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Liberia

Charles Taylor : une arrestation prématurée ?

Nombre de Libériens redoutent la réaction des ex-combattants à l'arrestation de celui qui fut leur chef, l'ancien président du Liberia Charles Taylor.(Photo : AFP)
Nombre de Libériens redoutent la réaction des ex-combattants à l'arrestation de celui qui fut leur chef, l'ancien président du Liberia Charles Taylor.
(Photo : AFP)
Près d’un mois après l’arrestation de Charles Taylor, l’ancien homme fort du Liberia, nombre d’habitants sont dubitatifs et redoutent que ses anciens partisans ne réagissent pour défendre leurs intérêts aujourd’hui menacés.

De notre correspondant à Monrovia

Charles Taylor a longtemps été considéré comme l’homme le plus dangereux d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui Charles Taylor est sous les verrous dans la cellule du tribunal international de Sierra Léone où il doit répondre de onze chefs d’accusation. Pour nombre de Libériens, cette arrestation est intervenue bien trop tôt alors que les ex-combattants de Taylor n’ont pas encore trouvé leur place dans la société.

La décision de la nouvelle présidente, Ellen Johnson Sirleaf, de demander au Nigeria l’extradition de Taylor a été prématurée aux yeux de ce fonctionnaire qui souhaite garder l’anonymat : «Nous avons tous toujours voulu et nous continuerons de souhaiter que Charles Taylor réponde de ses actes devant la justice. Mais cela aurait pu attendre au moins deux ans parce que quand vous voyez aujourd’hui les conditions dans lesquelles vivent les acteurs de la guerre que sont les ex-combattants il y a de quoi s’inquiéter. C’est bien de satisfaire la communauté internationale, en particulier les Américains, mais il faut que Ellen Sirleaf pense aux retombées de ses actes

« Tout n’est pas fini, au contraire »

Pour le moment, la sombre prédiction ne s’est pas réalisée. Depuis l’arrestation de Charles Taylor ses dizaines de milliers de redoutables ex-combattants sont restés calmes. Pourtant ce sont eux que les Libériens redoutent. «Il ne faut pas d’illusions. Depuis le départ de Charles Taylor ; ses hommes sont devenus des gangsters et d’autres monnaient leur talent de tueurs dans les autres zones de conflits de la sous-région. Très peu ont décidé de faire autre chose que manipuler les armes. Il ne faut donc pas que les forces onusiennes pensent que tout est fini. Au contraire c’est maintenant qu’il faut serrer l’étau.», assure Saye Gwanue, historien et professeur à l’université nationale du Liberia.

Au Liberia comme partout ailleurs en Afrique, la tradition occupe une place très importante dans la politique nationale. Les leaders traditionnels ont toujours eu une grande influence sur les électeurs pendant les votes. Charles Taylor l’avait bien compris et s’était initié aux différents cultes traditionnels du pays. C’est de là qu’il tient le surnom que lui donnent quelques fidèles : Dahpkanah (Grand chef Zoe). Ce sont les chefs traditionnels qu’on appelle Zoe au Liberia. Avant de prendre une décision l’homme fort de Monrovia tenait toujours une réunion avec les Zoes. Même si la décision prise était exécutée autrement, l’essentiel était qu’ils en étaient informés auparavant et que chacun l’avait cautionné.

Les chefs traditionnels offusqués

A l’image du vieux Flomoh Barwroh, Zoe de la région centre du Libéria, tous les autres Zoes du pays ont aujourd’hui du mal à digérer l’arrestation de leur chef. «Comment peut-on arrêter un chef traditionnel, un Dahpkanah, de la sorte, sans au préalable consulter les chefs traditionnels ?» s’offusque le vieux Barwroh en enfonçant sa canne de chef dans la terre, la terre de ses ancêtres.

Si dans le terroir les gardiens de la tradition sont mécontents, dans la zone urbaine où la tradition a moins d’effet, les avis sont partagés. «On souhaitait cette arrestation ; c’est arrivé et je pense que le moment importe peu», estime Emmanuel Baryon, enseignant. Pour d’autres, si Taylor a été arrêté il faut que tous ceux qui ont commis des crimes de guerre le suivent. «C’est bien d’arrêter Taylor parce que c’était une des conditions pour que notre pays bénéficie de l’aide extérieure. Mais il n’y a pas que lui, les chefs des autres factions doivent le suivre.», entend-on dire dans les rues de Monrovia.


par Zoom  Dosso

Article publié le 24/04/2006 Dernière mise à jour le 24/04/2006 à 14:22 TU

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