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Tchad

Le président déjoue un coup d’état

Le président tchadien Idriss Déby en février 2006 à Tripoli, à l'occasion d'un mini-sommet Tchad-Soudan organisé par Mouammar Khadafi.(Photo : AFP)
Le président tchadien Idriss Déby en février 2006 à Tripoli, à l'occasion d'un mini-sommet Tchad-Soudan organisé par Mouammar Khadafi.
(Photo : AFP)
A six semaines de l’élection présidentielle, Idriss Déby Itno affirme avoir déjoué un coup d’état contre lui. Une fois de plus, les principaux accusés sont les proches de son clan et de sa garde rapprochée. Le président tchadien a dû rentrer précipitamment de Guinée Equatoriale, où il venait d’être investi président de la Cemac (Communauté économique et monétaire des Etats d’Afrique Centrale) pour remettre de l’ordre à N’Djaména. Un retour dans le plus grand secret et une tentative de coup d’Etat qui s’est déroulée au sein d’un cercle très restreint.

De notre correspondante à N’Djamena

Mardi 14 mars, vingt heures, heure locale : Idriss Déby Itno atterrit sur le tarmac de N’Djamena. Pour l’escorter et le protéger jusqu’à la présidence un important dispositif militaire français de l’opération Epervier, qui comprend un millier d’hommes basés en permanence au Tchad, est déployé. Un retour qui a lieu dans la plus grande confidentialité, puisque seuls quelques proches ont été mis au courant, tels que son cousin Mahamat Saleh Brahim, chef des services de sécurité de la présidence, ainsi que la présidence de la République française. Idriss Déby Itno est parti sans la délégation présidentielle et a également laissé sa dernière épouse, Hinda, qui l’accompagne fréquemment dans toutes ses rencontres politiques. Il a choisi de ne pas emprunter son avion, mais celui du président gabonais Omar bongo. Quelques heures auparavant, le président tchadien avait été prévenu par ses services de renseignement que des réunions suspectes se tenaient au sein de l’escadron blindé du camp d’Am Sinéné, situé à la sortie nord de N’Djamena. La plupart des officiers de cette unité, appartenant tous à l’ancienne Garde républicaine censée avoir été dissoute l’année dernière, avaient déjà été mis en cause dans le putsch avorté du 16 mai 2004.

Selon certaines sources, Bakhit Ramadane, le commandant de l’escadron, aurait requis des munitions afin de sécuriser l’aéroport, une demande qui a entraîné la suspicion de certains. D’autres affirment que ce sont deux officiers du même escadron qui ont éventé le complot en dénonçant leurs frères. C’est donc dans l’après-midi, que les putschistes présumés ont pris la fuite, sans qu’il n’y ait aucun combat avec la sécurité présidentielle qui s’est rendue au camp. Quelques arrestations ont eu lieu : Egreï Mahamat, commandant de régiment de l’escadron léger, un proche de Séby Aguid, ancien chef d’état-major qui a déserté il y a quelques semaines. D’autres officiers ont pu fuir. Parmi eux, Abderhamane Djiddo, mis en prison à Tanoua dans l’extrême nord du pays après avoir été soupçonné en 2005 de complot contre le président. Il venait juste d’être libéré au début de l’année 2006, après avoir reçu une importante somme d’argent selon des sources militaires. Bakhit Ramadane, ancien fidèle et homme du main du président se serait, lui, caché dans un quartier de la capitale avant d’être rejoint par une trentaine d’hommes à bord de 7 véhicules vers une heure du matin. Le convoi s’est ensuite dirigé vers l’est du pays.

Mandats d’arrêt internationaux

D’autres soldats mis en cause auraient rejoint le Cameroun en traversant le fleuve Chari, ou se seraient même réfugié provisoirement dans certains quartiers de la capitale. Le gouvernement a accusé les frères Erdimi, anciens directeurs de cabinet civil à la présidence et parents du président, Séby Aguid et Adoum Togoï, d’être les têtes pensantes d’une tentative d’assassinat. D’après le communiqué, « les complices de l’intérieur visaient à abattre l’avion présidentiel à son retour de la Cemac ». Les responsables du Scud ont immédiatement nié les faits et même mis en doute la réalité d’une tentative de coup d’Etat. L’Etat tchadien a lancé contre eux des mandats d’arrêt internationaux et « espère que les pays où se sont repliés les auteurs (Burkina Faso, Soudan, Cameroun et Etats-Unis), coopéreront avec le gouvernement tchadien ».

Une chose est sûre, cette crise survient six semaines avant la tenue du scrutin présidentiel, dans lequel Idriss Déby Itno brigue un troisième mandat. Le président a fort à faire. Les bruits de botte persistent à la frontière avec le Soudan, puisque les rebelles du Scud, composés de ses frères Zaghawas, et les Tamas du RDL, financés et armés par Khartoum, constituent toujours une menace réelle malgré les 8 000 hommes déployés en renfort sur la frontière entre Bahaï et Goz Beïda. Dans le même temps, les négociations avec la Banque mondiale devraient reprendre timidement, puisqu’une délégation arrive à N’Djamena la semaine prochaine.


par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 19:03 TU