Chine
Assaut de transparence à Pékin
(Photo: AFP)
Le gouvernement dévoile en rafale les méfaits du développement chinois. Après la succession quasiment ininterrompue, l’an passé, des accidents miniers, des catastrophes écologiques et des émeutes sociales, les autorités ont décidé de réagir. Et de montrer qu’elles prennent en compte la réalité du pays.
De notre correspondant à Pékin
Annoncer les bonnes nouvelles, taire les mauvaises. Voilà d’habitude la maxime officielle à Pékin. Mais depuis Noël, le pouvoir a changé de ton. Des chiffres terrifiants sur les effets désastreux de la croissance chinoise tombent les uns après les autres.
Première annonce choc le 28 décembre : la pollution des eaux souterraines dans 90 % des villes. « Cette contamination aux polluants inorganiques et minéraux augmente chaque jour », avertit Zhang Lijun, le vice-directeur du Bureau d’Etat pour la protection de l’environnement. Principaux accusés : les déchets industriels déversés dans les rivières, qui viennent souiller les nappes phréatiques. Alarmiste, le vice-directeur rappelle le contexte : « Les eaux souterraines fournissent 70 % de l’eau potable dans le pays, et représentent 40 % de l’eau utilisée pour l’irrigation dans les campagnes. »Cette situation, Pékin la connaît depuis longtemps. Mais l’enchaînement des événements, fin novembre, a tout bousculé. En quinze jours à peine, l’explosion d’une usine a provoqué une marée de benzène jusqu’en Russie, et une autre usine a déversé une quantité mortelle de cadmium dans un fleuve du Guangdong. Les images ont fait le tour du monde. D’où cet assaut de propagande écologique, nécessaire pour être en phase avec la colère des millions de citadins, privés d’eau potable, parfois plus d’une semaine.
La sécurité sur le lieu de travail sur le devant de la scène
Après l’écologie, le social. Le 29 décembre, une étude du Parlement révèle que 80 % des entreprises privées ne signent aucun contrat à leurs employés. « Ces violations touchent en particulier les secteurs de l’immobilier, de l’industrie légère, de la confection et de la restauration », explique He Luli, vice-présidente du Comité permanent de l’Assemblée nationale Populaire. Ce n’est pas tout. Parmi les 20 % de sociétés qui respectent la loi, les contrats signés n’excèdent pas une année. Et l’employeur refuse systématiquement d’assumer la couverture des risques du travail.
La sécurité sur le lieu de travail, autre actualité brûlante pour les autorités. Fin 2005, plus de 500 personnes ont péri dans deux coups de grisou et une inondation de mine, en moins d’un mois et demi ! Selon le Bureau d’Etat pour la sécurité au travail, 5 986 mineurs ont été tués l’an passé. Certains experts indépendants parlent de plus de 20 000 morts.
Pris à la gorge, le gouvernement a décidé de fermer 2 400 mines de charbon, en ce début d’année. Dans le collimateur, les petites mines privées. Certainement pas les sites contrôlés par l’Etat. La Chine est le plus gros producteur de charbon au monde. Et le charbon représente les deux tiers de sa production énergétique.
Hu Jintao en chevalier blanc contre les corrompus
Pour être complet, il fallait s’attaquer à la racine du mal : la corruption. Les patrons des petites mines cèdent des actions aux autorités locales, pour qu’elles ferment les yeux sur les normes de sécurité. En faisant fi des conséquences. Exemple dans la province du Shaanxi, au nord du pays : en novembre dernier, une explosion de gaz dans une mine fait 166 victimes. Le patron avait refusé d’évacuer ses employés, alors qu’il savait que la densité de gaz dans le puits avait dépassé le seuil critique…
Le 27 décembre, le gouvernement prend des mesures. Plus de 222 responsables sont sanctionnés. Sous les projecteurs, l’ancien vice gouverneur du Shaanxi et l’actuel vice gouverneur du Guangdong. Tous deux avaient laissé fonctionner des mines dépossédées de leur licence de sécurité. Et qui ont été le théâtre d’accidents graves ces derniers mois.
Peut-on parler de transparence démocratique après cette rafale d’annonces et de mesures ? C’est en tout cas la volonté du président Hu Jintao. L’an passé, les 74 000 émeutes sociales ont fortement terni l’image du Parti communiste. En héraut de la « société harmonieuse », le numéro 1 chinois peaufine son image. Il comprend les souffrances du peuple. Il est prêt à punir l’élite locale qui s’enrichit sur son dos. Il sera donc le chevalier blanc des déshérités de la croissance chinoise.
par Joris Zylberman
Article publié le 08/01/2006 Dernière mise à jour le 08/01/2006 à 15:57 TU