Tchad-Soudan

N’Djamena en campagne contre Khartoum

Idriss Deby, le président tchadien s'est dit « satisfait » de sa rencontre avec son homologue nigérian Obasanjo.
(Photo: AFP)

Dans quelques jours, le nouveau président en exercice de l’Union africaine sera désigné et Idriss Deby multiplie les entrevues avec ses pairs pour empêcher la nomination d’Omar el Bechir. Auprès du Centrafricain François Bozizé et du Nigérian Olesegun Obasanjo, le président tchadien n’a pas ménagé ses efforts pour convaincre l’opinion internationale que son pays est victime d’une agression extérieure, et non pas d’une rébellion interne. Cependant une campagne contre Khartoum n’est pas sans risque pour un régime qui a conquis le pouvoir à partir de la province soudanaise du Darfour.

De notre correspondante à N’Djamena

C’est un rapport relié d’une dizaine de pages agrémenté de six photos. On y voit Mahamat Nour, le rebelle tchadien du Rassemblement pour la démocratie et la liberté (RDL) en compagnie du président soudanais Omar el Bechir, ainsi que des soldats en rang dans une zone semi désertique, semblable au Darfour. La photo est ainsi légendée : « Camp d’entraînement de rebelles tchadiens ». Ce rapport, daté du 26 décembre 2005, intitulé « Mémorandum sur les menées subversives du Soudan contre le Tchad », a été remis à plusieurs chefs d’Etat : Blaise Compaoré du Burkina, François Bozizé de Centrafrique et Olesegun Obasanjo du Nigeria. Après s’être entretenu avec son homologue centrafricain, venu à N’Djamena pour une journée, Idriss Deby s’est envolé mardi pour Lagos qu’il a quitté « satisfait » de sa discussion avec le président en exercice de l’Union africaine.

Mise en place d’une enquête de l’Union africaine pour déterminer les responsabilités du Soudan, tenue d’une réunion extraordinaire de chefs d’Etat de la CEMAC (communauté des Etats d’Afrique centrale), et mise en marche des mécanismes de la Censad (Communauté des Etats sahélo-sahariens) : tous les moyens sont déployés par le Tchad pour mettre en cause Khartoum et empêcher Omar el Bechir de prendre la présidence de l’Union africaine en 2006. Idriss Deby a même déclaré à Lagos qu’il était favorable à une prolongation du mandat d’Olesegun Obasanjo et que le Tchad ne se rendrait pas dans la capitale soudanaise.

« L’invocation de l’ennemi extérieur »

Une campagne diplomatique qui fait feu de tout bois et qui mise sur toutes les structures possibles. Faire vibrer la corde libyenne, agiter le « syndicat des présidents d’Afrique centrale », en appeler à l’arbitrage panafricain : tout est mis en œuvre pour parvenir à isoler le Soudan. Une démarche que les Etats-Unis ne peuvent qu’apprécier, puisqu’ils mènent parallèlement leur propre campagne, côté occidental, pour arracher la nomination d’un autre chef d’Etat africain. Il n’en est pas de même en revanche pour l’allié français. « Paris est sûrement embarrassé », déclarent certains observateurs selon qui la France, soutenant le régime d’Idriss Deby, refuse de renoncer à ses intérêts économiques, et plus précisément pétroliers, au Soudan.

De surcroît, cette énergie déployée par Idriss Deby n’est pas sans risques, selon plusieurs sources à Addis Abeba et N’Djamena. Obtenir la condamnation du Soudan, c’est se mettre définitivement a dos un voisin aussi encombrant qu’incontournable. « Le président lui-même est parti du Darfour pour prendre le pouvoir en 1990. Il craint que les nouveaux mouvements rebelles ne réussissent à ce que l’histoire se répète », estime un diplomate. Accuser le Soudan est un moyen de détourner l’attention de la communauté internationale, avancent d’autres. « L’invocation de l’ennemi extérieur et la tonalite de certains discours rappellent les tristes régimes dictatoriaux que les Tchadiens ne voudraient plus voir restaurés », lit-on dans un communiqué de la Coordination des partis politiques pour la défense de la constitution (CPDC).

par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 28/12/2005 Dernière mise à jour le 28/12/2005 à 17:37 TU