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Inde

L’industrie maritime du Gujarat en attente du «Clemenceau»

Vue des chantiers navals de la baie d'Alang en Inde.(Photo : AFP)
Vue des chantiers navals de la baie d'Alang en Inde.
(Photo : AFP)
Lundi, la Cour Suprême indienne doit mettre fin à la polémique du Clemenceau, en donnant son avis définitif sur la destruction et le désamiantage final du porte-avions par le chantier Shree Ram Scrap Vessel d’Alang, situé dans l’état du Gujarat, à l’ouest de l’Inde. C’est peut-être la fin d’un feuilleton fleuve, commencé fin décembre lorsque le bateau a quitté les eaux françaises de Toulon, qui devait ainsi s’achever : propulsé à pleines turbines, à marée haute sur la plage étroite d’Alang, le majestueux devait se briser le nez au pied des grues du chantier. Quel que soit l’épilogue, c’est toute une industrie maritime affaiblie, qui compte bien sur l’arrivée du Clemenceau - l’équivalent de dix embarcations à Alang - pour tenter de se sortir de la crise.

De notre correspondante à New Delhi

Sur la route qui mène de Bhavnagar, ville portuaire située à une soixantaine de kilomètres du chantier d’Alang, les affiches fleurissent, « Green Peace Go Back », accrochées au cou des poteaux électriques, aux couleurs du Bharatiya Janata Party, le parti nationaliste hindou au pouvoir dans la région. La tension est perceptible, les dirigeants du parti d’extrême droite, le Shiv Sena ont même menacé d’avoir recours à la violence si le <em>Clemenceau</em> n’arrivait pas à Alang et c’est avec de fortes protestations contre l’association Green Peace qu’ils ont accueilli mercredi dernier, Dominique Girard, ambassadeur de France à New Delhi, venu vérifier les conditions de sécurité des travailleurs sur le chantier.

Si les 160 unités d’Alang, étendues sur dix kilomètres de côte, démantelaient entre 200 et 300 bateaux en 2002, aujourd’hui, elles font triste mine. Seuls quinze à vingt bâtiments subiraient en ce moment un sort funeste. Parmi les explications de cette industrie en déclin : le fort lobbyisme des associations de lutte pour la protection des ouvriers en Inde et la concurrence du Bangladesh et de la Chine, des pays en forte demande d’acier et où « les règles sont moins strictes et permettent à ces pays qui n’ont pas de structures, ni de protection des travailleurs, d’obtenir des bateaux à pas cher » se plaint Girish Luthra, directeur de l’entreprise Gujarat Enviro Protection & Infrastructure Ltd., censée gérer l’extraction et l’enfouissement des matériaux amiantés du porte-avions, estimés à 40 tonnes par le ministère français de la Défense, à 1000 selon les associations anti-amiante. Le port de Chittagong au Bangladesh se serait emparé de plus de 50 % de la flotte naviguant vers l’Asie. Selon les spécialistes du démantèlement, Chittagong accueillerait les prestigieux vaisseaux et navires de croisières, reléguant ainsi Alang au second rang des cimetières marins.

L’industrie maritime s’enfonce dans la crise

A Alang, l’industrie maritime s’enfonce dans la crise et par la même occasion a des conséquences désastreuses sur les usines parallèles, qui recyclent l’acier. « Il y a deux ans, l’industrie d’Alang, où arrivent la quasi-totalité des bateaux en Inde, produisait 20 000 tonnes d’acier recyclables par jour, maintenant, elle plafonne à 400 tonnes. Or, comme le Gujarat recycle 50% de la production totale indienne, cela fait alors monter les prix de l’acier brut » souligne Girish Luthra. Sur les chantiers voisins, on a beau tendre l’oreille pour détecter un bruit de moteur ou de scie, c’est le silence. Même calme sur le marché de récupération du contenu des cabines de bateaux, qui s’étend sur près de cinq kilomètres dans une rue perpendiculaire aux ateliers. L’arrivée de portes, cabinets, lampes, gilets de sauvetages ou de lunettes s’appauvrit et les invendus prennent à la longue le soleil du Gujarat. Quand à l’armada des 20 000 ouvriers qui suaient et pataugeaient au milieu des câbles à la grande époque, elle a aussi fondu. Les employés ne seraient plus que 4000. Mais cela, impossible de vérifier puisque depuis le début de la polémique, les conditions d’accès aux chantiers sont extrêmement restreintes et surveillées, tout comme les photographies, officiellement, pour des « raisons de sécurité ».


par Marie  Perruchet

Article publié le 12/02/2006 Dernière mise à jour le 12/02/2006 à 10:30 TU