Liban
Le dialogue national brusquement ajourné
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
(Photo : AFP)
L’optimisme qui régnait au Liban depuis le début de la conférence du dialogue national, jeudi 2 mars, a cédé la place, mardi, à une forte inquiétude après l’ajournement contre toute attente des débats entre les principales personnalités politiques du pays. Censée discuter du sort du président Emile Lahoud que les anti-syriens veulent destituer, du désarmement du Hezbollah et des Palestiniens, exigé par la résolution 1559 de l’Onu, et des relations libano-syriennes en crise, la conférence devait se poursuivre au moins jusqu’au jeudi 9 mars. Mais elle a été brusquement reportée sans qu'aucun accord ne se soit dégagé sur toutes ces questions clefs.
L’initiateur du dialogue, le président du Parlement Nabih Berry, a annoncé que les discussions reprendraient le 13 mars, afin de donner aux participants le temps de procéder à des consultations. Il a démenti que l'ajournement soit lié aux propos de Walid Joumblatt, qui a affirmé lundi à Washington que le dialogue était au point mort, réclamant le désarmement du Hezbollah et l’aide des Etats-Unis pour «protéger la démocratie libanaise en danger».
Forte tension
Mais ces explications n’ont convaincu personne. Selon des participants à la conférence, les déclarations du leader druze ont provoqué une forte tension lors de la séance de mardi et ont suscité de vives réactions de la part de Nabih Berry et du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Quelques minutes après le début des débats, ce dernier a estimé que le dialogue n’avait plus d’utilité puisque «certaines parties préfèrent les déclarations tonitruantes dans les capitales étrangères au lieu de discuter des questions litigieuses autour d’une même table, au Liban».
Pourtant, les quatorze personnalités, anti-syriennes et proches de Damas, qui participent au dialogue, avaient réussi des percées significatives sur plusieurs volets. Elles étaient ainsi parvenues à un accord de principe sur le démantèlement des bases des Palestiniens prosyriens situées à l’extérieur des camps de réfugiés, et sur l’organisation du port des armes à l’intérieur des camps. Les participants ont également enregistré des progrès sur le dossier des fermes de Chebaa, ce territoire de 32 Km² occupé par Israël et revendiqué par le Liban. Walid Joumblatt, l’Onu et l’Etat hébreu estiment que ces hameaux sont une terre syrienne, alors que le Hezbollah affirme qu’ils sont libanais et justifie le maintien de sa branche armée par sa volonté de les libérer. Lors des quatre jours de discussions, la plupart des participants ont convenu que les fermes de Chebaa sont bien libanaises, d’où la nécessité de poursuivre la «résistance jusqu’à leur libération».
Un déblocage s’est aussi produit sur la question de la présidence de la République. Le principal représentant chrétien, le général Michel Aoun, le Hezbollah et le Mouvement Amal de Nabih Berry, ont jeté du lest. Après avoir refusé pendant de longs mois le principe même du départ anticipé de Lahoud, qualifié par Joumblatt de «marionnette» de Damas, ils ont accepté de débattre des moyens d’écourter son mandat –prorogé de trois ans en septembre 2004 à l’initiative de la Syrie-, à condition de connaître le nom et le programme de son successeur.
Retour à la case départ
Les participants s’étaient donc donnés jusqu’à jeudi pour peaufiner leur accord, aplanir les divergences et trouver des compromis sur les questions litigieuses. Mais les déclarations de Joumblatt ont jeté un froid sur les discussions. Le chef druze a affirmé que si aucune percée n'était enregistrée aux discussions, la coalition organiserait de grandes manifestations. Présent au premier jour du dialogue, le plus farouche des anti-syriens s'est ensuite fait représenter par un collaborateur et est parti pour Washington où il a rencontré lundi la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, pour la deuxième fois en deux semaines.
L’escalade de Joumblatt a embarrassé ses plus proches alliés. Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre assassiné et chef de la majorité parlementaire, a assuré que la conférence n'était pas condamnée. «Le dialogue n'a pas été enterré. Venez lundi et vous verrez que cela aboutira et que nous prendrons des décisions à l’unanimité», a-t-il dit. Mais ces propos rassurants n’ont pas dissipé les craintes des Libanais qui voient s’envoler leur espoir d’un règlement prochain de la crise qui secoue le pays.
par Paul Khalifeh
Article publié le 08/03/2006 Dernière mise à jour le 08/03/2006 à 08:29 TU