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Terrorisme

Zacarias contre Moussaoui

"Je ne suis pas fou", affirme Moussaoui. Ses avocats essaient de prouver le contraire.(Photo : AFP)
"Je ne suis pas fou", affirme Moussaoui. Ses avocats essaient de prouver le contraire.
(Photo : AFP)

La parole est à la défense, dans le procès de Zacarias Moussaoui, à Alexandria, en Virgine (Etats-Unis). Les avocats du Français, jugé pour son éventuelle implication dans les attentats du 11 septembre 2001, ont choisi de mettre en avant la double personnalité de cet homme de 37 ans. Une double personnalité qui expliquerait une tendance schizophrène. Si de tels troubles mentaux étaient reconnus et admis par les jurés, Zacarias Moussaoui pourrait bénéficier de circonstances atténuantes et ainsi échapper à la peine capitale.


Zacarias contre Moussaoui. Comme s’il y avait deux personnalités chez cet homme jugé devant le tribunal d’Alexandria, en Virginie. Deux personnalités aux facettes presque opposées. Depuis le début du procès du Français, soupçonné d’avoir pris part à la préparation des attentats du 11 septembre 2001, les jurés, les magistrats et le public ont eu à faire affaire à un Moussaoui agressif, haineux. Durant les débats, lors des témoignages des familles des victimes des attentats, Moussaoui affichait une attitude méprisante, ouvertement anti-américaine. «Je n’ai pas de regrets, pas de remords (…) Je souhaite qu’il y ait encore plus de souffrance», a-t-il même lâché, à un auditoire sidéré. Et posément, Moussaoui a affirmé : «Dieu merci, je ne suis pas fou».

Pas fou ? Toujours est-il qu’au-delà du Moussaoui arrogant, qui veut se faire passer pour un des artisans des attentats du 11 septembre, il y a peut être un autre personnage, plus «présentable», plus «normal». Celui de Zacarias, que ses amis d’enfance appelait affectueusement «Zac». Un personnage présenté depuis lundi par la défense. Les avocats du Français ont ainsi apporté un éclairage jusque là inédit sur le jeune homme. Et pour cela, la défense est allée chercher dans le passé de Zacarias Moussaoui.

«Nous, un arabe et un juif, étions les meilleurs amis du monde»

Premier témoin appelé à la barre : Jan Vogelsang. Cette experte auprès des tribunaux en matière d’environnement social et familial a expliqué s’être rendue en France et au Maroc, où elle s’est entretenue avec des proches de Moussaoui. Elle a raconté l’enfance troublée, la violence qui se manifestait dans la cellule familiale. Puis l’école où Zacarias Moussaoui semblait être un «élève moyen aux résultats moyens». Puis l’adolescence quasi «normale». Une relation amoureuse avec une jeune fille, Karine. Et puis les amis.

Parmi les fréquentations de Zacarias Moussaoui, un certain Gilles Cohen, venu d’ailleurs témoigner lundi devant les jurés. Cet homme, de religion juive, a parlé des longues discussions qu’il avait avec «Zac» sur le conflit israélo-palestinien. «A l’époque, explique-t-il, nous avions du mal à comprendre pourquoi deux peuples de la même origine étaient à ce point ennemis alors que nous, un arabe et un juif, étions les meilleurs amis du monde.» La semaine dernière, Moussaoui, devant le même tribunal, clamait sa haine d’Israël et des juifs.

Un père violent, aujourd’hui interné en hôpital psychiatrique

Encore plus déroutant, le témoignage des deux sœurs de Zacarias Moussaoui, Djamila et Nadia. Leurs propos ont été recueillis sur vidéo et diffusé ce lundi aux jurés. Les deux sœurs sont revenues sur les douleurs de l’enfance. L’une et l’autre ont décrit une famille soumise à la terreur que faisait régner un père violent qui battait sa femme et ses enfants, les années passées dans des orphelinats. Aujourd’hui, Djamila reconnaît être soignée pour schizophrénie et Nadia souffre de psychose à tendance schizophrénique. Quant au père, Omar Moussaoui, il est interné dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne.

Alors, que faut-il penser de tous ces témoignages ? Est-ce que Zacarias Moussaoui est, lui aussi, victime de troubles mentaux ? En tout cas, c’est ce que veulent démontrer ses avocats. Car si, effectivement, le Français est reconnu malade mental, il pourra «bénéficier» de circonstances atténuantes, et échapper ainsi à la peine de mort. La seule peine qui pourrait alors lui être infligée serait la réclusion à perpétuité.

Le jury devrait entendre dans les prochaines heures d’autres témoignages retenus par les avocats de Zacarias Moussaoui. Mais en fait, le sort de l’accusé dépend surtout de lui-même : avant la fin du procès, il prendra encore la parole. Jouera-t-il encore le rôle du Moussaoui suicidaire, aspirant au martyr ? Sera-t-il perçu comme le «Zac» au passé refoulé et instable, devenu détraqué psychologiquement ? Réponse d’ici à la fin de la semaine.


par Olivier  Péguy

Article publié le 18/04/2006 Dernière mise à jour le 18/04/2006 à 15:53 TU