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Sierra Leone / Liberia

Charles Taylor plaide non coupable

L'ex-président libérien Charles Taylor, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), le 3 avril 2006.(Photo: AFP)
L'ex-président libérien Charles Taylor, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), le 3 avril 2006.
(Photo: AFP)

L’audition préliminaire de Charles Taylor devant le Tribunal spécial  pour la Sierra Leone (TSSL), à Freetown n’a duré qu’une heure, ce lundi. Le temps pour le greffier de lire l’acte d’accusation, avec onze chefs d’inculpation, dont crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le temps ensuite pour l’ancien président libérien de rejeter toute culpabilité. Charles Taylor a même récusé la légitimité de la Cour.


Charles Taylor, même menotté, même sous très forte escorte policière, continue de faire peur, à Freetown, la capitale sierra-léonaise, mais aussi dans toute la région. Alors, lorsque l’ex-président libérien, considéré comme l’un des plus terribles chefs de guerre, est présenté à la justice, les autorités ne lésinent pas sur les moyens pour essayer d’apaiser les peurs. A événement exceptionnel, mesures exceptionnelles. Le bâtiment qui abrite le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) est entouré de murs de béton, surmontés de fils de fer. La police sierra-léonaise et les forces de l’ONU sont déployées dans tout le périmètre.

Arrêté au Nigeria il y a une semaine, puis transféré en Sierra Leone, Charles Taylor s’est présenté, pour cette première audience, vêtu d’un costume-cravate strict, «un air las de martyr et un petit sourire aux lèvres», d’après la description faite par l’envoyé spécial du Figaro. Un sourire que n’affiche aucune autre personne dans la salle. Et pour cause : le greffier entame l’audience en lisant l’acte d’accusation. Un texte de neuf pages, détaillant les onze chefs d’inculpation retenus contre Charles Taylor : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, viols, enrôlements forcés d’enfants soldats, pillages… Pendant trente minutes, le Tribunal résonne des horreurs commises pendant la guerre civile en Sierra Leone. Concrètement, Charles Taylor est accusé d’avoir formé, financé et armé les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF) durant cette guerre civile. En retour, il recevait de ses «partenaires» sierra-leonais, des diamants.

Taylor nie la légitimité de la Cour

Assis, les mains jointes, Charles Taylor a écouté, sans broncher. Par trois fois, le juge lui a demandé s’il comprenait bien les charges retenues contre lui. Par trois fois, il a répondu par l’affirmative. Puis, la parole lui a été donnée. «De la façon la plus catégorique, je plaide non coupable», a-t-il affirmé. «Je n’ai pas et je ne peux pas avoir commis ces actes contre la république sœur de Sierra Leone. Je pense que tout ceci est une tentative pour poursuivre la division entre les peuples du Liberia et de la Sierra Leone».

Agé de 58 ans, l’ancien président libérien a ensuite adopté une attitude semblable à celle employée par Saddam Hussein ou, en son temps, par Slobodan Milosevic : le deni de légitimité de la Cour. «Je ne reconnais pas à ce tribunal, le droit de me juger», a-t-il lancé. Ce Tribunal spécial pour la Sierra Leone a pourtant été mis en place en 2002, avec l’appui de l’ONU, pour juger les auteurs d’atrocités commises durant la guerre civile dans ce pays. Et pour le procureur en chef de ce tribunal, Desmond de Silva, on assiste précisément à une avancée significative en matière de justice internationale. «[La présentation de Charles Taylor devant des juges] est une étape importante. Tous les auteurs d’atrocités et de violations des droits de l’homme savent qu’ils seront redevables de leurs actes devant la Justice. (…) Personne n’est au-dessus de la loi», s’est-il réjouit. Et d’ajouter que «les Sierra-Léonais attendent de voir depuis longtemps de voir cet homme traduit en justice».

Où se déroulera le procès ?

Au bout d’une heure, l’audience de ce lundi a été ajournée. Mais aucune date n’a été fixée pour la prochaine comparution de Charles Taylor. Il faut dire que le lieu-même du déroulement du procès n’est pas arrêté. L’accusé a fait savoir qu’il souhaitait être jugé en Sierra Leone, notamment pour permettre à sa famille et aux témoins d’être présents. Mais de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer un «dépaysement» du procès, autrement dit, que le procès se déroule ailleurs qu’à Freetown. Parmi les motifs invoqués pour ce «dépaysement», le fait que Charles Taylor bénéficie encore de nombreux soutiens en Sierra Leone et dans la région. Et cela pourrait avoir des conséquences dans le déroulement des débats, créant des troubles sécuritaires.

Les responsables du Tribunal spécial pour la Sierra Leone envisagent ainsi de délocaliser le procès à La Haye, aux Pays-Bas, là-même où siège la Cour pénale internationale. Les autorités néerlandaises ont indiqué être d’accord pour accueillir les audiences du TSSL, à condition qu’une résolution des Nations unies soient votée et que Charles Taylor soit immédiatement transféré après le verdict. Compte-tenu des délais pour une telle décision de «dépaysement», la tenue du procès pourrait être retardée de plusieurs semaines au moins.

Dans l’immédiat, l’ancien président libérien se trouve dans une cellule, dans le centre de détention du tribunal, à Freetown.


par Olivier  Péguy

Article publié le 04/04/2006 Dernière mise à jour le 04/04/2006 à 16:22 TU

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Charles Taylor

Ex-président libérien

«Je ne reconnais pas à ce tribunal le droit de me juger. Je ne suis en aucun cas coupable.»

[04/04/2006]

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