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Les étudiants à l´école de l´Amazonie

Comme en 1967, «année zéro» du projet Rondo au Brésil, les militaires gèrent la logistique.(Photo A. Gasnier / RFI)
Comme en 1967, «année zéro» du projet Rondo au Brésil, les militaires gèrent la logistique.
(Photo A. Gasnier / RFI)
Sept cents étudiants, sous la houlette de professeurs d’université, ont participé au cours du mois de février à des actions de développement dans les régions déshéritées de l’Amazonie, dans le cadre du «projet Rondon». Cette initiative a pour objectif de monter des projets économique, sanitaire ou d’éducation visant à mieux intégrer les parties les plus lointaines du territoire brésilien à la communauté nationale. L’origine et les premières actions de ce projet remontent à 1967. Entre 1967 et 1975, quelque 350 000 étudiants avaient pris part aux différentes campagnes «Rondon». Le projet a été réactualisé sous l’impulsion de l’Union nationale des étudiants brésiliens, après l’élection du président Lula.

De notre envoyée spéciale en Amazonie

Manaquiri est difficile à localiser sur une carte, même du Brésil. Pourtant, 25 000 personnes vivent dans cette bourgade des bords du Manaquiri, un affluent de l´Amazone, à 80 km de Manaus par bateau et 150 km par la route récemment goudronnée. Ses habitants vivent de la pêche et d´une agriculture familiale. La plupart sont originaires du nordeste brésilien, l´aire la plus pauvre du pays. Les caboclos, venus chercher fortune en forêt, se sont souvent mélangés avec des indiens, en ayant certains traits : une peau cuivrée et des cheveux noirs. Et les seize étudiants venus passer deux semaines au village sont facilement reconnaissables. En plus de leurs T-Shirt beiges, ils sont plutôt blonds aux yeux clairs, héritage de la colonisation européenne du sud du Brésil où ils résident et étudient.

En fin de cycle universitaire, ils sont tous volontaires pour apporter, dans le cadre du projet socio-éducatif Rondon, un savoir nouveau à la communauté riveraine, où l´école s´arrête au primaire. La région amazonienne manque cruellement d´éducation et de diplômés. «Nous avons deux grands problèmes, résume le maire Jair Souto. C’est une population distante de la connaissance la plus élémentaire, et une ville sans infrastructure». Au niveau de l´hygiène, les carences sautent au yeux : un peu partout, dans les rues, sur la place principale et aux abords des maisons en bois, les ordures heurtent la vue. Plastique, verre, déchets hospitaliers, tout se mélange et contamine l´eau qui n´est pas traitée. Comme dans les autres villages, les vautours noirs, les urubus, sont omniprésents.

Les étudiants évaluent le problème en rendant visite aux habitants : «les eaux usées coulent derrière la maison vers l´igarape (petit bras du fleuve) en traversant le jardin semé de détritus, constate le futur professeur d´éducation physique, Peterson Roïk. Et l´eau utilisée à l´intérieur provient du même igarape !». La professeur qui les accompagne, Roseane Moraes, les aide à établir un programme d´assainissement minimum, qui sera proposé à la communauté. Ils suggèrent d´utiliser les déchets organiques sous forme de composte pour les plants de manioc. «Nous savons que ces rondonistas vont améliorer notre quotidien», affirme José Leite, qui a ouvert grand sa porte aux jeunes universitaires. Si, en ville, les déchets à recycler se tranforment en revenus, sur les bords du fleuve, on ne ramasse rien : qui achètera du papier ou des canettes en aluminum si loin des sites de retraitement ? Et puis, la pollution peut être fatale à la pisciculture. En dehors du village, au milieu d´une végétation exhubérante, Rossi Teixeira élève des milliers de poissons amazoniens, tambaqui, pirarucu et tucunaré, dont les étudiants se délectent à Manaquiri.

«Aujourd´hui, je parle d´un projet géopolique»

Inscrit en écotourisme à Manaus, Artur Freitas est séduit par la beauté des lieux et suggère de créer un site écologique pour pêcheurs ou même marcheurs, si des sentiers sont tracés. Il suffirait de construire des chalets en bois et un abri pour servir des repas de poisson, et attirer des habitants de Manaus ou des touristes. Rossi, sa femme et leurs neuf enfants s´enthousiament à cette perspective, et l´étudiant va avec eux établir un projet. Un grand nombre d´étudiants mobilisés par le projet Rondon proviennent aussi des filières médicales. En Amazonie, les professionnels et spécialistes sont rares, le petit poste de santé de Manaquiri est très peu équipé. Mais en 2005, la mobilisation des agents de santé a ramené le nombre de cas de malaria de 18 000 à 2 300. Les rondonistas reçoivent des patients mais discutent avec les agents de l´amélioration du service.

La préoccupation des rondonistas est le suivi de leurs projets, après leur départ. Les communications sont difficiles, mais ils promettent de se mobiliser à distance, les relations établies sur place étant un atout. Et si la plupart ne connaissait pas l´Amazonie, ils parlent déjà de revenir. Le projet Rondon est programmé jusqu´en 2010. Comme en 1967, « année zéro » de l’initiative brésilienne, les militaires gèrent la logistique. Mais les relations forces armées-étudiants ont changé, car à l´époque de la dictature des généraux, le programme aujourd´hui qualifié «d´assistencialiste» avait pour but de peupler la région en y déroulant la Transamazonienne. «Aujourd´hui, je parle d´un projet géopolique, avoue le général Arantes qui coordonne les opérations. Ces futurs dirigeants du pays sauront pourquoi il faut défendre, protéger et valoriser l´Amazonie.»


par Annie  Gasnier

Article publié le 02/03/2006 Dernière mise à jour le 02/03/2006 à 12:58 TU

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