Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Tchad – Soudan

« Etat de belligérance »

En mai dernier, N’Djamena avait officiellement accusé Khartoum d’armer plus de 3 000 rebelles tchadiens dans des camps d’entraînement au Darfour.(Carte : RFI)
En mai dernier, N’Djamena avait officiellement accusé Khartoum d’armer plus de 3 000 rebelles tchadiens dans des camps d’entraînement au Darfour.
(Carte : RFI)
Le ton monte entre N’Djamena et Khartoum. Le Tchad multiplie les déclarations fracassantes contre le Soudan qui nie toute tentative de déstabilisation du régime d’Idriss Deby, sans paraître convaincre N’Djamena qui prend à témoin la communauté internationale. Les autorités tchadiennes visent à internationaliser un conflit qui trouve son origine dans le passage à la rébellion d’anciens piliers du régime d’Idriss Deby.

De notre correspondante à N’Djamena

La tension monte chaque jour un peu plus sur la frontière entre le Tchad et le Soudan. N’Djamena se considère désormais en « état de belligérance » avec son voisin et prend à témoin la communauté internationale au moment où Khartoum s’apprête à prendre la présidence de l’Union africaine.

Jeudi dernier, Idriss Deby s’en prenait à son homologue soudanais Omar el-Béchir pour dénoncer une tentative de déstabilisation de son régime. Sur les lieux des derniers combats, à Adré (dans l’est du Tchad), le président tchadien s’est adressé à ses soldats mais aussi à la communauté internationale pour l’inviter à prendre clairement position. « Omar el-Béchir ne mérite pas d’assurer la présidence de l’Union africaine et encore moins d’accueillir le sommet de l’Organisation en 2006. Le Soudan ne doit pas exporter sa guerre du Darfour vers le Tchad », a-t-il asséné. Selon lui, derrière les rebelles tchadiens auxquels s’affronte l’armée de N’Djamena, se profile la main du Soudan. Vendredi, c’est le ministre tchadien de la Communication, porte-parole du gouvernement, Moussa Doumgor qui annonce que le Tchad est « en situation de belligérance » avec son voisin soudanais.

L’UA (Union africaine) a annoncé l’envoi d’une mission de bons offices dans les deux capitales dans le but de désamorcer la tension. La délégation de l’organisation panafricaine est dirigée par Baba Gana Kingibe, le représentant spécial de l’UA au Soudan. L’UA dispose d’un contingent de plusieurs centaines de soldats déployés au Soudan, dans le Darfour (région frontalière du Tchad) qui est en proie à une guerre civile depuis de longs mois.

Le ton monte chaque jour

Le ton monte d’un cran chaque jour depuis une semaine, c’est-à-dire depuis l’assaut lancé par le Rassemblement pour la démocratie et la justice dirigé par Mahamat Nour contre la ville tchadienne d’Adré. Cette offensive a opposé les rebelles et les forces loyalistes pendant toute une journée.

Le bilan officiel, sans cesse revu à la hausse par les autorités tchadiennes, et « exagéré » selon certains observateurs, fait état de plus d’une centaine de morts. A l’hopital d’Adré, il n’y avait qu’une trentaine de blessés au lendemain des événements.

De la part du Tchad, le ton est sciemment guerrier. Pour autant, la « belligérance » ne signifie pas, si l’on en croit le porte-parole du gouvernement, que le Tchad est prêt à attaquer le Soudan mais que l’armée se réserve le droit de poursuite au Darfour et, si besoin est, combattra les forces gouvernementales soudanaises.

L’ambassadeur du Soudan à N’Djamena a été convoqué au ministère tchadien des Affaires étrangères et un « aide-mémoire » lui a été remis détaillant toutes les agressions subies par le Tchad ces derniers temps. Pendant ce temps, à New York, le représentant du Tchad auprès de l’ONU a écrit une lettre au Conseil de sécurité pour exprimer la position du Tchad et demander à la communauté internationale de l’appuyer.

La France très attentive

La France qui dispose au Tchad de l’une de ses bases militaires en Afrique avec environ un millier d’hommes sur place est très attentive à l’évolution de la situation. Le chef d’état-major français s’est entretenu à N’Djamena avec Idriss Deby, vendredi. « La France condamne toute tentative de prise du pouvoir par les armes », a insisté le général Henri Bentegeat au micro des journalistes tchadiens qui l’attendaient à la sortie du Palais rose. Le patron de l’armée française s’est ensuite rendu à Abéché dans l’est du Tchad où le dispositif français a été renforcé au cours des derniers jours. Si le discours officiel de la France assure « les affaires internes du Tchad ne nous regardent pas », comme l’indique le ministère des Affaires étrangères, Paris surveille néanmoins de très près les soubresauts qui agitent le Tchad depuis le passage à la rébellion d’anciens piliers du régime d’Idriss Deby.

Alors que les Tchadiens s’agitent et multiplient les déclarations, à Khartoum le ton est celui de la dénégation. Nous ne nous impliquons pas dans les affaires intérieures du Tchad , ont déclaré en substance les autorités soudanaises. « Nous sommes très surpris par tout cela », assure le secrétaire d’Etat soudanais aux Affaires étrangères, « tous les canaux de communication sont ouverts entre nos deux pays », ajoute Al Samani Ouassilah.

De son côté, le ministre tchadien de la Communication s’est également adressé aux Tchadiens de l’intérieur : « l’opposition légale doit prendre clairement position. Les Tchadiens doivent se mobiliser derrière leurs troupes. Toute attitude contraire serait synonyme de trahison, de complicité avec l’ennemi », a-t-il déclaré au cours de sa conférence de presse. Mention spéciale a été faite aux journaux privés qui, selon lui, encouragent la propagande faite par « l’ennemi extérieur ».


par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 25/12/2005 Dernière mise à jour le 26/12/2005 à 12:04 TU