Tchad
Les députés adoptent la révision de la loi sur le pétrole
(Photo: Esso)
De notre correspondante à N’Djamena
Cent dix-neuf voix pour, treize contre et une abstention. Les députés ont largement adopté la modification de la loi jeudi. «Un vote marchandage», dénoncent en substance certains députés dont Ngarledji Yorongar, du parti fédéraliste Far, qui a boycotté la séance. D’autres, qui s’opposaient a cette loi, ont longuement développé leurs arguments durant la séance.
Parmi les principales modifications de la loi, celle qui déclenché le plus de polémiques est sans nul doute la suppression de l’épargne pour les «générations futures», soit 10% des revenus pétroliers, équivalant à 20 milliards de francs CFA. La part qui revient au Trésor est doublée, et la notion de «secteurs prioritaires» est élargie: à l’éducation, la santé, le développement rural, les infrastructures, l’énergie, on rajoute la sécurité publique et l’administration.
La plupart des ONG internationales et tchadiennes s’est élevée contre cette décision, dénonçant la mauvaise gouvernance et l’instrumentalisation des mouvements sociaux par le pouvoir pour mieux supprimer un garde-fou trop étouffant. Des organisations américaines ont même pris à parti la Banque mondiale, lui enjoignant de s’exprimer clairement sur la question. Celle-ci a fini par rompre le silence en publiant plusieurs communiques exprimant ses «réserves» face aux intentions du gouvernement tchadien.
Souveraineté nationale
A ces critiques en provenance de toutes parts, le président Idriss Deby a répondu à l’occasion de plusieurs discours, avançant l’argument de la souveraineté nationale. «Le Tchad est jaloux de sa souveraineté», a-t-il martelé a maintes reprises. Lors d’une interview sur
Le ministre du Pétrole, Mahamat Nasser Hassan, préfère quant a lui mettre en exergue les aménagements dont on parle moins : le fait que la loi soit désormais valable pour tous les champs pétroliers; il a d’ailleurs annoncé l’exploitation d’un nouveau champ cette semaine; et que les compétences du collège de surveillance soient du coup élargies à ces nouveaux champs. Toutefois, au delà de ces polémiques, beaucoup s’interrogent sur les intentions réelles du gouvernement tchadien. «En cette période de crise, au sein de l’armée et face à la création de multiples mouvements rebelles, il est bon d’avoir de l’argent frais pour apaiser les mécontentements», analyse un militant des droits de l’homme. «Cette décision aura en tout cas des conséquences sur les relations avec les institutions internationales», s’inquiète un opposant.
Vendredi soir, le gouvernement tchadien réaffirmait son engagement à gérer «dans la transparence les revenus du pétrole» et déclarait refuser que «les Tchadiens deviennent pour la Banque (mondiale) des cobayes pour l'expérimentation d'un type de gestion».
par Stéphanie Braquehais
Article publié le 30/12/2005 Dernière mise à jour le 30/12/2005 à 18:32 TU