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Tchad

Les députés adoptent la révision de la loi sur le pétrole

Vue, à Komé, du «point zéro» de l'oléoduc Tchad-Cameroun, qui a été inauguré en 2003.(Photo: Esso)
Vue, à Komé, du «point zéro» de l'oléoduc Tchad-Cameroun, qui a été inauguré en 2003.
(Photo: Esso)
L’Assemblée nationale a voté à une majorité écrasante la modification de la loi 001, cette loi portant gestion des revenus pétroliers dont le modèle a été tant vanté par la Banque mondiale. C’est un modèle unique en son genre qui vient de disparaître. Le gouvernement tchadien arguant des tensions de trésorerie récurrentes et de la souveraineté du pays a décidé notamment de supprimer les 10% consacrés aux générations futures et d’augmenter la part revenant au Trésor.

De notre correspondante à N’Djamena

Cent dix-neuf voix pour, treize contre et une abstention. Les députés ont largement adopté la modification de la loi jeudi. «Un vote marchandage», dénoncent en substance certains députés dont Ngarledji Yorongar, du parti fédéraliste Far, qui a boycotté la séance. D’autres, qui s’opposaient a cette loi, ont longuement développé leurs arguments durant la séance.

Parmi les principales modifications de la loi, celle qui déclenché le plus de polémiques est sans nul doute la suppression de l’épargne pour les «générations futures», soit 10% des revenus pétroliers, équivalant à 20 milliards de francs CFA. La part qui revient au Trésor est doublée, et la notion de «secteurs prioritaires» est élargie: à l’éducation, la santé, le développement rural, les infrastructures, l’énergie, on rajoute la sécurité publique et l’administration.

La plupart des ONG internationales et tchadiennes s’est élevée contre cette décision, dénonçant la mauvaise gouvernance et l’instrumentalisation des mouvements sociaux par le pouvoir pour mieux supprimer un garde-fou trop étouffant. Des organisations américaines ont même pris à parti la Banque mondiale, lui enjoignant de s’exprimer clairement sur la question. Celle-ci a fini par rompre le silence en publiant plusieurs communiques exprimant ses «réserves» face aux intentions du gouvernement tchadien.

Souveraineté nationale

A ces critiques en provenance de toutes parts, le président Idriss Deby a répondu à l’occasion de plusieurs discours, avançant l’argument de la souveraineté nationale. «Le Tchad est jaloux de sa souveraineté», a-t-il martelé a maintes reprises. Lors d’une interview sur RFI, il avait même déclaré, en substance, que le Tchad était libre de disposer de l’argent de son pétrole comme il l’entendait y compris si cela concernait l’achat d’armes pour défendre l’intégrité de son territoire. Le ton, assez virulent envers les institutions internationales, se retrouve dans certains propos du Premier ministre, Pascal Yoadimnadji : «On finit par se demander si les représentants de la Banque mondiale, les consultants que l’on a reçu dans les missions, ont réellement rendu compte à leur hiérarchie aux Etats-Unis de notre désir de réviser la loi. Cela fait huit mois que nous en parlons sans qu’ils ne réagissent !», avait-il confié, il y a quelques semaines.

Le ministre du Pétrole, Mahamat Nasser Hassan, préfère quant a lui mettre en exergue les aménagements dont on parle moins : le fait que la loi soit désormais valable pour tous les champs pétroliers; il a d’ailleurs annoncé l’exploitation d’un nouveau champ cette semaine; et que les compétences du collège de surveillance soient du coup élargies à ces nouveaux champs. Toutefois, au delà de ces polémiques, beaucoup s’interrogent sur les intentions réelles du gouvernement tchadien. «En cette période de crise, au sein de l’armée et face à la création de multiples mouvements rebelles, il est bon d’avoir de l’argent frais pour apaiser les mécontentements», analyse un militant des droits de l’homme. «Cette décision aura en tout cas des conséquences sur les relations avec les institutions internationales», s’inquiète un opposant.

Vendredi soir, le gouvernement tchadien réaffirmait son engagement à gérer «dans la transparence les revenus du pétrole» et déclarait refuser que «les Tchadiens deviennent pour la Banque (mondiale) des cobayes pour l'expérimentation d'un type de gestion».


par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 30/12/2005 Dernière mise à jour le 30/12/2005 à 18:32 TU