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Liban

Après la guerre des nerfs, la décrispation

Nabih Berri, l'initiateur du dialogue national : «&nbsp;<em>Il ne faut pas que la Syrie soit une source de menace pour la sécurité du Liban et vice-versa&nbsp;</em>».(Photo : AFP)
Nabih Berri, l'initiateur du dialogue national : « Il ne faut pas que la Syrie soit une source de menace pour la sécurité du Liban et vice-versa ».
(Photo : AFP)
Les principaux chefs politiques libanais, proches ou hostiles à la Syrie, sont parvenus à un accord sur plusieurs points litigieux, jetant ainsi les bases d’un compromis susceptible de sortir le pays de la crise qui le secoue depuis plus d’un an. La question de la destitution du chef de l'Etat a été différée à la prochaine rencontre, programmée pour la semaine prochaine. Dans un entretien publié mercredi par la quotidien français La Croix, le président Emile Lahoud appelle son homologue français à la prudence sur cette question et à attendre les résultats de l'enquête internationale en cours avant de prendre partie dans le débat en cours. Dans de récentes déclarations, l'entourage du chef de l'Etat libanais a déclaré que Jacques Chirac oeuvrait aux côtés de la majortité parlementaire pour écarter M. Lahoud de la présidence.

De notre correspondant à Beyrouth

Les 14 leaders, chrétiens et musulmans, réunis autour d’une table ronde, se sont mis d’accord, à l’unanimité, sur la nécessité d'améliorer les relations avec Damas, qui se sont sérieusement dégradées depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005.

Le président du Parlement, Nabih Berri, architecte du dialogue qui a débuté le 2 mars, a annoncé à l'issue de la réunion de mardi que les participants avaient mis l’accent sur la nécessité «de corriger les erreurs du passé» entre Beyrouth et Damas. «Il ne faut pas que la Syrie soit une source de menace pour la sécurité du Liban et vice-versa, a-t-il dit. Les participants invitent le gouvernement à renforcer les mesures de sécurité à la frontière, et exigent l'application du principe de non ingérence mutuelle dans les affaires intérieures».

Le président de la Chambre a par ailleurs souligné que «les participants au dialogue souhaitent des relations amicales entre le Liban et la Syrie, basées sur l'établissement de relations diplomatiques et l'ouverture d'ambassades». Cette position est considérée comme étant une importante concession faite par M. Berri et le Hezbollah, principaux alliés de la Syrie au Liban.

Autre avancée importante, la décision de désarmer les organisations palestiniennes prosyriennes déployées à l’extérieur des douze camps de réfugiés. «Les participants appuient la décision du gouvernement de désarmer les Palestiniens dans un délai de six mois et ils sont attachés à la Constitution qui interdit toute implantation définitive au Liban des 350 000 réfugiés», a indiqué M. Berri. Dans le même contexte, les chefs politiques libanais ont appelé le gouvernement à résoudre les problèmes sociaux des Palestiniens et invité la communauté internationale à «assurer une vie digne aux réfugiés jusqu'à leur retour chez eux».

Le Hezbollah marque un point

Mais le progrès le plus significatif a été enregistré dans le dossier controversé des fermes de Chebaa, ce territoire de 32 km², aux confins du Liban, de la Syrie et d'Israël, occupés en 1967 par l'Etat hébreu et revendiqué par le Liban. M. Berry a annoncé que «les participants appuient une action du cabinet en direction des Nations unies pour confirmer la souveraineté libanaise sur ce territoire», considéré par l’Onu comme étant syrien.

La reconnaissance de la «libanité» des hameaux de Chebaa clos un débat acerbe qui empoisonne la vie politique depuis des semaines entre le Hezbollah, qui justifie le maintien de sa branche armée pour libérer ce territoire, et le chef druze Walid Joumblatt qui estime que Chebaa est une terre syrienne et qualifie d’«inutiles» les armes du parti islamiste.

Pas plus tard que la semaine dernière, M. Joumblatt, le plus farouche des anti-syriens, avaient réitéré ses positions à partir de Washington avant une rencontre avec la secrétaire américaine Condoleezza Rice. Le leader druze avait exigé un tracé des frontières au niveau de Chebaa et un document syrien adressé à l'Onu attestant la «libanité» de ce secteur. Depuis plusieurs mois, il dénonçait «le prétexte de Chebaa utilisé pour justifier l’ancrage du Liban à l’axe syro-iranien». Les déclarations incendiaires de M. Joumblatt avaient provoqué l’ajournement du dialogue, le 7 mars dernier. Un vent de panique avait soufflé au sein de la population et des milieux d’affaires qui ont craint une aggravation de la crise.

Le sort du chef de l'Etat

Lors de la prochaine séance du dialogue, prévue le mercredi 22 mars, les discussions porteront sur deux questions non résolues: le sort du chef de l'Etat Emile Lahoud, proche de Damas, et dont le départ anticipé est souhaité par les anti-syriens, et le désarmement du Hezbollah, exigé par la résolution 1559 de l'Onu.

Mais de toute évidence, après l’accord sur les fermes de Chebaa, le désarmement du Hezbollah n’est plus à l’ordre du jour dans l’immédiat, du moins pas avant le retrait israélien des hameaux et «la libération des Libanais détenus dans les prisons israéliennes».

Concernant la présidence de la République, la coalition anti-syrienne semble désormais convaincue que le départ d’Emile Lahoud ne peut se faire sans accord entre toutes les forces politiques du pays. Il s’agit donc de trouver un successeur agréé de toutes les parties, ce qui est possible mais difficile. D’autant que le principal chef chrétien, le général Michel Aoun, est candidat, ce qui n’est pas pour plaire à Walid Joumblatt et au chef de la majorité parlementaire, le sunnite Saad Hariri.

Impératifs régionaux et internationaux

La plupart des participants au dialogue se sont déclarés satisfaits des résultats obtenus. «La résistance (anti-israélienne) va garder ses armes jusqu'à la libération du dernier pouce du territoire libanais», ont estimé Nabih Berri et Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah. Le chef du parti chrétien des Forces libanaises, Samir Geagea, a déclaré pour sa part qu'il ne s'agissait «pas d'une grande percée, mais d'un pas en avant».

«Il y a accord sur beaucoup de questions qui nous divisaient et nous ne pensions plus, à certains moments, pouvoir nous entendre sur ces points. Aujourd'hui, personne d'autre que le Liban n'a gagné», a quant à lui affirmé Saad Hariri.

Ces progrès inattendus après un blocage tout aussi brusque la semaine dernière, sont survenus à l’issue de pressions considérables. Les Etats-Unis, la France, l’Arabie Saoudite et l’Egypte sont intervenus, à travers leurs ambassadeurs, auprès des différentes parties pour éviter l’effondrement du dialogue qui aurait pu avoir des conséquences fatales pour le pays. Les Libanais ont beau être fier de ce dialogue «fabriqué au Liban», il n’en reste pas moins que cette initiative répond aussi à des impératifs régionaux et internationaux.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 15/03/2006 Dernière mise à jour le 15/03/2006 à 07:51 TU