Iran
Nucléaire : le temps des menaces
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Téhéran
« En cas d'envoi de notre dossier (nucléaire) au Conseil de sécurité, les pays européens perdront les moyens dont ils disposent actuellement, car le gouvernement sera obligé, conformément à la loi, de cesser toutes les mesures volontaires de coopération » avec l'AIEA, a déclaré le chef de la diplomatie Manouchehr Mottaki.
Le chef de la diplomatie iranienne faisait allusion à une loi votée en décembre par le parlement selon laquelle l'Iran pourrait reprendre l'enrichissement d'uranium, suspendu fin 2003, et se soustraire à un régime renforcé de contrôle de ses activités nucléaires, prévue par le protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP) que l’Iran a signé en novembre 2003, mais pas encore ratifié, si son dossier nucléaire était envoyé « pour saisie ou information au Conseil de sécurité de l'Onu ». Le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad a promulgué cette loi et a intimé l'ordre à l'Organisation iranienne de l'énergie atomique d'être prête à l'appliquer.
La déclaration du ministre iranien intervient au lendemain de la réunion de la troïka européenne UE3 (Allemagne, France, Grande-Bretagne) qui a jugé jeudi que le temps était venu « pour que le Conseil de sécurité soit impliqué, afin de renforcer l'autorité des résolutions de l'AIEA », dans une déclaration commune à Berlin. La position européenne est soutenue par les Etats-Unis, le Canada et le Japon. Même la Russie, principal allié de l’Iran, a reconnu que l’insistance de l’Iran à faire de l’enrichissement laissait planer des « soupçons que le programme nucléaire iranien pourrait avoir un aspect militaire caché ». Moscou a appelé l’Iran à revenir sur sa décision de reprendre ses « recherches sur l'enrichissement d'uranium » et a déclaré qu’il étudiait la possibilité d'un transfert du dossier devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité vont se retrouver lundi à Londres pour tenter d’adopter une position commune.
Tout en menaçant de rompre leur coopération, les responsables iraniens ont gardé la porte ouverte aux négociations mais à leurs propres conditions, qui pourraient difficilement être admises par les Occidentaux. « L’Iran est toujours intéressé par une négociation sérieuse et constructive mais dans le cadre d'un calendrier », a déclaré Ali Larijani, principal dirigeant iranien en charge du nucléaire au secrétaire général de l'Onu Kofi Annan lors d’un entretien téléphonique. « Nous espérons toujours que les négociations permettrons de faire des progrès (mais) si les Européens veulent appliquer leurs menaces, cela poussera l'Iran a durcir sa position », a déclaré de son côté Javad Vaïdi, chef de l'équipe de négociateurs iraniens.
« Retenue, patience, sagesse »
Le chef de la diplomatie iranienne a demandé aux Européens de « faire preuve de retenue, de patience et de sagesse ». « Nous conseillons aux Européens de séparer la question de la recherche de celle de la production du combustible nucléaire et de ne pas faire de la propagande à propos des activités de recherches nucléaires qui avaient été suspendues injustement », a-t-il ajouté. « S'ils veulent parler de la production du combustible nucléaire, nous sommes prêts à poursuivre nos négociations avec la troïka européenne (...) En cas de rupture (par les Européens) l'Iran agira uniquement en contact avec l'AIEA pour garantir son droit légal et naturel », a déclaré M. Mottaki.
Les pays occidentaux soupçonnent l’Iran de vouloir utiliser son programme nucléaire pacifique pour la construction de l’arme atomique. En effet, l’enrichissement d’uranium sert à fabriquer du combustible pour les centrales nucléaires civiles mais peut également être utilisé pour la construction de l’arme atomique. Mais c’est la première fois que la Russie se joint aux Occidentaux pour exprimer des doutes sur le programme iranien. « Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de facteurs tels que le manque de logique économique (d'un enrichissement sur le territoire iranien), l'absence d'une véritable nécessité pratique, autant de questions qui font encore subsister le soupçon que ce programme pourrait avoir un aspect militaire caché », a déclaré pour la première fois le chef de la diplomatie russe Sergueï. Jusqu'à présent, la Russie avait toujours dit qu'il n'y avait aucun élément solide permettant de soupçonner l'Iran de vouloir se doter de l'arme atomique.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 13/01/2006 Dernière mise à jour le 13/01/2006 à 15:51 TU