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Biélorussie

Le baroud d’honneur de l’opposition

Campement de l'opposition biélorusse sur la place d'Octobre.(Photo: AFP)
Campement de l'opposition biélorusse sur la place d'Octobre.
(Photo: AFP)
Face à la détermination du pouvoir, l’opposition s’interroge sur la pérennité et l’efficacité de son mouvement de protestation. Pour l’heure, elle est engagée dans la poursuite du bras de fer et veut réunir une manifestation massive samedi, jour de l’indépendance. Les observateurs redoutent la répression qui pourraient s’abattre sur les opposants après le départ des observateurs et journalistes internationaux.

De notre correspondant à Minsk

Ils ont passé une deuxième nuit sur la place d’octobre, dans ce mini village de tentes, enserré par un cordon de sécurité pour le protéger. On dort à tour de rôle, d’autres se risquent un peu plus loin en agitant l’ancien drapeau biélorusse qu’Alexandre Loukachenko a remplacé par la bannière soviétique. Trois jours après le scrutin, c’est une petite victoire pour l’opposition et Alexandre Milinkevitch les a accompagnés toute la nuit comme pour les protéger d’une intervention des forces de l’ordre : les déloger serait en effet une tâche facile tant ils sont peu nombreux, quelques dizaines tout au plus. Mais comme l’explique un diplomate occidental, le régime ne veut rien faire tant que les projecteurs de la presse internationale sont braqués sur la Biélorussie.

Cela ressemble déjà un baroud d’honneur : « Nous ne renverserons pas le régime avec des rassemblements, aussi grands soient-ils », a reconnu Alexandre Milinkevitch, visiblement fatigué après deux nuits presque blanche : « Je ne suis pas habitué à cela », nous confie-t-il en souriant. Même si les mécontents du régime Loukachenko sont nombreux, l’opposition ne parvient pas à convaincre que sa stratégie peut avoir la moindre efficacité; nombreux sont ceux qui manifestent discrètement leur sympathie  envers ces jeunes résistants qui disent vouloir « rester jusqu’à la victoire ». Répondront-ils pour autant  à l’appel d’Alexandre Milinkevitch  à se mobiliser pour le jour de l’indépendance ? Réponse samedi.

Les arrestations se multiplient

En attendant, c’est une visite symbolique de poids que les manifestants biélorusses ont reçu en fin d’après-midi, mardi : les 11  pays de l’Union qui disposent d’une représentation diplomatique à Minsk ont effet  décidé de se rendre ensemble sur la place d’Octobre où l’opposition organise depuis dimanche un rassemblement quotidien et où désormais près de 200 personnes ont décidé de camper jour et nuit malgré le froid, comme le faisaient les Ukrainiens lors de la révolution orange de décembre 2004 : « Nous soutenons tout ce qui peut favoriser ici la démocratie », a expliqué un des diplomates présents et pour le leader de l’opposition, Alexandre Milinkevitch, ce soutien est une démarche cruciale susceptible de favoriser la mobilisation populaire. « C’est très important pour nous ce soutien (…) Il faut que l’Union Européenne parle avec la société civile biélorusse et pour moi, personnellement, la venue des ambassadeurs, cela signifie que le monde est avec nous », a déclaré l’opposant biélorusse.

Les autorités biélorusses avaient tenté sans succès de  décourager les ambassadeurs de se rendre sur la place d’Octobre, signe que le régime n’est pas indifférent quoi qu’il en dise à l’attitude de l’Union européenne et aux menaces de sanctions qui pèsent sur la Biélorussie. Les diplomates occidentaux ont, pour leur part, insisté pour que le pouvoir n’ait pas recours à la force. Mais, si les forces de l’ordre ne sont pas intervenues, les arrestations se multiplient et la présence policière est de plus en plus visible à Minsk.

La patience inhabituelle du régime

Aujourd’hui se pose désormais la question de savoir comment poursuivre le mouvement de résistance qui s’est amorcé en Biélorussie contre le régime d’Alexandre Loukachenko ? C’est le dilemme auquel sont confrontés l’opposition et plus spécifiquement son principal leader Alexandre Milinkevitch. Ce dernier a finalement décidé de poursuivre les rassemblements non-stop. « Je ne partirai pas, nous avons attendu trop longtemps et je resterai jusqu’à la victoire », affirme ainsi Pavel, l’un des jeunes campeurs de la place d’octobre.

Mais le principal obstacle reste une mobilisation qui demeure malgré tout limitée : il n’étaient pas plus de 5 000 mardi soir, moins que la veille ou que dimanche. L’objectif est donc de parvenir à organiser samedi prochain un rassemblement massif : « prévenez vos amis, vos proches pour que nous soyons beaucoup plus nombreux samedi », a exhorté un des orateurs. Pour le moment, les autorités laissent faire les manifestants et se gardent d’intervenir. Mais cette patience inhabituelle du régime pourrait rapidement cesser dés lors que les caméras internationales se seront détournées de l’actualité biélorusse.


par Jean-Frédéric  Saumont

Article publié le 22/03/2006 Dernière mise à jour le 22/03/2006 à 12:43 TU