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Népal

Le discours du roi ne résout rien à la crise

Le discours du roi Gyanendra n'a pas convaincu les éditorialistes, encore moins les leaders de l'opposition qui maintiennent leur appel à la mobilisation populaire.(Photo : AFP)
Le discours du roi Gyanendra n'a pas convaincu les éditorialistes, encore moins les leaders de l'opposition qui maintiennent leur appel à la mobilisation populaire.
(Photo : AFP)

En s’exprimant ce jeudi, à l’occasion de la fête du nouvel an népalais, le roi Gyanendra a appelé à des élections générales –sans en fixer la date-, et promis une «démocratie pluraliste». Ce discours était censé apaiser les tensions politiques qui prévalent depuis plusieurs jours. Mais il n’a pas eu l’effet escompté : les partis d’opposition ont rejeté ces propositions, jugées «insuffisantes et trop tardives». Les manifestations populaires dans les rues se sont poursuivies ce vendredi pour réclamer le rétablissement de la démocratie.


«L’anarchie dans la monarchie». L’éditorialiste du magazine Nepali Times ne mâche pas ses mots pour critiquer le régime du roi Gyanendra. A croire notre confrère, «ces dernières années, le souverain a toujours dit des choses justes mais systématiquement, il a fait le contraire». Cette analyse a été rédigée quelques heures avant que le roi ne prononce son discours du nouvel an. Une manière de laisser entendre qu’il ne fallait pas trop attendre de cette intervention du roi Gyanendra.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, la télévision publique a retransmis le message du souverain, à l’occasion du nouvel an népalais. «Nous souhaitons, qu’avec la participation active de tous les partis politiques attachés à la paix et à la démocratie, un exercice significatif de la démocratie multipartite soit enclenchée avec un exercice démocratique exemplaire, tel que des élections générales». Pour autant, le roi Gyanendra n’a pas fixé de date pour un tel scrutin. Par ailleurs, il a rappelé combien «le dialogue doit être la base en vue de résoudre les conflits». Mais, à aucun moment, il n’a clairement évoqué les manifestations en cours depuis plusieurs jours dans le pays.

Le 6 avril dernier, les partis d’opposition, réunis dans une plate-forme commune appelée «l’alliance des sept partis», ont enclenché une vaste campagne de protestation contre le roi, accusé d’atteinte à la démocratie. L’opposition dénonce l’attitude du souverain sur le trône depuis 2001, qui s’est, selon elle, arrogé les pleins pouvoirs en février 2005. A cette campagne politique s’est jointe une partie de la société civile, ainsi que le mouvement des rebelles maoïstes, qui militent depuis une décennie, les armes à la main, pour le renversement du roi.

L’Onu se dit «très préoccupée»

Depuis bientôt dix jours, des manifestations pacifiques sont organisées quotidiennement dans les rues de la capitale et dans les grandes villes du pays. Une grève générale est également largement suivie, qui paralyse tout le royaume. Le régime du roi Gyanendra a choisi la manière forte pour mater cette campagne de mobilisation populaire, en instaurant le couvre-feu. Les forces de l’ordre ont procédé à plus de 1 500 arrestations. Quatre personnes sont mortes suite à des heurts entre les manifestants et les militaires.

Cette situation de crise, et les mesures de répressions employées par le roi, ont suscité une vague de protestations au niveau international. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a fait savoir sa «très vive préoccupation». Le représentant de l’Unesco, Koïchiro Matsuura, a condamné les «attaques à l’encontre des journalistes» et les entraves à la liberté d’expression. Plusieurs capitales occidentales ont aussi dénoncé le «recours excessif aux forces de sécurité».

«Notre mouvement pacifique va se poursuivre»

De plus en plus isolé, le roi Gyanendra a bien tenté d’assouplir sa position. Avant la diffusion de son discours du nouvel an, jeudi, il a levé le couvre-feu et autorisé le rétablissement des lignes des téléphones portables, délibérément coupées depuis le 6 avril. Et sans doute espérait-il que son allocution, avec la promesse de nouvelles élections, allait satisfaire les opposants. Il n’en est rien.

«(Le roi) n’a pas répondu au problème de la nation ainsi qu’il aurait dû le faire, a expliqué Girija Prasad Koirala, président du Congrès népalais, le parti le plus important. Il n’y aucun changement (de position), la seule chose qu’il ait changé, ce sont ses mots». Même analyse de la part du dirigeant du Parti communiste du Népal, qui a annoncé que l’alliance des sept partis allait continuer à manifester. «Notre mouvement pacifique va se poursuivre avec plus de vigueur dans les jours à venir», a même prévenu un autre leader du mouvement. En fait, les responsables de l’Alliance des sept partis considèrent «insuffisantes et trop tardives», les propositions contenues dans le discours royal.

Ce vendredi 14 avril, un nouveau rassemblement populaire s’est tenu dans un des faubourgs de la capitale. Avec toujours les mêmes slogans dans les rangs des manifestants : «Nous voulons la démocratie», «A bas l’autocratie».


par Olivier  Péguy

Article publié le 14/04/2006 Dernière mise à jour le 14/04/2006 à 17:08 TU