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Afrique

Au Rwanda, coule le Nil

Les explorateurs Cam McLeay (G.), Briton Neil McGrigor, le Britannique (C), et Garth MacIntyre (D.).(Photo : AFP)
Les explorateurs Cam McLeay (G.), Briton Neil McGrigor, le Britannique (C), et Garth MacIntyre (D.).
(Photo : AFP)
Equipés de cartes coloniales et d’images satellitaires, trois explorateurs -un Britannique, Neil MacGrigor, deux néo-Zélandais, Cam MacLeay et Garth MacIntyre- ont remonté le fleuve pour arriver à ce qu’ils ont identifié comme la source la plus lointaine du Nil, au cœur de la forêt de Nyungwe au Rwanda.

Une équipe d'explorateurs britannique et néo-zélandais ont identifié la source la plus lointaine du Nil, au coeur de la forêt de Nyungwe dans le sud-ouest du Rwanda.(Carte : Bourgoing/Géoatlas/RFI)
Une équipe d'explorateurs britannique et néo-zélandais ont identifié la source la plus lointaine du Nil, au coeur de la forêt de Nyungwe dans le sud-ouest du Rwanda.
(Carte : Bourgoing/Géoatlas/RFI)

Vendredi 31 mars 2006. Au cœur de la forêt de Nyungwe (Rwanda), autour d’un filet d’eau qui jaillit d’un trou vaseux à 2 428 mètres d’altitude, trois hommes brandissent leur navigateur GPS : « C’est là, nous en sommes sûrs grâce à nos appareils, que se trouve la source de la rivière Rukarara, la source la plus lointaine du Nil. Pour la première fois, nous avons pu mesurer le fleuve de façon précise. Le Nil mesure 6 718 km [et non plus 6 611 km]». La petite rivière rwandaise Rukarara se déverse dans la rivière Kagera, qui elle-même se déverse dans le lac Victoria. La cartographie précise du Nil se trouve donc ainsi complétée. En effet, il est aujourd’hui admis que le Nil est issu de la rencontre, à Khartoum (capitale du Soudan), du Nil blanc -qui prend sa source au lac Victoria (un lac partagé entre l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya )- et du Nil bleu, issu du lac Tana (en Ethiopie), rejoints par un troisième cours d’eau l’Atbara (rivière éthiopienne).

Le 20 septembre 2005, les explorateurs avaient quitté la côte méditerranéenne de l’Egypte, en quête d’identification du plus lointain berceau d’un des plus grands fleuves du monde -avec l’Amazone (6 570 km). Au bout du périple, les images et les souvenirs se bousculent : « Ce qu’il y a de merveilleux avec le Nil, c’est la diversité des paysages. On a l’Egypte et on a son histoire. On passe du désert aride à la végétation tropicale, puis à la savane », explique McLeay.

Comme dans les vrais récits d’aventure…

Il aura fallu 80 jours aux trois explorateurs pour mener à terme le voyage. L’expédition de McGrigor, Cam McLeay et Garth McIntyre ressemble à une véritable aventure, semée d’embûches périlleuses et d’épisodes parfois sombres. De l’Egypte, les trois hommes se souviennent de la bureaucratie et d’un policier, censé les escorter, qui a fini par tomber dans les eaux du Nil : « Il était là, en uniforme, de l’eau jusqu’à la taille, de l’eau qui dégoulinait de son pistolet », raconte McLeay. Du Soudan, ils se souviennent d’un Nil aux rapides difficiles à négocier au cours de la navigation : « Il y a eu un moment, aux rapides de Fola au sud du Soudan, où je me suis dit qu’on avait visé trop haut », reconnaît-il, et McGrigor de poursuivre : « Plus dur encore que les rapides, fut la traversée du marécage du sud, au Soudan toujours. Pendant quelque 1 000 km, tu ne vois rien d’autre que des papyrus hauts de quatre mètres ».

Les cartes n’ont pas toujours suffi. Hésitant parfois sur tel ou tel embranchement à prendre, des habitants de la région leur donnaient des conseils comme, par exemple, suivre les rives empruntées par les jacinthes d’eau. L’aventure a aussi compté un drame : en novembre, l’équipe utilisait un bateau gonflable, tracté par un petit avion, pour transporter les équipements au-dessus des rapides du parc de Murchison. Là, McGrigor s’est cassé la jambe lors d’une opération un peu délicate. Un de leurs amis, Steve Willis, basé à Kampala, est venu leur apporter de l’aide, et l’homme sera tué lors d’un accrochage avec des rebelles ougandais de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), connue pour ses exactions contre les civils. Endeuillée, l’expédition sera interrompue en novembre et reprise début mars, pour se terminer vendredi dernier au cœur de la forêt : les cinq derniers jours, faute d’un volume d’eau suffisant pour continuer en bateau, les trois explorateurs ont dû se frayer un chemin, à pied, dans la jungle.

Rencontre du Nil blanc et du Nil bleu

Les sources du Nil ont toujours fait l’objet de controverses. Les Egyptiens ignoraient d’où venait ce fleuve et ne se sont jamais avancés au-delà du Soudan. Depuis l’Antiquité jusqu’au XIXème siècle, les géographes imaginaient l’existence d’une immense mer intérieure au cœur de l’Afrique, dans laquelle le Nil puisait ses eaux. Pour élucider ce mystère, plusieurs missions britanniques ont été financées au cours du dix-neuvième siècle par la Royal geographical society : celle de Richard Francis Burton en 1856, celle de John Speke en 1858, celle de Henry Stanley et David Livingstone en 1860, et celle du couple Samuel et Florence Baker. C’est à Speke que l’on doit la découverte du lac Victoria (qui jette ses eaux dans celles du lac Tanganyika) ; et désormais à McGrigor, Cam McLeay et Garth McIntyre, la découverte de la rivière Rukarara qui alimente indirectement le lac.


par Dominique  Raizon

Article publié le 03/04/2006 Dernière mise à jour le 03/04/2006 à 17:34 TU