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Cameroun

Controverse sur une liste d'homosexuels

Au Cameroun, Yaoundé vit au rythme des publications de la presse locale qui établit des listes d'homosexuels présumés.(Photo : RFI)
Au Cameroun, Yaoundé vit au rythme des publications de la presse locale qui établit des listes d'homosexuels présumés.
(Photo : RFI)
Des périodiques livrent en pâture, depuis quelques semaines, des noms d’homosexuels présumés du pays, pour la plupart des personnalités politiques ou médiatiques. Les listes qui sont publiées sont sans cesse réajustées, sans que les journaux qui traitent du sujet s’appuient sur des faits précis. Ce qui n’est pas pour décourager les lecteurs enthousiastes dans un contexte d’expectative d’un remaniement ministériel, espéré par certains et redouté par d’autres.

De notre correspondant à Yaoundé

Un jeune homme s’active derrière une photocopieuse, serein et jovial. Et l’appareil crache sans interruption des pages du journal L’Anecdote. « C’est un journal qui est très demandé », lance une dame, plus que quinquagénaire, responsable de l’établissement situé au centre-ville de Yaoundé, où l’on  vend aussi bien des boissons gazeuses, des recharges de cartes téléphoniques que des journaux. Très demandé, au point que les commerçants au flair exercé se prémunissent des pénuries déjà certaines à leurs yeux en multipliant les photocopies proposées aux lecteurs. L’exemplaire de cet « hebdomadaire d’enquêtes et d’informations » est habituellement vendu au prix de 300 Fcfa. L’édition de ce mardi 31 janvier dévoile en une « la suite de la liste des homosexuels ». Elle se vend 500 Fcfa. Le même prix que sa version photocopiée.

Ce même jour, Jean-Pierre Amougou  Belinga, le directeur de publication donne une conférence de presse annoncée à grands renforts de publicité. Le rendez-vous est assez couru. Et les révélations attendues plutôt maigres. Si l’on excepte une série d’affirmations vagues. « Nous avons les preuves de ce que nous avons écrit », lance le conférencier.  Et d’ajouter, en guise de « preuve » : « des épouses de ces gens nous ont contactés. Ce n’est pas encore le moment d’aller plus loin. C’est aussi une question de stratégie». Dans l’édition du jour, qui reprend pour la compléter une liste parue dans le précédent numéro, se côtoient des « lettres d’encouragement » attribuées à des lecteurs visiblement peu soucieux de s’étendre sur leurs adresses, et deux « droits de réponse », en forme de démentis. Parmi les personnes qui disent avoir été injustement mises en cause : Grégoire Owona, ministre délégué à la présidence de la République, secrétaire général-adjoint du Comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), et Rosine Ebessa, animatrice de radio et musicienne.

Trois semaines que les grandes villes vivent au rythme des « révélations » sur l’homosexualité. Trois supports, à la périodicité souvent aléatoire servent, à longueur de colonnes, des « listes des homosexuels » du pays. Au départ, c’était La Météo, titrant : « Homosexualité au sommet de l’Etat ». Puis, ce fut au tour de Nouvelle Afrique, de publier « la liste des pédés ». Enfin, l’Anecdote annonçait rien moins que le « top 50 des homosexuels présumés du Cameroun », avant de récidiver. Des noms : depuis les grands commis de l’Etat jusqu’aux musiciens, en passant par des cadres d’entreprise. Des morts aussi. Juste des listes. Pas de faits établis. Au mieux des reprises d’articles sur la franc-maçonnerie en guise d’« investigations ». Un succès populaire, autant qu’une supercherie professionnelle, selon des observateurs.

L’impérieuse nécessité du professionnalisme

Significative : l’attitude des trois principaux quotidiens privés, qui n’en ont pas fait leur choix. Deux d’entre eux ont condamné le non-respect de l’éthique et de la déontologie professionnelle, parlant du « retour des inquisiteurs » (La Nouvelle Expression). Le ministre de la Communication, le Pr. Pierre Moukoko Mbonjo, qui n’a pas lui-même pas été épargné par deux des titres qui ont traité le sujet, est monté au créneau, rappelant l’impérieuse nécessité du professionnalisme des journalistes et annonçant des plaintes en cascade, à l’occasion de la cérémonie de présentation de vœux. Le dynamisme de quelques titres sur ce sujet, riche de leurs accusations non étayées, a même pu être interprété comme une des modalités des règlements de comptes auxquels se livrent des gros bonnets du régime, dans une ambiance faite d’attente d’un éventuel remaniement ministériel qui, comme toujours, prend des allures d’un serpent de mer.

C’est pourtant depuis le 25 décembre que le sujet est pratiquement sur toutes les lèvres dans les grandes villes, et même dans l’arrière-pays. Ce jour-là, Mgr Victor Tonyè Bakot sortait d’une certaine réserve. S’adressant aux « ministres, honorables députés, parents, enfants, confrères dans le sacerdoce, fidèles du Christ et bien-aimés de Dieu », en la cathédrale Notre-dame des Victoires de Yaoundé, l’Archevêque abordait la question en des termes graves, « dans un contexte social caractérisé par l’effondrement des grandes valeurs morales et familiales ». « Au nom d’un emploi à octroyer, au nom d’une prétendue promotion, au nom d’une entrée dans une grande école, on veut imposer l’homosexualité aux jeunes gens comme itinéraire de réussite, ou comme condition d’admission à certains examens et concours. Et dans certains établissements scolaires, des cours sont donnés aux enfants pour qu’ils admettent et tolèrent l’homosexualité », avait fait observer le prélat. L’homélie fut d’abord distribuée, avant de s’arracher sous la forme d’une brochure vendue 200 Fcfa. Sans doute une tendance lourde de ces derniers mois dans le pays.


par Valentin  Zinga

Article publié le 01/02/2006 Dernière mise à jour le 01/02/2006 à 18:24 TU

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