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Tchad

Le chef de l’armée de terre tué au combat

La région d'Adré, un abcès de fixation.(Carte : RFI)
La région d'Adré, un abcès de fixation.
(Carte : RFI)

Le chef d'état-major de l'armée de terre, un neveu du président Idriss Deby Itno, le général Abakar Youssouf Itno, a succombé à ses blessures jeudi, non loin de Moudeïna, une localité située à une centaine de kilomètres au sud d’Adré, la ville frontalière du Soudan, aux confins est du Tchad. C’est dans cette même ville que le chef de l’Etat avait proclamé le 23 mars dernier «la fin de toutes les aventures» qui ébranlent son pouvoir depuis l’année dernière. Tout en revendiquant la destruction des positions du Socle pour le changement, l'unité et la démocratie (Scud) dans son offensive d’Hadjer Marfaïn le 20 mars, le président Deby avait alors relancé ses accusations contre Khartoum, avec qui N’Djamena a signé un accord de bon voisinage le 8 février dernier, à Tripoli. Cette fois, le régime Deby accuse les milices soudanaises «appuyées par des mercenaires» tchadiens d’avoir mené la bataille lancée jeudi.


Selon l’état-major tchadien, jeudi, les combats ont été très durs, opposant un millier d’hommes dans chaque camp et se poursuivant sporadiquement vendredi. Une soixantaine de blessés graves sont arrivés dans la journée de jeudi à l’hôpital d’Adré, où sont traités les soldats de l’armée gouvernementale. Et le général Abakar Youssouf Itno a perdu la vie dans cette deuxième bataille d’envergure. Après les rebelles du Scud, à Hadjer Marfaïn, un peu plus au nord, il affrontait cette fois le Rassemblement pour la démocratie et la liberté (RDL), les fameux «mercenaires» dénoncés par les autorités tchadiennes. Celles-ci accusent en effet les dissidents du régime de servir de supplétifs aux djandjawid soudanais, les milices arabes de Khartoum. Selon N’Djamena, ce sont ces dernières qui auraient attaqué, jeudi, la localité de Moudeïna, à partir du Darfour voisin où elles opèrent depuis 2003. Le RDL affirme le contraire, accusant N’Djamena d’avoir lancé l’offensive contre des positions qu’il aurait établi au Tchad.

N'Djamena accuse les milices arabes soudanaises

«Les djandjawid, appuyés par des mercenaires, ont attaqué dans la matinée du jeudi 30 mars la localité de Moudeïna. L'armée nationale tchadienne a vaillamment repoussé cette nouvelle agression, qui constitue une violation flagrante par le pouvoir de Khartoum des accords de Tripoli du 8 février 2006», indique un communiqué du ministère tchadien des Affaires étrangères. «Nous étions sur le territoire tchadien depuis trois semaines. L'armée tchadienne nous a attaqués sur nos positions et nous l'avons mise en déroute», rétorque l'ancien préfet d'Iriba, dans l’Est tchadien, Issa Moussa, qui se présente à l’agence France Presse (AFP) comme le conseiller du président du RDL, Mahamat Nour. Pour leur part, les organisations humanitaires estiment a environ 30 000 les Tchadiens déplacés depuis fin décembre par les attaques transfrontalières qui se multiplient dans l’est de Tchad où sont également réfugiés quelque 200 000 habitants du Darfour soudanais. Difficile dans ces conditions de démêler la nature et l’origine des mouvements de troupes.

Côté tchadien, la région d’Adré est en tout cas un abcès de fixation dont N’Djamena répugne à reconnaître l’origine endogène, sauf à revendiquer son éradication comme l’a fait Idriss Déby, le 23 mars dernier, sur le théâtre vide du champ de bataille d’Hadjer Marfaïn où il avait tenu à conduire la presse. «Depuis 2004, nous avons vécu six tentatives de coup d'Etat, et, depuis fin 2005, nous avons assisté à une série de désertions d'officiersà la solde de l’étranger et décidés à plonger le pays dans le chaos», accusait-il alors, se félicitant d’avoir mis «fin à la déstabilisation» grâce à la destruction de leurs bases avancées au Tchad. «Les déserteurs de l'armée et les auteurs du putsch manqué du 14 mars dernier se sont tous retrouvés d'abord au Soudan, puis à Hadjer Marfaïn», disait-il alors. Aujourd’hui, c’est à nouveau le Soudan qu’il désigne, comme ennemi principal cette fois, le ministre des Affaires étrangères accusant Khartoum de n’avoir «rempli aucun de ses engagements, ni celui de désarmer les djandjawid, ni celui de désarmer les rebelles tchadiens».

Après la bataille de Moudeïna, N’Djamena «s’interroge sur la validité des déclarations faites à Tripoli» par Khartoum en février dernier. Force est quand même de constater que «la maîtrise de la situation» est loin d’être aussi totale que l’avait affirmé Idriss Deby la semaine passée, malgré le «cordon» frontalier dont il avait annoncé le déploiement «pour sécuriser la population tchadienne». Et jusqu’à présent, ce sont surtout les désertions dans son carré zaghawa qui lui ont suggéré «la réforme» destinée, selon lui, à donner au Tchad «une armée nationale digne de ce nom, pour faciliter la paix et la démocratie». Ce disant, le président Deby confirme, s’il en était besoin, la nature militaire du pilier sur lequel repose son autorité.

L'opposition espère la chute de la Maison Deby

Pour leur part, les syndicats et les associations de droits de l’Homme tchadiens viennent de demander le report de la présidentielle du 3 mai, où le président Deby va briguer un troisième mandat, face a quatre «poids légers» aux allures de lièvres destinés à crédibiliser le scrutin. Mercredi, les représentants de la société civile rassemblés dans un Comité de suivi de l'appel à la paix et à la réconciliation nationale ont réclamé l’instauration d’une «transition institutionnelle qui va gérer les réformes de l'armée et instaurer un dialogue, qui ne sera plus entre les élites et les chefs de guerre mais entre tous les Tchadiens», et cela pendant dix-huit mois, a expliqué leur coordonnatrice, Delphine Djiraibé Kemmeloum.

Après le dépôt des cinq candidatures à la présidentielle avant l’heure légale de sa clôture, le 25 mars à minuit, les mots d’ordre sont ceux du boycott du scrutin pour la vingtaine de partis d’opposition réunis dans la Coordination de l'opposition pour la défense de la Constitution (CPDC). Même position pour la Fédération Action pour la République (FAR) du député fédéraliste Ngarlejy Yorongar. Lui-même était arrivé deuxième – ce qu’il conteste – à la présidentielle de 2001, avec officiellement 13,34% des suffrages, derrière Idriss Deby et ses 67,35% des voix au premier tour. Ngarlejy Yorongar exigeait un report de six mois de la présidentielle du 3 mai, le temps de revoir une organisation dont il conteste la transparence. Finalement, l’opposition tout entière campe sur son mot d’ordre de boycott, en espérant la chute de la Maison Deby, lézardée dans ses fondations et menacée par la tempête qui grossit à l’Est.


par Monique  Mas

Article publié le 31/03/2006 Dernière mise à jour le 31/03/2006 à 15:40 TU

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Idriss Déby

Président du Tchad

«Ces officiers à la solde des étrangers cherchent à amener le chaos dans le pays et à enfoncer le Tchad dans le désordre.»

[24/03/2006]

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