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Etats-Unis

Washington déplace ses «zones de non droit»

La prison de Guantanamo compte encore 490 prisonniers, auxquels Washington n’accorde ni les droits des détenus américains ni ceux des prisonniers de guerre fixés par les conventions de Genève.(Photo: AFP)
La prison de Guantanamo compte encore 490 prisonniers, auxquels Washington n’accorde ni les droits des détenus américains ni ceux des prisonniers de guerre fixés par les conventions de Genève.
(Photo: AFP)
Le Pentagone s’est engagé à publier les identités des détenus de la base militaire de Guantanamo. Mais, parallèlement, pendant que le gouvernement américain fait des efforts de normalisation sur la base militaire installée à Cuba, une autre zone de vide juridique s’est développée en Afghanistan.

De notre correspondante aux Etats-Unis

Le Pentagone devait, ce vendredi, divulguer les identités des détenus de la prison de Guantanamo ayant comparu pour des auditions devant des tribunaux militaires. C’est un juge fédéral de New York qui a pris cette décision et imposé cette date le 23 janvier après une plainte déposée par de l’agence de presse Associated Press qui réclamait cette liste. Le département de la Défense refusait au nom de la protection de la vie privée des détenus. Le juge en a donc décidé autrement. Mais, contre toute attente, le département de la Défense a décidé le mois dernier de ne pas faire appel et de publier les noms  des détenus.

Mise en place avec la guerre en Afghanistan de 2001, la prison de Guantanamo située sur l’île de Cuba compte encore 490 prisonniers, des « ennemis combattants », selon la terminologie créée à l’époque par le gouvernement américain, à qui Washington n’accorde ni les droits des détenus américains ni ceux des prisonniers de guerre fixés par les conventions de Genève. Les seuls noms rendus publics jusque-là sont ceux des dix qui ont été officiellement inculpés, et de certains de ceux qui ont été libérés. Les prisonniers déjà auditionnés par les tribunaux militaires sont plus de 300. Les autres resteront anonymes.

Geste diplomatique

La décision du Pentagone de se plier à la décision du juge a été interprétée comme un geste de bonne volonté en réponse aux pressions internationales pour la fermeture de la base, critiquée y compris dans les rangs d’alliés comme Silvio Berlusconi ou Tony Blair.

Le département de la Défense avait multiplié les efforts de normalisation de l’image de Guantanamo, y invitant régulièrement des groupes de parlementaires ou de journalistes pour des visites soigneusement guidées. En février, lorsque la commission des droits de l’Homme des Nations unies a appelé à la fermeture de Guantanamo, le patron du Pentagone Donald Rumsfeld a déploré qu’ils aient rendu leur rapport sans se rendre sur place. La mission avait refusé de le faire car ses membres n’avaient pas obtenu le droit d’interroger des détenus.

Un nouveau Guantanamo ?

Le week-end dernier, le New York Times a par ailleurs révélé que, parallèlement aux efforts de normalisation consentis sur Guantanamo, le Pentagone avait petit à petit mis en place une nouvelle zone de non droit à la prison de Bagram, située sur une base aérienne en Afghanistan à une soixantaine de kilomètres de Kaboul. Dans des conditions au moins aussi rudes qu’à Guantanamo, 500 à 600 hommes y seraient détenus sans inculpation et sans accès à des avocats, logés dans des cages de fer pour des durées indéterminées, dans un établissement prévu pour des détentions provisoires. Deux prisonniers afghans y ont été tués en 2002. Depuis, ont indiqué des sources au New York Times, les incidents y sont moins nombreux. Les noms des prisonniers ne peuvent pas être connus.

Contrairement à Guantanamo, la prison de Bagram est entièrement fermée à tous les visiteurs à l’exception des délégués de la Croix-Rouge. Elle ne peut être photographiée, même de loin. Le quotidien new yorkais cite des sources anonymes selon lesquelles ce centre de détention se serait peuplé après la décision de la Cour suprême de juin 2004 de reconnaître aux détenus de Guantanamo le droit de contester leur détention devant des tribunaux. Tandis que le Pentagone mettait en place des tribunaux militaires pour répondre à cette demande, la population carcérale de Bagram passait de 100 prisonniers en 2004 à six fois plus cette année.


par Guillemette  Faure

Article publié le 03/03/2006 Dernière mise à jour le 03/03/2006 à 12:28 TU