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Chronique armée-défense

Navires de guerre à la casse

Philippe Leymarie 

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Philippe Leymarie
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La marine nationale française croyait en avoir fini avec le vieux porte-avions Clémenceau, désarmé depuis plusieurs années, et cédé à un chantier de casse espagnol. Depuis, c'est à nouveau la galère pour la «Royale». Et le piteux retour du navire à son ex-port d'attache, Toulon.

Il a fallu en effet reprendre la barre de cette immense coque vide, à l'issue d'un mois de croisière mouvementée pour l’ex-porte-avions de 265 mètres de long, qui a été le fleuron de la marine nationale française, en son temps - avec son sister-ship, le Foch, revendu depuis à la marine brésilienne - mais qui, depuis quelques semaines, fait des «ronds dans l'eau», à 2 ou 3 noeuds à l'heure, au bout des câbles de remorques.

Le «Clém», mis à flot au début des années 60, jaugeait 30.000 tonneaux : il avait fait l'équivalent de 48 fois le tour du globe. Il avait mené des opérations au large de la Yougoslavie, en océan Indien, dans le Golfe : 40 000 marins s'étaient succédés sur ce navire, sous les ordres de 27 commandants.

Aujourd'hui, c’est une carcasse de 24 000 tonnes de ferraille, qu'il avait d'abord été question d'immerger au large de Marseille, pour en faire un récif artificiel, ou d'amarrer près d'un chantier naval, comme musée flottant, ou encore comme centre de conférences, ou comme complexe de loisirs ; mais finalement vendue au poids, cette carcasse est promise à un démantèlement après désamiantage, par contrat passé avec un chantier naval espagnol.

Mais depuis, la mi-octobre - la sortie du port de Toulon - rien que des problèmes ! C'est une société italienne qui, en sous-mains, est chargée par l'entreprise espagnole de remorquer le navire vers la Turquie, où la législation sur l'amiante est plus souple. Contrat résilié, du coup, par la marine française, restée propriétaire, et qui s'estime trompée. L'entreprise italienne prend peur, et abrite le navire. Dans les eaux territoriales de la péninsule, menaçant même de le faire saisir ! Paris, entre-temps, conclut un nouveau le marché avec un chantier de Hambourg, en Allemagne, qui essuie un refus des autorités grecques d'accueillir le navire au port du Pirée.

Et donc, «par mesure conservatoire» - comme dit le ministère français de la Défense - après ce périple un peu ubuesque en Méditerranée, le retour du «Clém» à Toulon, ces jours-ci, en attendant de pouvoir procéder, sur les côtes françaises ou ailleurs, à son indispensable décontamination.

Le problème du désamiantage et du démantèlement de ces anciens navires se pose pour toutes les grandes marines du monde. Ces jours-ci, du côté de Hartlepool, on n'a pas voulu non plus des deux pétroliers-poubelles américains, avant-garde d'une quinzaine de ravitailleurs réformés par l'US Navy, qui devaient être démontés par ce chantier au nord-est de la Grande Bretagne. Deux d'entre eux ont été empêchés également par les Portugais de faire escale aux Açores .

Petit clin d'oeil de l'actualité : au moment la France a tant de mal à solder son vieux «Clém», elle est embarquée dans des opérations de démantèlement des sous-marins nucléaires russes, abandonnés dans la région de Vladivostok - une des inquiétudes écologiques majeures de ces dernières années, depuis la désintégration de l'Union soviétique. Et il y a du boulot : sécurisation des sources radioactives ; reconditionnement des combustibles ; incinérateur de déchets issus de bâtiments hors d'usage. A côté de quoi le travail sur le «Clém» pourra paraître bien modeste !

par Philippe  Leymarie

[16/11/2003]

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