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Israël

Tractations pour un gouvernement de coalition

La formation de centre-droit Kadima et les travaillistes formeront la colonne vertébrale du prochain cabinet.(Photo : AFP)
La formation de centre-droit Kadima et les travaillistes formeront la colonne vertébrale du prochain cabinet.
(Photo : AFP)
Ehoud Olmert a été choisi officiellement jeudi pour former le 31e gouvernement israélien. Il doit être nommé par le président de l’Etat hébreu, Moshé Katsav. Sa coalition s’articulera autour des formations de gauche et des partis religieux avec l’objectif de poursuivre la séparation avec les Palestiniens et de mener les réformes sociales réclamées par sa base. Les tractations pour les portefeuilles ministériels ont commencé.

De notre correspondant en Israël

Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Israël ces derniers jours ont-elles calmé les têtes pensantes des états-majors politiques ? Après plusieurs jours d’agitation et d’atermoiements, la coalition gouvernementale la plus logique, celle voulue par les électeurs israéliens, se met enfin en place. La formation de centre-droit Kadima, arrivée en tête avec 29 sièges sur 120, et les travaillistes, seconds avec 19 mandats, formeront la colonne vertébrale du prochain cabinet. Les leaders des deux camps, Ehoud Olmert et Amir Péretz, ont fini par annoncer leur union mardi dernier, deux jours après une rencontre secrète.

Le mariage aura été long à se dessiner. Dans les premiers jours qui ont suivi le scrutin, les travaillistes ont voulu faire croire à une alliance avec les partis de droite pour former un «gouvernement d’urgence sociale» et contourner Kadima. Le moustachu Amir Péretz s’est-il réellement vu en Premier ministre soutenu par le Likoud (droite nationaliste) et les colons, ou bien a-t-il voulu seulement faire monter les enchères ? Les journaux israéliens étaient en tout cas très critiques à l’égard d’une classe politique rejouant le petit jeu mesquin des alliances contre-nature et des déclarations opportunistes, alors même que les résultats du scrutin –taux d’abstention record, vote protestataire en faveur des petits partis- ont montré un rejet du système politique.

Victoire étriquée, nécessité de recruter

De l’avis général, les Israéliens en ont assez de l’instabilité politique qui les a conduit cinq fois aux urnes en dix ans. Tout l’enjeu pour Ehoud Olmert sera donc de former un socle assez durable à la Knesset. C’était le souhait d’Ariel Sharon lorsqu’il a créé son parti Kadima : remporter suffisamment de sièges (entre 35 et 40) pour ne plus être aussi dépendant des petites formations. La courte victoire de Kadima privée de son créateur complique la tâche du successeur, qui voudrait réussir la gageure d’arriver au bout des quatre ans de législature. Ehoud Olmert a déclaré mercredi qu’il avait «l'intention de former un gouvernement de coalition aussi large que possible», qui «se préoccupera de deux dossiers centraux : la poursuite du processus de paix et la nécessité d'instaurer une plus grande justice sociale».

Et l’héritier d’Ariel Sharon de composer son puzzle. Pour mener à bien son plan de «convergence» ou de «regroupement» (évacuation d’une partie des colonies de Cisjordanie au profit des plus importantes), Ehoud Olmert veut s’appuyer sur les travaillistes, le Meretz (gauche, 5 sièges), et le surprenant Parti des retraités (7 sièges). En outre, il s’est adjugé le soutien des deux partis ultra-orthodoxes, ashkénaze et sépharade (6 et 12 sièges). Pour s’assurer une large majorité, le nouveau chef du gouvernement voudrait aussi faire venir Avigdor Lieberman, chef de file d’une liste russophone aux idées radicales, qui a fait une percée à droite.

Un civil à la Défense !

Ce qui est certain, c’est qu’Olmert fera des travaillistes un «partenaire majeur» de son gouvernement. Et déjà la presse israélienne croit savoir à quel «Yalta» les deux principales formations sont parvenues. Les travaillistes, qui réclament un grand ministère, pourraient laisser les Finances à Kadima, et hériter de la Défense. Un renoncement pour le grand parti de gauche qui a mené campagne contre la politique ultra-libérale du précédent gouvernement. Mais les deux partenaires se seraient mis d’accord sur des réformes sociales (notamment la hausse du salaire minimum).

Pour Amir Péretz, le syndicaliste sans passé militaire, un tour à la Défense serait l’occasion de gagner ses galons d’homme d’Etat. «Plus que tout autre, le ministre de la Défense jouit d'une grande popularité, expliquait hier le grand quotidien Yédiot Aharonot. De plus, Péretz cumulerait grâce à ces fonctions l'expérience politique et sécuritaire qui lui fait défaut pour prétendre à l'avenir au poste de Premier ministre.» Certains responsables sécuritaires s’inquiètent de la possible nomination d'un «civil» à un poste traditionnellement confié à un ancien militaire de carrière. Mais des éditorialistes et des hommes politiques soutiennent ce projet, jugé de moins en moins saugrenue. «Le temps est venu pour Israël de devenir comme la plupart des pays occidentaux, écrit Haaretz, où le ministre de la Défense est un citoyen qui ne sort pas du système, qui n’apporte pas avec lui la poussière des baraquements.» Un civil comme Péretz pourrait mieux qu'un ancien général procéder à d'importantes coupes dans un budget pantagruélique de dix milliards d’euros annuels. De l’argent économisé au profit des programmes sociaux si chers au chef travailliste.


par Xavier  Yvon

Article publié le 06/04/2006 Dernière mise à jour le 06/04/2006 à 08:32 TU