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Népal

Le roi isolé fait face à une opposition déterminée

Un leader pacifique est trainé par les policiers népalais lors d'un rassemblement pro-démocrate à Kirtipur, à quelques kilomètres au sud-ouest de Kathmandou.(Photo : Mouhssine Ennaimi / RFI)
Un leader pacifique est trainé par les policiers népalais lors d'un rassemblement pro-démocrate à Kirtipur, à quelques kilomètres au sud-ouest de Kathmandou.
(Photo : Mouhssine Ennaimi / RFI)
Les autorités népalaises ont annoncé jeudi la levée du couvre-feu nocturne à Katmandou et rétabli les communications par téléphone portable. Ces mesures sont interprétées comme autant de signes d’assouplissement à la veille d’un discours royal très attendu. Le royaume fait face à un vaste mouvement de protestation politique. En une semaine, la crise a fait 4 morts et plusieurs milliers d'arrestations. Depuis que la coalition de tous les partis d'opposition et de la guérilla maoïste ont appelé à des grèves nationales, le pays connaît une nouvelle flambée de violences. Si le pouvoir paraît inflexible, les militants pro-démocrates semblent déterminés à aller jusqu'au bout pour rétablir la démocratie dans le petit royaume himalayen coincé entre l'Inde et la Chine.

De notre envoyé spécial à Katmandou

« Restez chez vous ! Le couvre-feu a commencé. Personne dans les rues jusqu'à 17h ! » Il est à peine midi, le fourgon policier sillonne les rues désertes de Kirtipur, à quelques kilomètres à peine de Katmandou. Le son du mégaphone résonne jusque sur les hauteurs de la colline qui abrite un important campus universitaire du pays. Dans une ruelle, des dizaines d'étudiants se sont rassemblés. Ils brandissent des marionnettes en haillons, censées représenter le roi népalais. « Gyanendra, quitte le pays ! Nous voulons la démocratie ! » Les effigies seront brûlés quelques minutes plus tard. Un voisin sort, verse de l'essence sur les flammes et retourne aussitôt s'enfermer chez lui. Tout le monde applaudit. Galvanisé, le groupe se remet en marche, en hurlant les mêmes slogans : « Nous voulons la démocratie ! Gyanendra, quitte le pays ! » A l'autre bout de la rue, un cordon policier barre la route.

Bloqués, les manifestants s'assoient à une dizaine de mètres du barrage policier. Plusieurs militants pro-démocrates s'improvisent « leaders » et enflamment la foule. La première rangée de policiers met un genou à terre et s'abrite derrière des boucliers de plexiglas. Les forces de l'ordre ont revêtu leur tenue de protection en mousse. En quelques secondes, les policiers chargent. Panique générale. Les manifestants courent dans tous les sens. Coups de bâtons, coups de pieds : la scène est extrêmement violente. Un militant reçoit un coup de botte dans la mâchoire. Le sang gicle. A terre, il sera roué de coups avant d'être emmené vers le camion de l'armée garé à proximité. Un des leaders, inconscient, est traîné par terre avant d'être évacué par les forces de l’ordre. Il finira lui aussi dans le camion.

En moins de 5 minutes, les policiers ont arrêté une vingtaine de manifestants et blessé une dizaine d'autres. Parmi eux, quelques enfants sont couverts de sang. « Ce n'est pas en empêchant et en matant les gens qui expriment leurs opinions politiques que le roi va trouver une issue positive à la situation complexe que connaît le pays », dit Matthew Kahane, responsable de la mission des Nations unies au Népal, présent sur les lieux et témoin de la répression exercée par les autorités.

Tirer à vue

Face à cette nouvelle crise politique, le gouvernement a donc choisi la répression au dialogue. Quand les sept partis d'opposition, alliés à la guérilla maoïste pour l'occasion, ont appelé à une grève nationale, le pouvoir royal a instauré un couvre-feu diurne et interdit tout rassemblement dans les rues. Policiers et militaires ont reçu la consigne de tirer à vue sur les manifestants. « Ces mesures dissuasives et sanguinaires n'ont pas eu l'effet escompté. La population, et surtout les étudiants, ont réagi en bravant les couvre-feu et l'autorité royale », lance Raji, assis devant sa boutique fermée dans le quartier touristique de Thamel.

Quant à l'opposition, elle est tout simplement muselée. Quand les responsables politiques ne sont pas en prison, ils sont terrés chez des proches de confiance de peur d'être arrêtés. Après de multiples précautions, Minendra Rijal, membre du parti démocrate népalais, accepte d'accorder une interview à rfi.fr. « Le roi a pris tous les pouvoirs en février 2005 et ce, de façon autocratique! Vous imaginez la reine d'Angleterre s'emparer des pouvoirs exécutifs en reprochant à son Premier ministre une mauvaise gestion du pays? Nous, c'est pareil! Nous voulons la démocratie. Une démocratie où le peuple est libre de choisir ses dirigeants et décide de son propre avenir », affirme le leader politique.

Le roi de plus en plus isolé

Interrogé sur son alliance avec la guérilla maoïste, Minendra Rijal explique que cette alliance, de circonstance, est basée sur le fait que les rebelles ont promis de rentrer dans le jeu politique à condition que des élections pour une assemblée constituante aient lieu. Est-ce que « les rebelles maoïstes sont sincères ? Honnêtement, je ne sais pas ! Mais nous devons essayer ! Depuis plus de 10 ans, plus de 14 000 personnes ont perdu la vie et des centaines de milliers ont été déplacées… Tout cela doit s'arrêter maintenant !»,  conclut Minendra Rijal.

Sur la scène internationale, plusieurs pays expriment leurs préoccupations. Les Etats-Unis ont ouvertement critiqué le gouvernement népalais et l'Union européenne envisage de porter le dossier devant l’ONU. Malgré cela, le roi ne semble pas prêt à assouplir sa position. « Personnellement, je vis mal le fait de cogner sur les manifestants… Je ne sais pas combien de temps le pouvoir va encore tenir… », confie un policier en marge des manifestations de Kirtipur.


par Mouhssine  Ennaimi

Article publié le 13/04/2006 Dernière mise à jour le 13/04/2006 à 16:06 TU