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Proche-Orient

Chirac – Abbas : aider les Palestiniens, pas le Hamas

Un entretien Jacques Chirac - Mahmoud Abbas, à l'Elysée, consacré essentiellement à la question de l'aide à la population palestinienne.(Photo : AFP)
Un entretien Jacques Chirac - Mahmoud Abbas, à l'Elysée, consacré essentiellement à la question de l'aide à la population palestinienne.
(Photo : AFP)

Le président français Jacques Chirac propose la création d’un fonds spécial pour aider la population palestinienne. Ce fonds serait géré par la Banque mondiale. L’idée a été présentée ce vendredi au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de passage dans la capitale française. Les pays occidentaux ont suspendu le versement de leur aide aux Palestiniens depuis l’accession au pouvoir du mouvement radical Hamas. «Il y a urgence à intervenir», a rappelé Mahmoud Abbas.


Mahmoud Abbas avait commencé sa tournée internationale, les mains vides. Après un passage à Ankara, Oslo, Helsinki et Paris, il est revenu dans les territoires palestiniens. Certes, ses poches ne sont pas pleines d’euros. Mais en tout cas, il a quelque chose à offrir à ses concitoyens : la perspective d’une reprise de l’aide financière internationale. Une aide qui fait cruellement défaut depuis deux mois.

Petit retour en arrière. Fin mars, le mouvement radical Hamas accède au pouvoir, après sa victoire aux élections législatives. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, se trouve alors bien isolé, puisque son parti, le Fatah, doit céder le pouvoir. Les pays occidentaux voient d’un très mauvais œil l’arrivée aux affaires du Hamas, qu’ils considèrent comme un mouvement «terroriste». D’autant que les leaders de ce mouvement campent sur des positions radicales : non-reconnaissance d’Israël et poursuite de la lutte armée. D’où les décisions successives du Canada, des Etats-Unis puis de l’Union européenne, d’arrêter le versement de l’aide financière adressée aux Palestiniens, tant que le Hamas ne change pas ses positions. Ce soutien  international s’élève à 1,3 milliards de dollars. Une manne indispensable au fonctionnement de l’administration palestinienne. La suspension de l’aide internationale est alors considérée par le Hamas comme un «odieux chantage». En tout cas, cela asphyxie une population déjà fragilisée par les tensions politico-militaires de la région.

Contourner subtilement le Hamas

La communauté internationale se trouve alors face à un dilemme : comment boycotter le gouvernement sans sanctionner un peuple palestinien dans le besoin ? Réponse : en ne gardant comme interlocuteur que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, jugé modéré. C’est lui qui est ainsi accueilli ces derniers jours en Turquie, en Norvège, en Finlande et enfin en France. A chaque escale, il rappelle inlassablement combien la situation dans les territoires palestiniens est «critique», et qu’il convient de trouver rapidement une solution pour que cela ne dégénère pas en «catastrophe humanitaire».

A Paris, ce vendredi, le président français Jacques Chirac a proposé justement une solution à Mahmoud Abbas. Cela consiste en la création d’un fonds spécial, qui serait géré par la Banque mondiale. Ainsi les pays donateurs pourront transférer leur aide financière à ce fonds. Cela servira notamment à payer directement les 160 000 fonctionnaires palestiniens dans l’attente pressante de leur salaire depuis deux mois. Ce dispositif permet de fournir une assistance à la population, sans passer par le gouvernement.

Il fallait s’y attendre, le Hamas a exprimé son refus d’être court-circuité. «Le paiement des salaires doit être fait en coordination avec le gouvernement, a ainsi déclaré à Gaza Ghazi Hamad, porte-parole du gouvernement palestinien. Nous ne souhaitons pas la création d’un cabinet parallèle». Pour sa part, le ministre des Finances, Omar Abdelrazeq, ne s’est pas dit opposé au principe de ce fonds, mais selon lui,  il «doit préserver les prérogatives du ministère des Finances quant au contrôle et la supervision des procédures financières».

Les arrière-pensées stratégiques

Concrètement, la proposition française va maintenant être soumise et discutée par les membres du «Quartet» (Union européenne, Etats-Unis, Russie et Onu), chargé de la médiation internationale au Proche-Orient. La prochaine réunion de ce «Quartet» est prévue le 9 mai. Pour la France, la solution présentée ce vendredi, outre ses considérations humanitaires, n’est pas dénuée d’arrière-pensées stratégiques : il s’agit d’éviter que le Hamas ne se tourne vers d’autres sources de financement, comme l’Iran. Les autorités de Téhéran ont déjà promis une aide de 50 millions de dollars au gouvernement et au peuple palestiniens. En revanche, les Etats-Unis sont plutôt favorables à un maintien strict de la suspension de l’aide internationale, faisant le pari que le Hamas ne pourra pas résister bien longtemps.

En tout cas, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la population pâtit de cette situation. Pas de salaires pour les fonctionnaires, cela veut dire des centaines de milliers de famille privées de ressources et, par voie de conséquence, une économie qui tourne encore plus que d’habitude au ralenti. Mais pour autant, la popularité des islamistes ne semble pas faiblir auprès des habitants de territoires palestiniens. Contrairement aux souhaits de certains responsables occidentaux, le Hamas n’est donc pas (encore) sur la sellette.


par Olivier  Péguy

Article publié le 28/04/2006 Dernière mise à jour le 28/04/2006 à 16:30 TU