidé de «soutenir Ariel Sharon, qui est le seul à pouvoir mener une coalition pour la paix».

«Coalition pour la paix»

Co-lauréat du prix Nobel de la paix en 1994, Shimon Peres s’est forgé une image de «colombe», reconnu y compris au niveau international. Et c’est précisément cette réputation qui pourrait servir les intérêts d’Ariel Sharon et de son parti Kadima. Aucune promesse n’a été officiellement formulée pour convaincre la «colombe» de s’allier au général Sharon. Mais les médias israéliens évoquent la possibilité que Shimon Peres occupe un poste d’émissaire de la paix, en cas de victoire du parti Kadima aux prochaines législatives. Comme pour justifier sa démarche, l’ancien leader travailliste se dit «convaincu qu’(Ariel Sharon) est déterminé à poursuivre le processus de paix et à le démarrer immédiatement après les élections». En écho, Ariel Sharon répond qu’en matière de plan de paix israélo-palestinien, il a «l’intention de faire tous les efforts possibles pour parvenir à un arrangement politique».

Côté palestinien, on reste prudent. «Ce qui nous intéresse, explique le dirigeant Mahmoud Abbas, c’est de voir qui va représenter le peuple israélien et qui va négocier avec nous».

Qui Peres gagne

Prudence aussi de l’opinion publique israélienne vis-à-vis de cet axe Sharon – Peres. Dans un sondage publié ce jeudi dans le quotidien Haaretz, 30,5% des personnes interrogées estiment que le ralliement de Shimon Peres va aider Kadima. 15,5% des sondés pensent le contraire. Mais surtout, la moitié des personnes se disent sans opinion.

En tout cas, la décision de Shimon Peres de soutenir son ami Sharon constitue un ralliement de plus en faveur du parti Kadima. Ces derniers jours, deux ténors travaillistes avaient déjà franchi le pas : la député et ancienne ministre Dalia Yizhik et Haïm Ramon, lui aussi ancien ministre. Autre transfuge : Uriel Reichman, un des fondateurs du parti laïc Shinouï, qui pointe dorénavant dans les rangs de Kadima.

Toutes ces allers et venues politiciennes redessinent évidemment la carte politique israélienne, longtemps caractérisée par une rivalité Travaillistes à gauche – Likoud à droite. Emmené par son très populaire chef Sharon, le parti Kadima, au centre, fait figure de favori pour les prochaines élections. Tous les sondages lui prédisent d’ailleurs une large victoire. En matière de stratégie politique, Ariel Sharon espère bien que le soutien de Shimon Peres va lui permettre de gagner des voix parmi l’électorat de centre-gauche. Mais déjà, certains membres du nouveau parti tirent la sonnette d’alarme. Ainsi ce haut responsable, qui pense, sous couvert d’anonymat, que «des autostoppeurs se sont embarqués dans notre liste (…) Si trop de personnalités de gauche nous rejoignent, cela changera la nature du parti». Il faut dire que Kadima cherche aussi des soutiens du côté de l’électorat traditionnel du Likoud, plutôt à droite.

La question de l’identité anime aussi les discussions précisément au sein du parti Likoud. Plusieurs cadres du parti espèrent qu’avec le départ d’Ariel Sharon, le Likoud va se repositionner de manière plus claire, sur ses fondements de libéralisme économique et de nationalisme. Commentant le ralliement de Shimon Peres à Ariel Sharon, Benyamin Netanyahou estime que Kadima «va devenir une sorte de parti travailliste». Une manière de dissuader les électeurs du Likoud de céder aux sirènes d’Ariel Sharon. Les militants du Likoud doivent élire leur chef le 19 décembre prochain.


par Olivier  Péguy

Article publié le 01/12/2005 Dernière mise à jour le 01/12/2005 à 16:00 TU