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Développement durable

Environnement : le cri d’alarme du PNUE

La protection de l’environnement est un facteur essentiel du développement durable de la planète. Mais les intérêts politiques et économiques priment encore trop souvent sur les aspirations des populations qui, au Nord comme au Sud, prennent conscience des véritables enjeux pour leur avenir et ceux de leurs enfants.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui a fêté cette année ses trente ans d’existence, a dressé un tableau inquiétant de l’état de la terre et de son avenir si rien n’est fait pour arrêter la destruction de son environnement. Selon son rapport GEO 3 consacré à l’avenir de l’environnement mondial, publié fin mai, plus de 70 % des surfaces émergées pourraient être affectées par les effets de la construction massive de routes, les activités d’extraction minière, l’urbanisation mal maîtrisée et d’autres grands travaux si des mesures urgentes ne sont pas prises au cours des prochaines 30 années.

Plus de la moitié des habitants de la planète pourraient ainsi vivre dans des zones affectées de problèmes d’eau si les forces du marché continuent à avoir la haute main sur l’évolution de la situation mondiale, même si la proportion d’êtres humains souffrant de la faim semble diminuer. Les chiffres avancés sont effrayants : 80 pays représentant 40 % de la population mondiale ont souffert de pénuries d’eau dans les années quatre-vingt-dix. Plus d’un milliard de personnes n’ont toujours pas d’eau potable et 2,4 milliards n’ont pas de moyens d’assainissement améliorés, surtout en Afrique et en Asie.

L’étude, préparée par un millier d’experts, estime qu’une action concertée de la part des gouvernements, de l’industrie et des particuliers permettrait de réaliser une profonde réduction des émissions de gaz liées au réchauffement mondial (effet de serre). Les concentrations de dioxyde de carbone pourraient ainsi commencer à se stabiliser dans l’atmosphère en 2032. L’action internationale de reconstitution de la couche d’ozone, qui est le bouclier protecteur de la terre, par une réduction de la production et de la consommation de chlorofluorocarbones (CFC), a quant à elle connu un certain succès, même si cela n’a pas empêché l’environnement de continuer à se dégrader dans de vastes parties du monde en développement.

Le rapport du PNUE scrute les politiques suivies depuis trente ans et les impacts qu’elles ont eus ; il évoque plusieurs scénarios pour l’avenir, en particulier un scénario fondé sur les simples forces du marché, c’est à dire l’offre et la demande, et un autre prévoyant des changements profonds susceptibles d’asseoir un développement durable, y compris chez les pauvres. Dans la première hypothèse, l’urbanisation augmente au détriment de l’habitat traditionnel et de la faune et de la flore sauvages. En 2032, le nombre de personnes vivant dans des zones souffrant de problèmes d’eau représentent 55 % de la population mondiale (40 % en 2002).

La charge d’azote, qui est un indicateur d’un large éventail de polluants d’origine terrestre, progresse et les estuaires de plusieurs grands fleuves comme le Mississippi et le Nil sont menacés. Les émissions de dioxyde de carbone croissent également pour atteindre environ 16 milliards de tonnes par an en 2032. Les concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère représenteraient alors le double de celles précédant l’ère industrielle.

Des villes plus ramassées

Dans le scénario basé sur la «durabilité d’abord», la superficie construite continue à augmenter, mais commence à diminuer au fur et à mesure que des politiques d’urbanisme mieux conçues, comportant la construction de villes plus ramassées, de superficie plus réduite, sont adoptées. La proportion de personnes vivant dans des régions souffrant de problèmes d’eau reste à peu près constante ou diminue même à la faveur de méthodes de gestion plus efficaces permettant de réduire les prélèvements d’eau, en particulier pour l’irrigation. GEO 3 affirme qu’une grande partie des changements que l’on constate dans l’environnement ont déjà eu lieu au cours des trente dernières années, depuis la Conférence de Stockholm de 1972, qui a abouti à la création du PNUE. Le principal facteur de pression sur les ressources reste l’accroissement de la population mondiale. Ainsi, en 2002, il y a 2,2 milliards de bouches de plus à nourrir qu’en 1972. En même temps une irrigation excessive et mal conçue a fortement dégradé les sols, victimes aussi des surpâturages, du déboisement et de l’agriculture intensive.
La FAO estime par ailleurs que les forêts, qui couvrent 3 866 millions d’hectares, soit un tiers des surfaces émergées, ont diminué de 2,4 % (plus de 92 millions ha) depuis 1990. C’est surtout l’Afrique qui est touchée, où 52,6 millions d’hectares ont disparu en dix ans. La perte et la fragmentation des habitats que sont les forêts, les zones humides et les mangroves ont encore accru les pressions qui s’exercent sur la faune et la flore sauvages. Près d’un quart des espèces de mammifères et 12 % des espèces d’oiseaux sont actuellement considérées comme menacées d’extinction dans le monde. Cette dégradation de la qualité de l’environnement aggrave la vulnérabilité des populations aux risques naturels que sont les cyclones, les inondations et les sécheresses ainsi qu’aux risques d’insécurité alimentaire, de maladies et de modes d’existence non viables à terme, selon les auteurs du rapport. Le nombre de personnes affectées par les catastrophes naturelles a augmenté, passant d’une moyenne de 147 millions par an dans les années quatre-vingt, à 211 millions par an la décennie suivante. Les pertes financières en résultant ont été estimées en 1999 à plus de 100 milliards de dollars.

La dégradation de l’environnement entraîne également une augmentation du risque sanitaire. La pollution par les eaux usées rejetées dans les mers « a précipité une crise sanitaire de proportions massives », selon le rapport. Par exemple, l’absorption de coquillages pollués cause sans doute 2,5 millions de cas d’hépatite infectieuse chaque année, qui font 25 000 morts et à quoi il faut ajouter 25 000 personnes handicapées à long terme en raison de lésions hépatiques. Deux milliards de personnes sont menacées par le paludisme qui fait deux millions de morts par an. On compte aussi environ quatre milliards d’épisodes de diarrhée, faisant 2,2 millions de morts par an, soit l’équivalent des passagers de 20 avions gros porteurs qui s’écraseraient chaque jour.
«Sans environnement, il ne pourrait y avoir aucune espèce de développement indispensable pour assurer l’équité aux générations présentes et futures. Nous avons besoin d’actions concrètes, de calendriers concrets, et surtout, de la part de tous, d’une volonté de fer. Ce n’est pas seulement la responsabilité des hommes politiques. Nous sommes tous en quelque sorte des actionnaires de cette entreprise mondiale. C’est alors seulement que les promesses faites à Rio se transformeront en réalité», a souligné Klaus Toepfer, directeur exécutif du PNUE.



par Marie  Joannidis

Article publié le 15/08/2002